Entre régulation des dépenses et nécessaire réindustrialisation

Politique du médicament : les enjeux du débat

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Publié le 20/10/2022
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Les impacts de la guerre en Ukraine n’épargnent pas l’industrie du médicament : crise énergétique, inflation, explosion du coût des matières premières. Des défis auxquels vient de s’ajouter le contenu du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, provoquant une levée de boucliers des laboratoires.
Un équilibre difficile à atteindre

Un équilibre difficile à atteindre
Crédit photo : Garo/Phanie

À la recherche d’une certaine souveraineté sanitaire, le gouvernement français s’est résolument engagé en faveur de la R & D et de la réindustrialisation à travers plusieurs appels à projets majeurs, les annonces du conseil stratégique des industries de santé (CSIS) de 2021 et le lancement du Plan santé innovation 2030.

Confiants dans l’ambition affichée du président de la République de « faire de la France la première nation innovante en santé », les industriels ont déchanté à la lecture du PLFSS 2023 qui annonce 1,1 milliard d’euros d’économies sur les produits de santé. Mais, selon les calculs opérés par le LEEM, ce montant est largement sous-évalué et dépasserait les 3 milliards d’euros.

« La clause de sauvegarde, censée se déclencher uniquement lorsque les leviers de contrainte sur les prix n’ont pas été suffisants, devient une taxe annuelle. En effet, le montant des dépenses de médicaments remboursés qui déclenche cette clause baisse de 26,4 milliards d’euros en 2022 à 24,6 milliards d’euros en 2023 », explique Olivier Laureau, président du Groupe Servier et membre du G5 Santé. De fait, la part des dépenses de médicaments remboursés dans l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) ne cesse de se réduire. « Il était de 13,6 % avant, il est de 11,6 % maintenant et on va arriver à 10 % demain. »

Crises et inflation

Franck von Lennep, directeur de la Sécurité sociale, pour qui « la politique industrielle ne repose pas seulement sur le niveau de l’ONDAM, et heureusement », reconnaît que la clause de sauvegarde est devenue un levier de régulation de la dépense totale de médicaments, en sus de la régulation des prix à l’entrée sur le marché et dans la durée. « Aujourd’hui les baisses de prix ne permettent pas de tenir la trajectoire qu’on s’est fixée en termes de dépenses. Lors du CSIS 2021, le président de la République s’est engagé sur une trajectoire sur 3 ans d’un ONDAM à +2,4 %, ce qui a été vécu comme une avancée puisque c’était beaucoup plus que dans la période précédente. En ce moment, après application de la clause de sauvegarde, nous sommes sur une trajectoire à +3 % pour 2022 et 2023 », explique Franck von Lennep.

Autrement dit, l’engagement d’Emmanuel Macron en 2021 est largement tenu et le PLFSS 2023 n’aurait rien de surprenant. À un détail près, rappelle Olivier Laureau : le contexte de crises et d’inflation associé à une clause exceptionnelle devenue impôt annuel. D’autant, ajoute Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM, que « cet ONDAM à 2,4 % n’a pas été négocié mais octroyé et nous avions dit que c’était très insuffisant » et que « ce taux n’a de sens que s’il est appliqué à une base mais perd son sens si cette base est modifiée en permanence ».

Un tel PLFSS pourrait faire reculer les investisseurs. C’est l’analyse de Philippe Berta, député du Gard (Modem), s’adressant aux membres du G5 Santé. « Le médicament utilisé comme variable d’ajustement, ça ne peut plus durer (…) Vous avez besoin d’une trajectoire et de visibilité, à la fois pour la santé industrielle de la France, pour vos entreprises et pour rendre la France attractive aux entreprises étrangères. »

L’innovation pour solution

Reste la problématique commune à l’ensemble des systèmes de santé, explique Francesca Colombo, cheffe de la division santé, de la direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) : « Qui va absorber la hausse des dépenses de santé à court et long terme ? »

Pour sortir de la crise, le G5 Santé propose avant tout de miser sur l’innovation tout en intégrant une nécessaire régulation « tenant compte de la réalité industrielle » et garantissant l’accès des patients français aux médicaments, aussi bien matures qu’innovants.

 

Mélanie Mazière

Source : Le Quotidien du Pharmacien