Violence contre un professionnel de santé

Tolérance zéro pour toute violence prônent l'Ordre et le ministère de la Santé

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Publié le 08/06/2023
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Face à la recrudescence de la violence faite aux pharmaciens - + 17 % de cas par rapport à 2019 -, Alain Marcillac, référent national sécurité et membre du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, évoque plusieurs mesures pour faciliter le dépôt de plainte et l'intervention des forces de l'ordre.

Crédit photo : CNOP

Le Quotidien du pharmacien. - 70 % des agressions ont pour motif un refus de dispensation. Pensez-vous que la numérisation des données de santé, y compris des prescriptions, puisse atténuer ces tensions ?

Alain Marcillac. - La numérisation pourrait constituer une partie de la réponse. Mais sa mise en place ne sera pas immédiate. De plus, elle va requérir la mise à niveau de cette notion auprès des patients et, de manière générale, une évolution des mentalités. Mais il est certain que la numérisation des prescriptions va apporter une solution au phénomène des ordonnances falsifiées. Cependant, nous notons que chaque époque apporte son lot de nouvelles tensions, en fonction desquelles nous ajustons nos items sur l'espace des déclarations sur le site de l'Ordre.

Nous avons ainsi été confrontés avant la crise sanitaire à une série de dégradations de pharmacies, en marge de manifestations sur la voie publique. Puis nous avons eu pendant le Covid, les agressions liées au port du masque, à la continuité des traitements, aux tests antigéniques et finalement celles en rapport avec la vaccination et ses opposants. Depuis septembre, nous faisons face à de multiples pénuries de médicaments, nouvelles sources de tensions avec les patients.

Paradoxalement, le taux de violences verbales et physiques est plus élevé en 2022 que pendant les deux années de gestion de crise sanitaire.

Ce regain de violence est à mettre en corrélation avec le mal-être de notre société, que l'on retrouve partout en France, 32,4 % des agressions contre les pharmaciens étant commises dans des communes de moins de 5 000 habitants. Ce mal-être est amplifié par un manque d'accès aux médecins traitants, tout particulièrement aux psychiatres. Nous nous trouvons donc en présence de patients, sous anxiolytiques, dont le traitement ne peut plus être réévalué, ni renouvelé, puisque la législation nous interdit de faire du dépannage.
Les autorités de santé ont tout à fait conscience de ces tensions sociales. En début d'année, un chantier a été lancé avec les parties prenantes par notre consœur Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention, chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, pour mener un plan de lutte contre les violences faites aux soignants. Le ministère a annoncé que ce serait désormais tolérance zéro pour tous les actes commis à l'encontre des professionnels de santé.

Pour autant, 35 % des pharmaciens, seulement, ont porté plainte en 2022, contre 44 % un an auparavant. Comment expliquez-vous cette frilosité, alors même que les faits de violence sont dénoncés dans le débat public ?

Les pharmaciens sont confrontés à une attente importante pour faire enregistrer leur plainte. Conscient de ce problème, l’Ordre travaille actuellement avec le ministère de la Santé à un dispositif d'accueil rapide et prioritaire des pharmaciens, un « coupe-file » en quelque sorte. Autre initiative, l'instauration d'un numéro d'urgence unique et spécifique aux professionnels de santé qui, en cas d'agression, seront immédiatement identifiés en tant que tels par le standard qui pourra alors déclencher l'intervention des forces de l'ordre.

Propos recueillis par Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien