Le fléau des ruptures de médicaments continue à prendre de l’ampleur. Pour l’industrie pharmaceutique, casser cette dynamique est la priorité pour 2023, tout comme il est nécessaire de revoir le modèle de financement et de régulation du médicament qui contribue, aussi, aux pénuries constatées.
L’incontournable sujet des ruptures de stock aura été le fil rouge du discours du nouveau président du LEEM, Thierry Hulot, PDG de Merck France. Des ruptures que « les Français vivent au quotidien quand ils vont dans leur pharmacie » et dont ils sont « les premières victimes ». Ces pénuries concernent en premier lieu les médicaments matures, génériqués, et les causes sont multiples : des pathologies hivernales survenues plus tôt et plus fort qu’anticipé, une augmentation de la demande mondiale chaque année supérieure aux capacités de production, des principes actifs très concentrés en Chine et en Inde, une chaîne de production fragmentée…
À ces causes multifactorielles globales s’ajoutent des « spécificités françaises ». D’abord des prix encadrés parmi les plus bas d’Europe qui n’incitent ni à l’investissement des industriels sur le territoire, ni à la priorisation des patients français en cas de tensions d’approvisionnement. Pire, ils encouragent l’exportation vers des marchés voisins plus attractifs. De plus, la France est adepte d’une politique « punitive » à travers des mesures comme « les obligations de stockage et les pénalités appliquées en cas de rupture ». Alors que les coûts de production ont explosé, « qu’il s’agisse des matières premières, des intrants (principes actifs, emballages en verre, aluminium, cartons, dérivés du pétrole, etc.), de l’énergie, ou encore de la masse salariale », les prix administrés des médicaments n’enregistrent aucune hausse, au contraire.
« Nous n’avons pas la possibilité de répercuter ces augmentations sur le prix de nos produits, rappelle Thierry Hulot. Comment s’étonner des problèmes d’approvisionnement en amoxicilline lorsqu’on sait que le prix fabricant hors taxe est de 0,76 euro la boîte ? Prenons l’exemple du bicarbonate de sodium, très utilisé à l’hôpital, dont le prix du demi-litre est de 1,40 euro. La marge du fabricant est passée de + 14 centimes en 2014 à -17 centimes aujourd’hui. Quand ce fabricant – français ! – aura disparu, où nous approvisionnerons-nous ? » Tirant la sonnette d’alarme, le LEEM souligne que l’Allemagne vient d’annoncer un plan pour faire face à l’inflation en augmentant de 50 % le prix de 200 molécules essentielles, tandis qu’il attend la réponse du gouvernement français sur le sujet depuis neuf mois.
Le LEEM promet un plan d’actions anti-ruptures et des recommandations qu’il adressera aux pouvoirs publics avant la fin du premier trimestre. Au programme notamment, la détermination de 200 ou 300 molécules essentielles et la mise en place d’un plan d’actions pour chacune d’entre elles. Un travail qui devra prendre une dimension européenne et qui permettra de faire des choix en termes de réindustrialisation et de production.
Parallèlement, garantir l’accès aux médicaments concerne aussi les traitements innovants. Si les industriels plébiscitent la réforme de l’accès précoce, le moment tant attendu de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) est trop souvent synonyme d’une évaluation divergente de la commission de transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) et d’une attitude du Comité économique des produits de santé (CEPS) qui « s’éloigne de l’esprit de l’accord-cadre et propose des comparateurs de prix hallucinants ». C’est la raison pour laquelle, affirme Thierry Hulot, la dernière génération d’antimigraineux (anti-CGRP) « est disponible quasiment partout en Europe, sauf en France, où le CEPS propose un prix très éloigné du raisonnable ».
Dans un souhait de transparence, le LEEM met en place un baromètre de l’accès aux médicaments comparant les situations française, européenne et mondiale, dont le premier sera publié en avril et réalisé par un tiers de confiance. Il fera le point sur les ruptures, les arrêts de commercialisation, les délais et la disponibilité des innovations, les difficultés économiques… « La situation sans précédent que nous vivons est la conséquence de 15 années de politique de régulation comptable du médicament. Le chiffre d’affaires des médicaments remboursables net de remises et de clause de sauvegarde n’a pas évolué entre 2009 et 2020 : c’est une confiscation de la croissance ! » Pointant une nouvelle fois la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2023 qui, « dans un contexte hyperinflationniste, prévoit 800 millions d’euros de baisses de prix et un budget médicament très inférieur à la consommation réelle », Thierry Hulot appelle à revoir en profondeur le modèle de financement du médicament et à enfin appliquer les mesures comme la possibilité d’augmenter le prix de certains médicaments et de prendre en compte l’empreinte industrielle en France ou en Europe dans la fixation des prix.
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