En décembre 2015, le gouvernement anglais annonçait des mesures d’économie extrêmement fortes dans le domaine de la santé, afin d’atteindre une économie de 22 milliards de livres (25 milliards d’euros) d’ici à 2021. La mise en place de ces mesures, au 1er octobre prochain, vise une économie de 170 millions de livres (197 millions d’euros) pour le seul secteur de l’officine.
Comment ? En baissant de 6 % l’honoraire de délivrance. Car, selon le gouvernement, les 11 815 pharmacies anglaises sont trop nombreuses, mal réparties et la baisse de l’honoraire va les obliger à se regrouper et améliorer leur rentabilité. C’est ainsi qu’il imagine, en sus, améliorer les services pharmaceutiques et voir les officinaux s’emparer de nouvelles missions.
Un non-sens pour les organisations représentatives des pharmaciens d’officine qui tablent sur la disparition de 1 000 à 3 000 pharmacies en Angleterre si ce plan d’économie entre en vigueur. Il toucherait en particulier les petites officines indépendantes locales et rurales, tandis que les chaînes de pharmacie, installées dans les grandes villes, seraient les seules à pouvoir absorber un tel choc économique.
Après une campagne de protestation grand public (1,8 million de signatures) et un document sur la « vision d’avenir de la pharmacie » rédigée par le PSNC*, l’association Pharmacy Voice et la Société pharmaceutique royale, une étude du cabinet PwC sur la valeur des pharmacies anglaises ajoute une pierre à l’édifice de la défense de la pharmacie anglaise. Avec succès. Le gouvernement a effectivement annoncé en septembre qu’il reprenait les discussions avec les représentants des pharmaciens d’officine, que le plan d’économies en santé pouvait être amendé et que sa mise en application était reportée au 1er décembre.
Des pharmaciens rentables
Les 191 pages du rapport livré par PwC défendent pied à pied chaque coût évité et chaque service rendu au patient. Ainsi, le cabinet estime que la « valeur nette » de la contribution des pharmaciens anglais, à travers 12 services pharmaceutiques observés, est de plus de 3 milliards de livres (3,5 milliards d’euros) pour l’année 2015, bénéficiant au National Health Service (NHS, système de santé britannique) pour 1,352 milliard de livres, à l’ensemble des services publiques et à la société en général pour plus d’1 milliard de livres, et aux patients pour 600 millions de livres.
Un résultat net puisque les auteurs du rapport ont pris soin de retrancher les 247 millions de livres versées par le NHS aux pharmaciens pour financer les services étudiés. Cette contribution globale pourrait s’améliorer de 1,9 milliard de livres sur les 20 prochaines années. D’autant plus que l’étude se cantonne à 12 services et n’inclut donc pas tous les accompagnements existants. Autrement dit, les pharmaciens sont rentables : ils rapportent bien plus qu’ils ne coûtent !
Les services étudiés touchent par exemple à la contraception d’urgence, aux programmes « aiguilles et seringues », à la prise en charge des affections mineures, à l’identification et la correction de prescriptions médicales erronées, aux adaptations posologiques, à la fourniture contrôlée de traitements substitutifs aux opiacés (TSO), à la livraison à domicile de traitements de prescription… En Angleterre, les pharmacies sont financées par les autorités locales et nationales pour fournir différents niveaux de services. Pour l’exercice 2015-2016, elles ont ainsi reçu 2,8 milliards de livres du NHS pour l’ensemble des services essentiels et avancés dispensés.
Le rapport PwC conclut sur les conséquences que pourraient avoir les coupes budgétaires annoncées par le gouvernement en décembre. Le cabinet attire l’attention sur une probable baisse de l’accessibilité des pharmacies, qu’elle soit due à une réduction du nombre d’officines ou des horaires d’ouverture. Une chose est sûre, de telles coupes dans le budget des pharmacies aboutiront forcément à une réduction du volume des services aux patients, et non à l'amélioration attendue par le gouvernement.
* Association qui promeut et soutient les intérêts de toutes les pharmacies d’Angleterre affiliées au NHS, dont le but est de développer les services proposés dans les officines.
A la Une
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine
Médication familiale
Baisses des prescriptions : le conseil du pharmacien prend le relais
Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens
Retraite des pharmaciens : des réformes douloureuses mais nécessaires