Dans son rapport « Charges et produits » publié la semaine dernière, l’assurance-maladie a glissé une proposition qui tient en moins d’une phrase dans un document de 300 pages : favoriser le réemploi des produits de santé. Une mesure qui suscite beaucoup de questions et de prudence, comme le souligne Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
À l’occasion de la présentation du rapport « Charges et produits » lors d’un café Nile hier soir, Philippe Besset a interrogé l’assurance-maladie sur une proposition « décoiffante » qu’il a repérée dans ce rapport très dense. En effet, dans le volet écologie du document qui, chaque année, préfigure le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) discuté à l’automne, le président de la FSPF a débusqué une mesure visant à « réutiliser des médicaments non utilisés pour éviter le gaspillage ».
« Cela pose d’énormes questions sur la traçabilité et sur le contrôle de la matière première quand le médicament revient à l’officine pour vérifier qu’il est bien réutilisable pour quelqu’un d’autre », remarque-t-il. Car c’est bien sur l’argument de la perte de contrôle du médicament une fois qu’il est sorti de la chaîne pharmaceutique, et donc sur l’absence de garantie qu’il a été conservé dans de bonnes conditions par exemple, que les médicaments non utilisés (MNU) ont, entre autres, été interdits à une réutilisation en 2009 en France, y compris à des fins humanitaires. Il était donc indispensable de demander des précisions sur cette proposition de l’assurance-maladie. « Pour autant, ajoute Philippe Besset, je suis partant pour travailler sur cette idée, on verra si ça marche ou pas. »
Réponse de Grégoire de Lagasnerie (CNAM) : l’idée est bien d’étudier ce qu’il est possible d’envisager en termes de réemploi des produits de santé et en premier lieu des dispositifs médicaux, sans fermer la porte aux médicaments. « Cela pose un certain nombre de questions en effet, comme la traçabilité et la sérialisation, mais il y a un vrai sujet sur le fait de vider les armoires à pharmacie des assurés et d’essayer de remettre dans le circuit certains dispositifs médicaux ou médicaments qui seraient vendus à un prix différent. C’est tout un circuit à inventer. » À ce stade, il est nécessaire de travailler l'idée et de débattre avec toutes les parties prenantes. Grégoire de Lagasnerie préconise de se focaliser en premier lieu sur quelques dispositifs médicaux qui semblent « les plus justifiés », et travailler sur les médicaments « sur du moyen terme parce qu’il y aura des évolutions réglementaires, législatives, voire européennes ».
Cette question de la réutilisation des dispositifs médicaux a été soulevée par Novo Nordisk avec la mise en place de sa filière expérimentale de recyclage des stylos injecteurs Returpen en fin d’année dernière. Il a bénéficié de l’aide des services interministériels France Expérimentation pour pouvoir déroger à l’obligation française de la destruction systématique par incinération de tout MNU. À ce jour, 85 % de chacun de ses stylos sont recyclés en chaise ou en globe de lampe… mais pas en nouveau stylo injecteur. « Le décret qui porte la dérogation et permet cette expérimentation exclut l’utilisation de la matière recyclée pour la fabrication de médicaments ou de dispositifs médicaux. Au regard des résultats de l’expérimentation, il n’est pas exclu que cela évolue », indiquait alors l’un des responsables du programme France Expérimentation.
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