Brigadier-chef au sein du SPPAD (Service de Prévention et de Police Administrative) de la Préfecture de police de Paris, l’invité1 de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) ne manque pas de conseils à partager. Et pour cause : spécialiste en sécurité, il a également réalisé des stages en immersion en officine, qui l’ont aidé à rédiger le « Guide sûreté Pharmacie », en coopération avec le Conseil régional de l'Ordre des pharmaciens (CROP) d’Île-de-France.
Une législation en pleine évolution
« La sûreté ne repose pas sur l’investissement dans de coûteux dispositifs, mais sur votre bon sens », explique-t-il. Néanmoins, le pharmacien est soumis à une législation spécifique. Ainsi, « les pharmacies implantées dans les villes de plus de 25 000 habitants sont réglementées et soumises à l’article R273-4 du code de la sécurité intérieure, qui les oblige à avoir un système de vidéosurveillance. En l’absence de ce dernier, un assureur peut tout à fait refuser de vous rembourser après un cambriolage ! », note-t-il. De même, l’article R5132-80 du code de la santé publique, qui prévoit le stockage des stupéfiants dans des locaux fermés à clef et ne contenant rien d'autre. Une exigence « rarement respectée par les officinaux », ne manque pas de remarquer le brigadier-chef. Autre rappel : les systèmes de surveillance doivent être conformes aux obligations du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Ils ne peuvent donc pas être braqués sur les salariés en permanence, et les clients peuvent demander accès à leurs données à caractère personnel, c’est-à-dire, aux passages filmés où ils apparaissent…
Miser sur une protection homogène
Beaucoup de pharmacies misent sur un rideau métallique ; en extérieur face au vandalisme ou en intérieur pour bloquer les voleurs ayant brisé la vitrine. Mais ces dispositifs ne sont pas infaillibles. Intégrer les rails de guidage dans la maçonnerie, installer des crochets anti-tempête et s’assurer que le moteur et le boîtier de commande sont situés en intérieur (et donc, hors de portée des cambrioleurs) s’avère indispensable pour que la « muraille » ne soit pas contournée ou cassée par un malfaiteur.
« Un système de sécurité est aussi solide que son maillon le plus faible », pointe le brigadier-chef. « Des pharmacies protègent leur porte, mais pas leur vitrine, ou n’ont pas de système d’alarme adapté. Plusieurs d’entre elles ne sécurisent pas les sorties de secours ou les parties communes (caves…) qui sont pourtant les lieux de passage privilégiés des voleurs. D’autres officines ont des caméras de sécurité, mais dont le champ de vision est bloqué par des décorations de plafond. Enfin, nous avons vu des coffres-forts qui n’étaient pas fixés au sol ou au mur, ce qui les rend inutiles : un voleur peut tout simplement l’emporter ! », constate-t-il, d’où la nécessite de penser « global », pour ne pas se retrouver pris au dépourvu. Et même si aucune protection n’est insurmontable, l’effet de dissuasion est important. Pressés par le temps, les voleurs, face à un commerce bien protégé, ont tendance à abandonner leur tentative après quelques minutes.
Affichage, attention à l’abus !
Autre ennemi du pharmacien, l’affichage abusif de publicité ou autres covering. « Certaines devantures sont recouvertes d’affiches opacifiantes. Elles sont une proie idéale pour les voleurs, qui, grâce à elles, peuvent masquer leur présence de l’extérieur ». Or, c’est souvent grâce à la surveillance passive (voisins, passants…) que les policiers sont prévenus d’un cambriolage et peuvent parfois interpeller directement le coupable. Pour cette raison, le brigadier-chef rappelle la règle : aucune affiche ne doit être exposée à une hauteur comprise entre 1,20 et 2 mètres afin que la présence humaine à l’intérieur des locaux ne soit pas occultée. Sur ce point, maintenir un éclairage allumé et performant durant la nuit est également indispensable.
Mobiliser l’équipe
La sûreté de la pharmacie dépend aussi et surtout de son équipe, qui doit être organisée. Au titulaire de faire preuve d’andragogie à l’égard de ses salariés : « Le facteur humain est très souvent le point faible dans un dispositif de protection ». Rideau mal verrouillé, issue de secours mal fermée, clé oubliée, etc.
De même, face aux risques d’agression, la mise en place de procédures comportementales (comment réagir, qui appeler, quelles informations donner, comment porter plainte) peut aider l’équipe à réagir plus efficacement. Et à garder son calme, car la panique ou la colère causée par le stress peut avoir des conséquences durables. « Votre vie et votre santé ont plus de valeur que vos médicaments », rappelle le brigadier-chef.
Mais si le proverbe dit qu’il vaut mieux prévenir que guérir, pas question toutefois de négliger la période suivant une agression. « Le soutien psychologique de l’équipe ne doit pas être oublié. Le traumatisme peut revenir des mois après, durablement affecter la vie personnelle d’un salarié, et donc votre équipe ». Il n’est pas rare que ce soutien doive être assuré par un professionnel. Structures d’aides, psychologues, associations d’aide aux victimes… les mains tendues sont nombreuses. Aux pharmaciens de s’en saisir, pour leur équipe et pour eux-mêmes.
« Un système de sécurité est aussi solide que son maillon le plus faible »
Le brigadier-chef au sein du SPPAD
En région parisienne, le dispositif « cespplussur » comme conseiller de sécurité
Depuis 2011, les officinaux de Paris et de la petite couronne peuvent adhérer au service « cespplussur », qui compte 936 pharmaciens adhérents. Créé par la préfecture de police, ce dispositif de prévention entièrement gratuit envoie des alertes par SMS sur les nouvelles fraudes repérées en région parisienne et l’évolution de la législation. Son site Internet regroupe également de nombreuses informations pratiques pour protéger leur pharmacie et des fiches techniques des systèmes de sécurité ainsi que les normes en vigueur. Enfin, les adhérents souhaitant renforcer la protection de leur officine peuvent compter sur l’aide d’un « correspondant sûreté » attitré et formé dans la sécurisation du lieu de travail.
F. T.
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