Après la réduction du tarif des TAG, de la prise en charge des fauteuils roulants, du prix des génériques, se profile maintenant une baisse des prix de la LPP, pansements, compresses et autres bandes, chiffrée à 50 millions d’euros. « La rémunération pourrait ne plus excéder 2 euros par boîte », annonce Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Fermement opposé à cette nouvelle mesure, il indique avoir saisi Brigitte Bourguignon, ministre de la Santé et de la Prévention, pour arbitrage.
Mais ce n’est pas tout. Le 2 janvier 2023, en application de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2022, le clopidogrel, la béclométasone et l'association tramadol-paracétamol seront - entre autres - impactés par une nouvelle baisse des prix des génériques. Une mesure qui pèsera pour 4 millions d'euros sur la marge officinale, comme l’indique la FSPF.
Cette déferlante n’est pas seulement le résultat de la fin du « quoi qu’il en coûte ». Cette pression sur l’économie officinale est avant tout exercée par le Comité économique sur les produits de santé (CEPS) qui, lui-même, se contente de suivre à la lettre la LFSS. Un phénomène bien connu des officinaux car chaque LFSS apporte son lot d’économies sur le médicament, soit bon an mal an près d’un milliard d’euros. Et qui se matérialisent par des baisses de prix, mais aussi par des déremboursements ou encore des baisses drastiques sur les tarifs des DM comme les lecteurs et les sets d’autosurveillance de glycémie, en 2021. Un an auparavant, l'officine avait aussi subi la baisse du prix de 47 spécialités de paracétamol.
De quoi susciter l’ire des représentants de la profession. « J’ai dit au président du CEPS qu’il était impossible de continuer la fixation des prix et les méthodes de régulation de l’ONDAM (Objectif national de dépenses de l’assurance-maladie N.D.L.R.) en période d’inflation », déclarait en mai dernier Philippe Besset, président de la FSPF.
Une augmentation logique
Car aujourd’hui, les pharmaciens doivent faire face à une situation tout à fait inhabituelle. Parallèlement à cette érosion des prix – et donc de ressources -, les coûts de fonctionnement de l'entreprise officinale ne cessent d’augmenter sous l’effet de l’inflation. Dernier exemple en date, la revalorisation du point officinal de 3 % décidée le 7 juin lors d’un accord entre les représentants des titulaires et deux syndicats représentatifs de salariés (UNSA et FO). Le point passera donc à 4,919 euros, contre 4,776 euros actuellement, et le coefficient 100 à 1 646 euros. Cette hausse qui, de l'avis de Céline Pavoine, expert-comptable et commissaire aux comptes (cabinet Cohésio à Rennes), ne fait « qu'entériner une progression des salaires observée depuis plusieurs mois dans les officines », sera effective pour toute la branche dès la publication de l’arrêté d’extension au « Journal officiel ». Ou dès le 1er juillet, pour les adhérents de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), cette chambre patronale souhaitant que soient pris en compte le rythme actuel de l’inflation et l’urgence de maintenir le pouvoir d’achat des salariés.
« Cette augmentation s'inscrit dans la logique des choses face à l’évolution du SMIC », déclare Daniel Burlet, trésorier et chargé des affaires sociales auprès de l’USPO, en référence à plusieurs coefficients « écrasés », y compris le coefficient 190, par cette hausse mécanique du SMIC. D’où la nécessité selon lui de « redresser la grille des salaires en officine ». « Il fallait absolument récupérer le différentiel creusé par la hausse du SMIC, 145 euros contre 95 euros », justifie de son côté Philippe Denry, vice-président de la FSPF. Les représentants des titulaires n’en déclarent pas moins avoir atteint la limite du supportable pour l'économie officinale. Les salaires, qui représentent entre 10 et 11 % du chiffre d'affaires, constituant le premier poste de dépenses à l’officine.
Un décrochage de la marge ?
Dans ce contexte d’inflation, cette course après le SMIC et les nécessaires revalorisations salariales – deux depuis novembre 2021 - qu’elle entraîne sont cependant une source d’inquiétudes pour les titulaires. « La baisse continue des prix du médicament ne permet pas d’accorder une augmentation salariale plus élevée. Au risque de mettre à mal le réseau officinal », prédit Philippe Denry. En effet, pendant qu’ils s'apprêtent à voir leur masse salariale augmenter de 6 000 à 7 000 euros (200 millions d’euros pour le réseau, selon les estimations de la FSPF), les titulaires subissent une réduction de leur rémunération. « Le prix du médicament n'est pas indexé sur le coût de la vie », ironise à peine Daniel Burlet. Le réseau a donc tout lieu de redouter le fameux « effet ciseau » (voir page 22), dans une économie officinale liée en moyenne à 80 % aux produits dont la TVA est à 2,1 % et soumise à une logique baissière sur les prix du médicament remboursable.
Dans ce contexte, il y a fort à parier que l’officine ne renouvellera pas l’année prochaine, et même dès la fin de cette année, ses performances en termes de rentabilité. Après l'intermède Covid, la marge risque-t-elle à nouveau de décrocher ? « En tout cas, les titulaires ne seront pas à égalité entre les nouveaux installés et ceux en fin d’emprunt », souligne Céline Pavoine. Car, poursuit son associé, Gilles Steunou, « si les pharmaciens de la région ont connu en moyenne une croissance de leur marge de 3,87 points en 2021 et s’apprêtent à connaître une hausse similaire pour cette année, celle-ci pourrait s’amoindrir pour les officines ayant leur bilan en fin d’année ». Quant à 2023, l’expert-comptable estime qu’en l’absence d’« effets Covid », la marge retrouvera son niveau de 2019. Toutefois, s’inquiètent les experts-comptables, l’économie officinale aura entre-temps subi une hausse importante de sa masse salariale. D’où leurs recommandations à leurs clients pharmaciens « de préserver une partie de leur trésorerie pour absorber les effets à venir de la politique du médicament ».
Une enveloppe fléchée
Une stratégie conservatrice qui se trouve confortée par les prévisions des syndicats de pharmaciens. « Tout ce qui est lié aux médicaments ne permettra pas de sauver l’officine », déplore Philippe Denry. Le vice-président de la FSPF plaide pour qu’une partie des missions réalisées en 2020-2021 soient redistribuées aux officinaux et rémunérées régulièrement. De même, il émet l'idée d'une enveloppe « fléchée » par l’État pour revaloriser les salaires, à l'instar du Ségur de la santé. « Tout ce qui pourrait redonner un peu d’oxygène à l’économie officinale de manière pérenne », conclut-il.
Pour autant, dans l'immédiat, les sources de revenus habituelles laissent augurer peu de relance. Aucune ROSP génériques ne sera versée cette année, et si tant est qu’elle réapparaisse, elle sera réduite. Dans les prochains mois, le réseau va devoir par conséquent se trouver d'autres ressources. Dans ce contexte, le second volet de la convention pharmaceutique s'impose plus que jamais dans sa dimension économique. L'enjeu des négociations sera d'obtenir une revalorisation des honoraires de dispensation et des missions, ainsi qu'une rémunération des nouvelles prestations à un niveau capable d'assurer la pérennité et l'intégrité du réseau officinal.
Mais avant même le début de ce deuxième round entre les deux syndicats de pharmaciens et l'assurance-maladie, la profession devra faire face à deux échéances. Tant que durera l'inflation, le chapitre des revalorisations salariales ne sera pas près de se refermer. En tout cas pas du côté des salariés, puisqu'Olivier Clarhaut, secrétaire général adjoint du syndicat Pharmacie LABM FO, annonce d'ores et déjà tenir « à une clause de revoyure à la rentrée ». À l'agenda de la rentrée également, le traditionnel PLFSS qui donnera une nouvelle fois lieu à des tractations sur les économies réalisées via des baisses de prix sur le médicament. C'est dire si la fin de l'été risque d'être chahutée.
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