S’il fallait une preuve que le droit de substitution biosimilaire par le pharmacien d’officine est de nouveau sur la table, elle est fournie par l’assurance-maladie. Dans son rapport annuel Charges et produits, présenté le 25 juin dernier, celle-ci liste les économies attendues pour 2022, dont 290 millions sur les médicaments. Plus en détail, elle indique un objectif de 42 millions d’euros grâce à un dispositif d’intéressement à la prescription de biosimilaires en ville et un autre de 10 millions d’euros par le biais de la substitution biosimilaire à l’officine… La restauration de ce droit de substitution en initiation de traitement ne concernerait cependant pas les prescriptions pour les patients chroniques.
En abrogeant le droit de substitution biosimilaire, instauré en 2014 mais jamais mis en œuvre faute de décret d’application, la loi de financement pour la Sécurité sociale (LFSS) pour 2020 ne lui a pas fermé définitivement la porte. Elle annonçait en effet la création d’un groupe de travail visant à déterminer les conditions de l’interchangeabilité par le médecin et de la substitution par le pharmacien. Mais quelques semaines après ce vote, la Chine annonçait la découverte d’un nouveau coronavirus… Gouvernement, système de santé, soignants, tous ont dû concentrer leurs efforts ailleurs que sur la question des biosimilaires. Toutefois, l’Académie nationale de pharmacie s'est prononcée à deux reprises sur le sujet, en novembre 2020 et le 24 juin dernier. Elle appelle au retour du droit de substitution biosimilaire en initiation de traitement et à la possibilité pour le médecin de prescrire les biomédicaments sous leur dénomination commune internationale (DCI), charge au pharmacien de notifier le nom de la marque dispensée la première fois pour éviter « d’exposer un patient à l’alternance de sources biologiques différentes sans nécessité ».
Honoraire de suivi
Face au déficit abyssal de la Sécurité sociale provoqué par le Covid-19 en 2020 et 2021, l’assurance-maladie cherche tous les leviers d’économies possibles sans priver les patients des soins nécessaires. La substitution biosimilaire est donc une carte à jouer. Les discussions se sont multipliées ces dernières semaines, aboutissant à un assouplissement des plus réfractaires à la substitution biosimilaire. Lors d’une conférence de presse, le Laboratoire Amgen s’est ainsi dit « ouvert à la discussion » concernant la substitution des molécules les moins complexes et les plus anciennes comme les insulines. Il y est opposé, en revanche, pour des molécules complexes et récentes, tels les anticorps monoclonaux récemment biosimilarisés que le laboratoire commercialise : Amgevita (adalimumab), Mvasi (bevacizumab) et Kanjinti (trastuzumab). Présente lors de cette réunion, la présidente de l’Association nationale de défense contre l’arthrite rhumatoïde (ANDAR), Sonia Tropé exprime quelques réticences quant à la substitution biosimilaire, mais « la quasi-totalité des associations de patients atteints de maladies chroniques inflammatoires est ouverte à une démarche différenciée selon les molécules, avec une limite : lorsqu’un médicament est à prescription initiale hospitalière, il ne doit pas y avoir de substitution possible à l’officine ».
De son côté, l’association des fabricants de génériques et de biosimilaires, le GEMME, a fait sauter le verrou anti-substitution biosimilaire fin 2019. Le 29 juin dernier, il a même fait des propositions pour développer ce marché en ville, où sa pénétration est encore limitée à 23 % quand elle est de 69 % à l’hôpital. Au menu : améliorer l’accompagnement et l’information des patients par le biais d’un entretien dédié, au début du traitement, puis de manière ponctuelle par la suite, en associant le binôme prescripteur-pharmacien pour un suivi coordonné ; permettre la substitution biosimilaire par le pharmacien d’officine, « a minima lors de l’initiation du traitement », valoriser l’implication du médecin traitant et du pharmacien d’officine par le biais d’un honoraire de suivi du patient.
Formation spécifique
Des propositions plébiscitées par la chambre syndicale des groupements et enseignes, Federgy. « La force de la pharmacie de proximité est de bien connaître ses patients qui en retour font confiance à leur pharmacien. Qui serait donc le plus à même de réaliser cet entretien dédié et de mettre en confiance le patient ? », demande son président, Alain Grollaud. Mais à la différence du GEMME, Alain Grollaud plaide pour une substitution biosimilaire « pleine et entière », comme il l’a expliqué lors de rencontres récentes avec les ministères de l’Économie, de la Santé, l’assurance-maladie et des associations de patients*. Signataire de la charte d’engagement des bonnes pratiques de dispensation des médicaments biosimilaires, Federgy souhaite que les pharmaciens soient formés à cette dispensation pour « accompagner au mieux les patients » et « faciliter une bonne observance ». La chambre syndicale défend aussi l’idée d’un honoraire spécifique à la substitution biosimilaire à l’initiation du traitement, sur le modèle de la rémunération des entretiens pharmaceutiques. Alain Grollaud espère une réponse de l’assurance-maladie à la rentrée.
Pour Christian-Eric Mauffré, président du groupe Ceido et trésorier de Federgy, le marché biosimilaire en ville ne pourra se développer qu’avec le droit de substitution. « Des molécules bien connues et de longue date comme l’insuline ou les héparines de bas poids moléculaire affichent aujourd’hui des taux de pénétration respectifs de 31 % et 12 %. On a pu démontrer en 2019 par une étude observationnelle qu’en donnant au pharmacien la possibilité de substituer, il peut multiplier par 8 le taux de pénétration de l’énoxaparine (Lovenox). » Quant au retour du droit de substitution dans le rapport Charge et produits de l’assurance-maladie, Alain Grollaud le juge comme une première étape favorable, même s’il attend de connaître la liste des biomédicaments que le pharmacien devrait être autorisé à substituer. En revanche, il pense, tout comme le GEMME, que les 10 millions d’économies visées par la substitution sont « sous-estimés ». Pour peu que les pharmaciens aient les coudées franches.
* L’Association François-Aupetit (AFA Crohn RCH France) et l’Association française de lutte antirhumatismale (AFLAR)
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