Preuve que le travail intersyndical entrepris en amont des négociations conventionnelles porte ses fruits, c’est par un communiqué commun que la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) ont choisi de s’exprimer sur l’observatoire de l’économie officinale qui leur a été présenté le 28 juin. S’ils sont satisfaits que l’assurance-maladie reconnaisse un recul de l’activité en pharmacie alors que les charges « continuent de croître à un rythme supérieur à l’inflation », ils réfutent le chiffrage de la marge brute de dispensation au premier quadrimestre 2023, affichée en hausse de 3,6 %. Selon les données du cabinet IQVIA, elle serait en réalité en baisse de 0,1 %. Et de toute façon, ajoute Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO, face à une hausse des charges de plus de 12 %, « on court après l’inflation ».
La hausse des charges repose en grande partie sur l’augmentation de la charge salariale, car face à la pénurie de collaborateurs, les titulaires sont contraints d’embaucher à des tarifs bien au-dessus de la grille des salaires. « Or, quand on a une hausse de revenus inférieure à la hausse des charges, il faut aller taper dans les réserves liées au Covid, réserves qui seraient assez homogènes dans le réseau selon l’assurance-maladie, mais qui seront épuisées d’ici à la fin de l’année », souligne Guillaume Racle, conseiller économie et offre de santé de l’USPO. Même si l’avenant économique est signé à la fin de l’année et met en place des revalorisations et des rémunérations pour de nouvelles missions, « sa mise en application se fera mi-2024 et entre-temps ce sera la chute libre ».
Ralentissement drastique
À cette « inflation galopante en pharmacie qui est 2,2 fois plus élevée que l’inflation générale » s’ajoute la place grandissante des médicaments chers à l’officine. Selon le réseau d’experts-comptables CGP, les médicaments de plus de 150 euros ont représenté 35,44 % du chiffre d’affaires des produits dont la TVA est à 2,1 % en 2022, une tendance qui s’accentue au premier quadrimestre 2023 (+13 %) pour atteindre une part de 39,85 %. De fait, ils augmentent mécaniquement le chiffre d’affaires de la pharmacie sans améliorer la marge officinale. L’ampleur prise par les médicaments onéreux est aussi repérée par le cabinet IQVIA : sur les cinq premiers mois de l’année, le chiffre d’affaires des médicaments sur prescription augmente alors que le nombre d’unités vendues ralentit.
Les autres marchés sont aussi en perte de vitesse. « Au global l’année 2022 a été exceptionnelle avec un chiffre d’affaires (avec honoraires) à 43,9 milliards d’euros, en hausse de 6 %. Mais on observe un ralentissement drastique de la croissance puisqu’en cumul mobile annuel à mai 2023, ce chiffre d’affaires est de 43,7 milliards d’euros à +0,6 % », relève Antoine Collet, responsable du panel Pharmacie IQVIA France. C’est encore plus visible sur les cinq premiers mois de 2023 : le marché officinal freine, le chiffre d’affaires baisse de 1 %, même l’OTC et la parapharmacie reculent (-0,5 % et -1,6 %) et la fréquentation hebdomadaire moyenne chute de 6,2 %. Selon les calculs d’IQVIA, le chiffre d’affaires moyen d’une officine s’établit à environ 900 000 euros sur ces cinq premiers mois (+0,1 %) mais la marge brute hors taxe s’effondre à 180 000 euros (-17,7 %). Et ce sont les petites et moyennes officines qui souffrent le plus.
Un constat confirmé par Joël Lecoeur, président de CGP. « Sur le non remboursable, il y a des hausses de prix substantielles opérées par les laboratoires, que le pharmacien essaie de ne pas répercuter totalement en rognant sur sa marge, et sur le remboursable on observe une baisse de marge liée au développement des médicaments chers. Cet effet de ciseaux associé aux frais de personnel qui continuent à augmenter engendre une situation catastrophique pour les officines de moins de 1,2 million d’euros de chiffres d’affaires, elle est compliquée pour l’ensemble du réseau », à l’exception des pharmacies de centres commerciaux.
Un simulateur de rémunérations
Dans un tel contexte, l’USPO et la FSPF travaillent à des propositions pour améliorer l’économie de l’officine dans le cadre de l’avenant conventionnel qui va être négocié à l’automne. Pour s’assurer que les pistes envisagées profitent équitablement à l’ensemble du réseau, et si possible davantage aux petites officines, le cabinet IQVIA a conçu un simulateur permettant de tester l’effet produit dès que l’on touche à curseur sur les 14 000 pharmacies de son panel. Pour l’heure, les syndicats sont tombés d’accord pour demander une revalorisation des honoraires liés à l’ordonnance, à l’âge et aux médicaments spécifiques, ainsi que des actes de vaccination et de dépistage.
Ils souhaitent aussi développer la substitution des biosimilaires, source d’économies pour l’assurance-maladie, en échange d’une rémunération pour l’accompagnement du patient, de l’égalité de marge entre biosimilaire et médicament biologique d’origine, et de la poursuite des accords commerciaux avec les laboratoires assortis d’une participation des officines à des études en vie réelle. Enfin, ils travaillent à la mise en place de « nouvelles nouvelles missions » rémunérées, élaborées en comité paritaire national des programmes d’actions (CPNPA) : suivi des patients sous opioïdes, dépistage du risque cardiovasculaire, accompagnement du sevrage tabagique, déploiement de nouveaux TROD, soins non programmés hors exercice coordonné, développement des interventions pharmaceutiques, renouvellement des ordonnances de traitements chroniques… Certaines revendications semblent avoir déjà convaincu l’assurance-maladie.
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