La crise sanitaire a levé le voile sur le rôle des URPS, ces instances de la profession jusqu'alors méconnues de bon nombre de pharmaciens. Cet effet révélateur tombe à point nommé puisque, dans moins de quatre mois, tous les titulaires seront invités à se rendre aux urnes – électroniques — pour désigner leurs représentants régionaux.
Depuis le début de l’épidémie, ils ont pu en apprécier les actions sous de multiples facettes. Véritables courroies de transmission entre les officinaux et les ARS, les Unions régionales de professionnels de santé (URPS) apparaissent désormais comme des interlocutrices privilégiées. Des forces en présence avec lesquelles il faut désormais composer en région. C'est ainsi à elles que s'adressent les présidents de régions, comme en Auvergne-Rhône-Alpes, ou certaines villes, qui envisagent de soumettre leurs populations à un dépistage massif par tests antigéniques en prévision des fêtes de fin d’année.
Avant ces campagnes, les URPS Pharmaciens avaient organisé, en novembre, des enquêtes pour répertorier le nombre de vaccins manquant dans les officines et les EHPAD. Dans l'urgence, elles ont également su répondre aux besoins des officinaux. Dans les Hauts-de-France, l’URPS Pharmaciens a ainsi œuvré dès le début de la crise pour fournir les officines en masques produits par les entreprises locales, ou encore en alcool distillé par les betteraviers pour confectionner du SHA. « Nous avons aussi bousculé les codes et forcé quelque peu à l’autorisation du télésoin que nous avions appliqué avant la lettre », se souvient Grégory Tempremant, président de l’URPS Pharmaciens de la région, précisant que la gestion d’une crise sanitaire figure dans la loi HPST au rang des missions des URPS.
L’échelon de la région est devenu incontournable, soulignait Pascal Louis, lors de la Journée de l’économie de l'officine, organisée fin septembre par « Le Quotidien du pharmacien », indiquant que les Unions régionales des professionnels de santé (URPS) ont été parmi les contributeurs actifs du système de soins pendant la crise. Et de rappeler : « Les URPS se sont battues, par exemple pour s’assurer que les masques arrivent à destination. Ainsi dans ma région, l’URPS pharmaciens a notamment organisé la distribution des masques aux EHPAD en mettant à contribution le réseau officinal. » Les URPS font ainsi office d’interface entre les agences régionales de santé (ARS) et les professionnels sur le terrain. Si leur rôle était resté jusqu'alors assez flou- y compris auprès des acteurs concernés -, les URPS, apparues il y a tout juste dix ans dans le sillage de la loi HPST, ne demandaient qu'à donner de nouvelles preuves de leur efficacité.
Creusets d’expérimentation
La gestion de la crise ne doit cependant pas faire oublier que les URPS, en tant que « relais de la démocratie, y compris de la vie syndicale », comme les décrit Renaud Nadjahi, président de l’URPS Pharmaciens d’Ile-de-France, ont largement contribué aux avancées de la profession au cours des dix dernières années. C’est tout particulièrement le cas de la vaccination antigrippale à l’officine ou encore du TROD angine, qui ont été expérimentés à l’échelle régionale avant de connaître un déploiement national. « La vaccination contre la grippe est symbolique de ce que les URPS sont capables de faire. Normalement, une expérimentation s’adresse à une cinquantaine ou à une centaine de pharmaciens. Pour la vaccination, ce sont 2 000 officinaux que nous avions mobilisés », s'enthousiasme Olivier Rozaire, président de l’URPS Pharmaciens d’Auvergne Rhône-Alpes.
« Ces avancées trouvent un écho aujourd’hui. Car sans le changement de paradigme qu’elles ont apporté dans la pratique professionnelle, on ne pourrait s’imaginer, par exemple, former et réaliser à l’officine des prélèvements nasopharyngés pour les tests antigéniques ! », renchérit Renaud Nadjahi, qui redéfinit les URPS comme des « creusets d’expérimentation ». Elles sont parfois même porteuses de projets inédits et précurseurs, comme en Corse où les officinaux se sont impliqués dans le programme de dépistage du cancer colorectal.
Qu’elles trouvent ou non leur place dans le cadre de l’article 51 (1), les expérimentations ont pour objectif de valoriser le rôle du pharmacien dans le parcours de soins du patient. « Les URPS sont là pour innover, initier et expérimenter selon les priorités du territoire », résume Grégory Tempremant, citant pour sa région le dépistage des risques cardiovasculaires, le sevrage tabagique dans une partie de l’ancien bassin minier, mais aussi le projet « cosmétique et périnatalité » et le soutien à l’allaitement avec le programme Pharmallait.
L’accompagnement des pharmaciens dans les entretiens pharmaceutiques et les bilans partagés de médication (BPM) figure également en bonne place dans le bilan des URPS. Corollaires importants de ces actions de terrain, la publication scientifique et les liens entretenus avec les facultés de pharmacie, que ce soit dans les Hauts-de-France ou dans la région PACA. « L’URPS est le terrain où il est possible de décliner en pratique le modèle de pharmacie clinique élaboré au sein de la SFPC (2) et d’en assurer une évaluation et une diffusion au niveau universitaire », expose Felicia Ferrera. Et la vice-présidente de l’URPS Pharmaciens de la région PACA de citer l’action éducative ciblée, Pharmobservance, l’accompagnement au sevrage tabagique pendant 36 mois, mais aussi la « continuité pharmaceutique » dans les liens ville-hôpital, comme autant de démarches « s’inscrivant dans le parcours de santé du patient ».
Lit de l’interpro
Les URPS ne se contentent donc pas d’être des laboratoires, elles sont engagées dans des processus de développement et font évoluer les outils mis en place. Renaud Nadjahi indique ainsi que l’application monpharmacien-idf.fr, initialement dédiée à l’organisation des gardes, s’est dotée de nouvelles fonctionnalités, y compris à l’intention d’autres professionnels. Car, insiste-t-il, sans l’interprofessionnalité, aucune profession ne peut travailler. Les ARS font d’ailleurs de l’exercice coordonné la base de toute expérimentation, comme le rappelle Olivier Rozaire, « c’est ainsi que dans notre projet du dépistage des risques d’AVC nous avions des réunions tous les deux mois avec les médecins et les infirmiers, partie prenante de cette opération de prévention ». Même chose en région PACA, le programme Pharmobservance donne lieu à un protocole de coopération interprofessionnelle où le rôle du pharmacien est qualifié et expliqué. Suivant cette même logique, les URPS constituent le terreau privilégié pour les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
En dix ans d'existence, les URPS ont creusé leur sillon dans leur environnement régional, et c’est enrichies de ces savoir-faire multiples qu’elles vont aborder dès le printemps prochain un troisième mandat. En désignant les candidats de son choix en fonction de leur appartenance syndicale, chaque titulaire se prononce sur la représentativité au niveau national, mais insuffle aussi les orientations qu'il souhaite donner à l'exercice de son métier.
(1) L'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 est un dispositif qui permet d’expérimenter de nouvelles organisations en santé (amélioration du parcours des patients, de l’efficience du système de santé, de l’accès aux soins, ou encore de la pertinence de la prescription des produits de santé) tout en bénéficiant de modes de financements inédits.
(2) Société française de pharmacie clinique.
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