L’ASSURANCE-MALADIE n’entend pas ouvrir de nouvelles négociations sur les honoraires. Telle est en substance le message adressé par l’organisme payeur aux représentants de la profession lors de la première réunion de l’observatoire sur l’évolution du mode de rémunération qui s’est tenue mardi dernier. Une déception pour Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) : « Cette réunion a révélé les réelles intentions de l’assurance-maladie : bloquer toutes négociations en s’abritant derrière la signature d’un seul syndicat ! » En tout cas, selon lui, l’organisme payeur ne serait pas prêt à bouger sur ce dossier avant les élections aux URPS* qui se tiendront à la fin de l’année et qui détermineront la représentativité syndicale jusqu’en 2020. Mais plus largement, Gilles Bonnefond critique le contenu même du rendez-vous avec l’assurance-maladie qui, selon lui, serait loin des préoccupations des pharmaciens sur l’évolution de leur marge. « On s’est moqué de nous, estime le président de l’USPO. Nous n’avons eu aucun chiffre sur la marge et on nous a donné rendez-vous en septembre. »
« L’argument avancé par l’assurance-maladie selon lequel la réforme a été engagée de façon « démocratique » et conclue avec la majorité de la profession n’est pas satisfaisant et ne correspond pas à la réalité », estime également l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). Son président, Jean-Luc Fournival, a profité de cette réunion pour demander officiellement la réouverture des négociations sur la rémunération afin de mettre en place un honoraire intellectuel complémentaire lié à des actes et la suppression du capage des produits de la 3e tranche de la MDL. « Il nous paraît urgent de faire évoluer la rémunération en introduisant un honoraire à l’ordonnance afin d’apporter une stabilité économique pour l’officine », insiste-t-il.
Une observation sur le premier semestre.
L’objet de la réunion était « de faire des propositions en vue de l’installation de l’observatoire et nous nous sommes mis d’accord sur sa composition et avons proposé une méthodologie qui servirait à de futures négociations », tempère de son côté Philippe Gaertner. Car pour le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) des discussions seront possibles, rappelant que le rôle de cet outil est de proposer les évolutions nécessaires compte tenu des effets observés. Aussi a-t-il demandé que « l’observatoire analyse l’impact du nouveau mode de rémunération sur le premier semestre 2015 ».
Mais attention, Philippe Gaertner n’envisage pas un abandon de la réforme engagée. « On serait revenu en arrière s’il y avait eu un bug, explique-t-il. Or manifestement il n’y en a pas encore eu. » Et un retour à l’ancien mode de rémunération coûterait très cher à l’officine, selon une étude menée par la FSPF et la société IMS Health auprès des 14 000 adhérents du réseau Pharmastat sur leurs résultats du mois de janvier. Celle-ci montre en effet qu’une pharmacie moyenne a gagné 22 300 euros, contre 22 105 euros si la nouvelle rémunération n’avait pas été appliquée (« le Quotidien » du 16 mars). Plus récemment, le syndicat et IMS Health ont cette fois cherché à déterminer quelle aurait été la marge des pharmacies en 2014 si les nouveaux modes de rémunération, introduits en 2015, puis en 2016, avaient été appliqués dès l’an passé. Résultat, avec l’honoraire à la boîte de 0,80 euro HT, le gain supplémentaire en 2015 pour une officine moyenne aurait atteint 2 705 euros avec les honoraires pour les ordonnances complexes compris. L’honoraire à 1 euro HT, porterait le gain à 5 152 euros, toujours en intégrant les honoraires liés aux ordonnances complexes (« le Quotidien » du 26 mars). Et la quasi-totalité des pharmacies seraient gagnantes (voir ci-dessous), toujours selon cette étude. Toutefois, la réforme ne permet pas d’effacer complètement l’impact des nouvelles baisses de prix prévues pour 2015, et qui n’avaient pas encore été envisagées lors des négociations initiales. D’où l’intérêt de l’observatoire pour identifier précisément les écarts et apporter d’éventuels ajustements.
Corriger les baisses de prix de 2015.
L’UNPF n’arrive pas aux mêmes conclusions et réaffirme que la mise en place de l’honoraire à la boîte n’a pas permis de protéger la marge officinale qui a diminué, selon elle, de 2 % au mois de janvier. Pas convaincu par les chiffres de la FSPF, le syndicat ne l’est pas non plus par ceux avancés par l’assurance-maladie lors de la réunion. L’organisation estime même que la présentation de l’organisme payeur est « fallacieuse et partielle », notamment parce qu’elle « intègre dans les revenus des pharmaciens le CICE**, l’indemnisation des gardes et les entretiens pharmaceutiques censés compenser un impact de 217 millions d’euros sur la marge (baisses de prix) et un marché des médicaments délivrés en ville en recul de 0,8 % ».
L’USPO conteste également les calculs de l’assurance-maladie, mais aussi les simulations réalisées par la FSPF et IMS Health. Gilles Bonnefond affirme notamment que le plan d’économies sur le médicament était connu avant la signature de l’avenant conventionnel sur la rémunération. « Nous souhaitons renégocier une véritable réforme introduisant progressivement une rémunération à l’acte de dispensation et préparer enfin l’avenir des officines », martèle-t-il. Mais l’assurance-maladie ne semble pas l’entendre ainsi pour le moment.
**Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
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