Avant de remettre leur travail à Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, les auteurs du rapport sur la santé des professionnels de santé ont recueilli les témoignages de près de 50 000 d'entre eux entre le 31 mars et le 23 avril.
De ces réponses ressort un constat préoccupant : de nombreux professionnels du soin ne sont pas en bonne santé. Deux tiers d'entre eux (64 %) se sentent fatigués. Un tiers admet ne pas avoir une alimentation saine (35 %). 60 % déclarent souffrir de douleurs chroniques régulières (contre seulement 30 % des adultes en population générale). 55 % des répondants déclarent avoir connu un ou plusieurs épisodes d’épuisement professionnel… Globalement, plus de 20 % des sondés estiment que leur état de santé est mauvais. Par ailleurs, un tiers des répondants déclare consommer régulièrement des médicaments (34 %). « Un professionnel en mauvaise santé ne soigne pas bien », rappelle Philippe Denormandie, co-auteur du rapport et chirurgien neuro-orthopédiste. Élément qui peut surprendre, les libéraux se sentent en moins bonne santé que les salariés. Quoi qu'il en soit, ces chiffres prouvent l'urgence d'aborder le sujet de la santé des professionnels de santé, pour eux-mêmes mais aussi pour la société dans son ensemble.
Quand on est soignant, difficile de parler de ses problèmes de santé
La santé est un secteur « qui est devenu violent », alerte Philippe Denormandie. Les violences verbales et psychologiques peuvent venir des patients, mais aussi des autres membres de son équipe ou de sa direction et tout cela s'ajoute aux difficultés inhérentes à ces métiers. « La santé des professionnels de santé, c'est un sujet tabou. Même au sein des équipes, les soignants n'en parlent pas entre eux, souligne de plus Philippe Denormandie. Certains professionnels sont pris dans une spirale infernale, prennent des médicaments pour aller mieux en étant persuadés que pour eux, cela sera facile d'arrêter… » , observe-t-il également. Les professionnels de santé, et encore davantage les libéraux, n'ont pas accès à la médecine du travail comme il le faudrait, 42 % des personnes interrogées pour les besoins du rapport indiquent ne pas pouvoir y avoir recours. À cela s'ajoute donc la difficulté, voire la peur, de parler de ses problèmes à ses collègues, à sa direction, ce qui complique encore davantage la possibilité de mettre en place un accompagnement adapté en cas de besoin.
Des recommandations à appliquer
La question de la santé des professionnels santé ayant été longtemps ignorée, il est aujourd'hui impossible de déterminer précisément son coût, humain et financier. Pour remédier à cela, Philippe Denormandie et les auteurs du rapport ont formulé plusieurs recommandations : « rendre plus visible le sujet de la santé des professionnels de santé, intégrer cette thématique dans les formations initiales et continues, accentuer les efforts de prévention des risques professionnels au travail, rendre plus accessibles les soins aux professionnels et accroître la lisibilité du financement dédié à la santé de nos soignants ». La mission pointe également la nécessité d'un effort spécifique sur la santé des femmes professionnelles de santé, « d'agir rapidement sur la nutrition et l’activité physique dans les établissements de santé pour tous les soignants, d'accorder une attention particulière au travail de nuit et de corréler la santé des soignants aux rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie. »
L'ensemble des recommandations et mesures proposées dans ce rapport doivent maintenant se concrétiser. Comme écrit en conclusion du rapport : « cette mission n’apparaît pas comme une fin en soi mais plutôt comme le début d’une collaboration pluridisciplinaire et professionnelle marquant un engagement collectif inédit ».
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