Pharmacien rural à Leyr, en Meurthe-et-Moselle et secrétaire général de l'URPS-pharmaciens du Grand Est, Julien Gravoulet ressent « depuis 2015 » une agressivité croissante des patients dans les officines, nourrie selon lui par l'aggravation des pénuries, mais aussi par des sujets comme le Lévothirox ou encore le Covid et les vaccinations. « Nous avons cherché très tôt à aider nos confrères concernés par cette situation, l'objectif étant de bien réagir pour faire baisser la pression au comptoir. » Avec l'aide d'un formateur spécialisé, juriste et spécialiste des techniques de défense, l'URPS a organisé en 2021 quatre soirées théoriques et pratiques, avec des jeux de rôle et des mises en situation, et abordant aussi les agressions sexuelles. Elles ont été renouvelées, suite à leur succès, et le sujet fait désormais aussi l'objet d'un enseignement de 6e année, juste avant les stages, dans les facultés de pharmacie de Strasbourg et de Nancy.
En blouse parmi les présentoirs
Les modules de formation, élaborés en coopération avec l'URPS des masseurs kinésithérapeutes, ont été présentés sous forme d'atelier à toutes les URPS lors de cette journée commune du premier congrès de la « maison des URPS », les 15 et 16 février. Leur animateur, Patrice Renauld, rappelle que l'important n'est pas « de tenir tête à l'agresseur, verbal ou physique, mais bien de se protéger et de s'éloigner du danger », et que les comportements du professionnel agressé pèseront sur la conclusion du conflit. Apprendre à esquiver et à désamorcer n'évite pas, dans le pire des cas, un engagement plus physique. À Nancy, les pharmaciens y sont initiés dans une « pharmacie expérimentale » où ils évoluent en blouse au milieu de présentoirs, car « il ne sert à rien de faire ces exercices en jogging dans une salle de sport ! ».
Complété par une table ronde, l'atelier sur les violences a duré pas moins de quatre heures... le temps de mesurer l'ampleur du sujet, et surtout, l'importance de la prévention et des comportements à connaître. Chaque profession de santé est confrontée de manière différente à l'agressivité, et pour des causes qui varient. Ainsi, les médecins quand ils refusent une prescription ou un certificat mais aussi, de plus en plus, quand certains patients jugent l'attente trop longue en salle d'attente. Les infirmières et les kinésithérapeutes, eux, se font souvent rabrouer, voire agresser, quand ils arrivent « en retard » chez les patients. Toutefois, même s'il existe de fortes différences entre la violence « émotionnelle » et la violence prédatrice, tout comme entre les actes commis chez le professionnel ou lors d'une visite à domicile, les méthodes et les gestes à connaître restent comparables.
Des actes sous déclarés
De plus, ajoute Patrice Renauld, ces violences continueront à progresser, car il y aura à l'avenir de plus en plus de patients et de moins en moins de professionnels de santé... ce qui aggravera la frustration des premiers contre les seconds, même si ceux-ci ne sont en aucun cas responsables de ces pénuries et restrictions. Plusieurs Ordres de médecins et de pharmaciens disposent déjà d'un service de réponses et de recensement des violences. Grâce à ces dispositifs, les professionnels concernés peuvent déposer plainte, et obtenir sur-le-champ l'aide d'un avocat qui prend le dossier en main. Néanmoins, regrettent leurs responsables, les faits restent « sous déclarés » par les victimes qui n'osent pas, pour diverses raisons, contacter les ordres et les autorités.
L’appréhension pratique de ce phénomène subi par toutes les professions est l’un des exemples de l’action de la « maison des URPS », dont la vocation est d’inciter les URPS à coopérer autour de thèmes communs. Y figurent également le numérique en santé, les organisations territoriales et les délégations de tâche, largement abordées durant ce premier congrès. Mais la « maison des URPS » entend aussi mieux sensibiliser les professionnels à la déclaration des effets indésirables, non pour les sanctionner mais pour éviter leur renouvellement. « Nous travaillons tous ensemble d'une manière très concrète », a conclu le président de l'URPS-pharmaciens, Christophe Wilcke, résumant l'action de la « maison des URPS » en trois mots : pragmatisme, efficience et solidarité.
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