Le Quotidien du pharmacien.- La substitution du lactose par du mannitol et l'ajout d'acide citrique anhydre dans la nouvelle formule du Lévothyrox sont-elles des opérations fréquentes en galénique ? À quelles fins sont-elles réalisées ?
Pr Alain Astier.- Ce type de modification est très fréquent. Le lactose est certes un excipient diluant, mais il joue un rôle sur l'absorption et la biodisponibilité des médicaments. Or la lévothyroxine est un principe actif réputé avoir une biodisponibilité mauvaise et surtout variable. C'est la raison pour laquelle l'ANSM avait demandé à Merck de fournir une formule plus constante. Le problème n'est pas la quantité absolue libérée, c'est surtout que, pour un patient donné, la variabilité ne soit pas trop importante.
Aurait-on pu prévoir qu'une telle modification de formule ait des conséquences d'ordre pharmacologique ?
Oui, par principe. Car potentiellement, des patients qui avaient une absorption très mauvaise vont se retrouver avec une quantité absorbée plus importante. Et inversement, des patients qui, avec l'ancienne formulation, avaient une absorption très bonne, auront un sous-dosage. Mais au total, ce qui est important à considérer c'est qu'une fois que la posologie aura été ajustée, il y aura une bien moindre variabilité dont tout le monde bénéficiera. C'est donc la période de transition entre les deux formules qui est délicate.
Ce ne serait donc qu'une question de pharmacocinétique ?
Non, car il ne faut pas oublier qu'en ce qui concerne l'efficacité pharmacologique, il y a deux types de facteurs qui jouent. L'efficacité d'un médicament est en effet la somme de facteurs objectifs que l'on peut mesurer pharmacologiquement et qui sont indépendants de l'individu ; et d'autres qui sont subjectifs, c'est-à-dire la perception qu'a le patient du médicament. Or cette perception joue un rôle particulièrement important pour certains médicaments du système nerveux central, ou ceux pour lesquels l'aspect psychologique du traitement est important.
Vous évoquez donc clairement le rôle que pourrait avoir l'effet nocebo dans cette affaire…
Bien sûr. Il y a un effet nocebo. Mais ce n'est pas la seule explication. Il y a sans doute selon moi, d'une part un effet objectif lié au changement de formule qui, potentiellement et selon les cas, a pu entraîner transitoirement les effets pharmacologiques d'un sur ou sous-dosage. Et puis peut-être, également, un effet d'entraînement lié à la surmédiatisation de l'affaire.
L'alternative des gouttes buvables de L-Thyroxine est-elle neutre sur le plan pharmacologique ?
La forme gouttes pose a priori moins de problème de biodisponibilité qu'une forme solide. Mais le problème reste entier. Un patient qui a toujours reçu une forme solide, aura peut-être un peu de mal à s'adapter à la forme liquide et sera un peu déstabilisé par la différence d'absorption. Je ne pense pas que cela soit une bonne alternative. La bonne option c'est d'utiliser la nouvelle formulation qui est a priori meilleure puisqu'elle a été demandée au laboratoire par l'Agence du médicament. Certains accusent l'ANSM de mal avoir géré l'information sur la nouvelle formule, notamment auprès des patients. Mais c'est là un autre débat.
A la Une
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine
Médication familiale
Baisses des prescriptions : le conseil du pharmacien prend le relais
Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens
Retraite des pharmaciens : des réformes douloureuses mais nécessaires