Le Quotidien du pharmacien. - Hausse des salaires plus baisses des prix, est-ce tenable pour l'officine ?
Frédéric Bizard. - Les syndicats ont eu raison d’anticiper et d’accorder une augmentation de 3 %. C’est un accord équilibré et intelligent car il intègre l’inflation sans toutefois céder sur une hausse qui pourrait compromettre l’équilibre économique de l’officine. D’autant que l’on devrait connaître un retour à 2 ou 3 % d’inflation fin 2023.
Le PLFSS intégrera-t-il cette nouvelle situation économique des officines ?
Il devra en même temps tenir compte de l’équilibre économique de l’officine et de l’attractivité de la France pour les laboratoires. Mettre en œuvre une nouvelle baisse aveugle du prix du médicament ne ferait que des perdants. Emmanuel Macron semble avoir entendu le message, il faut arrêter de faire des produits de santé une variable d’ajustement budgétaire. Il y a dans les génériques et les biosimilaires une réserve d’économie importante que l’on doit absolument exploiter.
Un intérêt limité pour les pharmaciens, le prix de certains génériques étant appelé à baisser à nouveau au 2 janvier ?
Bien entendu, si on veut actionner le levier du générique, il faut en étendre le répertoire. Il porte actuellement en France sur 44 % de l’ensemble des médicaments, contre 80 % dans les pays où il y a de l’innovation, comme en Allemagne. Car, j’insiste, les meilleurs alliés de l’innovation en médicament sont le générique et le biosimilaire. La France a perdu l’essentiel de son attractivité pour les laboratoires en raison du retard d’accès au marché des innovations et de la baisse des prix du générique et des médicaments en général. Pour que le pharmacien joue pleinement son rôle dans la substitution, il doit conserver une rémunération sensiblement plus attractive que pour les autres molécules. Si l’État veut développer les génériques et les biosimilaires comme levier de maîtrise de dépenses de santé, il doit clairement annoncer la couleur. Car le marché des biosimilaires représente à peine 900 millions, alors que celui des biomédicaments pèse 7 à 8 milliards d’euros. C’est dire s’il y a une marge de progression ! Sans compter que d’ici à cinq ans, des molécules vont tomber dans le domaine public, représentant un marché de 4 milliards d'euros ! On est donc loin du compte avec l’arrêté du 12 avril 2022 qui autorise uniquement la substitution par le pharmacien de deux molécules biologiques.
Le deuxième volet de la convention pharmaceutique sera l’occasion de revoir la situation économique des officines. Que peut-on en attendre ?
Le deal serait d’agir sur des leviers positifs pour la santé publique, qui permettent de maîtriser les dépenses totales de santé tout en confortant le revenu des pharmaciens. Ce n’est pas la quadrature du cercle contrairement aux apparences. On a vu le cas des génériques et biosimilaires. C’est aussi le cas de la prévention. Les pharmaciens mènent des missions de santé publique et d’intérêt général dans le développement de la prévention. L’officine doit devenir un lieu de services et son équilibre économique doit se bâtir à partir de là. Sur le plan systémique, nous devons entrer dans un modèle de santé publique dont la priorité est le maintien en bonne santé de la population, et en cas d’échec seulement, la prise en charge des malades. Il s’agit d’un changement de paradigme dont les pharmaciens sont le premier partenaire.
* Auteur de « L’autonomie solidaire en santé ». Éditions Michalon, 2021.
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