Chef du service infectiologie du centre hospitalier d’Annecy Genevois et membre du conseil scientifique du GEIG, le Pr Jacques Gaillat insiste en premier lieu sur la saison grippale 2017-2018 en termes de non-adéquation entre la composition du vaccin et les virus grippaux qui ont circulé. En effet, c’est la souche B du lignage Yamagata qui a circulé, alors que le vaccin contenait la B/Brisbane/60/2008, du lignage Victoria. En outre, si les souches B ont longtemps circulé l’une après l’autre, elles co-circulent de plus en plus depuis 2001. « Ce qui a conduit l’OMS en 2011 à recommander deux lignages B dans le vaccin antigrippal, donc un vaccin quadrivalent. »
Au niveau mondial, la co-circulation des souches des deux lignages B se confirme, avec une certaine hétérogénéité entre les pays qui peuvent, pour certains, être concernés par B/Yamagata, d’autres, uniquement par B/Victoria, et d’autres encore par les deux souches concomitantes, ce qui peut changer l’année suivante. « À l’échelle française, entre 2007 et 2018, on relève quatre saisons, sur les sept ayant connu une circulation de souches B, pour lesquelles il y a inadéquation entre le vaccin proposé et la souche circulante », remarque le Pr Gaillat. Or ces « mismatchs » ont des conséquences car « quel que soit le type de vaccination (trivalent inactivé avec ou sans adjuvant ou vivant atténué), il n’y a pas de réaction croisée entre les lignages, que ce soit chez les enfants ou les adultes ».
Mieux que trois ?
Par ailleurs, Jacques Gaillat tient à bien faire comprendre aux professionnels de santé que « non, les grippes B ne sont pas moins graves que les grippes A », contrairement à ce qu’ont pu laisser entendre « de vieilles études » désormais dépassées. Études récentes à l’appui, l’infectiologue dévoile notamment des taux d’hospitalisation pour grippe selon les types viraux aux États-Unis où la souche B est bien représentée, entre les souches A (H3N2) et A (H1N1). En Europe, une étude comparative entre les saisons 2016-2017 et 2017-2018 montre un taux d’hospitalisation dans les 14 jours quasiment identique pour A (H1N1) et B, et supérieur pour B comparé à A (H3N2). La souche B serait ainsi responsable de 49 % de la mortalité en réanimation la saison dernière, devant A (H1N1) à 15 % et A (H3N2) à 5 % (et 31 % de A non typés).
Un ensemble de données qui montre non seulement la possibilité de prédominance des souches B dans les épidémies, mais aussi leur dangerosité. « La question de fond maintenant c’est : est-ce que quatre valences c’est mieux que trois ? », demande le Pr Gaillat. Une façon d’interpeller le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) qui s’est ému, début octobre, de l’arrivée massive de vaccins antigrippaux quadrivalents en lieu et place des trivalents. Sur son site, il fustigeait une « hyperinflation » non justifiée médicalement puisque des avis de la Haute Autorité de santé (HAS) et du Haut conseil pour la santé publique (HSCP) n’y trouvaient aucune justification scientifique. De plus, ces vaccins quadrivalents sont plus chers que leurs prédécesseurs et entraînent un surcoût pour la collectivité.
Chers vaccins ?
Une fois de plus, études à l’appui, Jacques Gaillat démontre que le fait d’avoir quatre valences plutôt que trois « n’obère pas la réponse immunitaire pour les souches communes », d’une part, et, d’autre part, fait bien bénéficier d’une réponse immunitaire en plus grâce à la valence supplémentaire. Selon une étude américaine sur la période 2000-2013, une réduction supplémentaire de 16 % du nombre d’infections à virus B avec le quadrivalent versus le trivalent a été observée. Une autre étude, épidémiologique cette fois, sur dix saisons (2002-2013) en Allemagne, en Angleterre, en Espagne, en France et en Italie, conclut que le quadrivalent (versus le trivalent) aurait permis d’éviter plus d’un million de cas, 453 000 consultations (pour un coût de 15 millions d’euros), 672 000 jours de travail perdus, 24 000 hospitalisations (pour 77 millions d’euros) et 10 000 décès. « Le rationnel du quadrivalent repose sur une épidémie imprévisible, on ne peut pas prédire la souche B circulante et les deux lignages peuvent co-circuler avec une hétérogénéité spatio-temporelle, tandis que la production de vaccins se fait à l’échelle mondiale. Nous avons donc tout intérêt à prévoir large », précise le Pr Gaillat. Quant au « surcoût » évoqué par le SNJMG, le Pr Catherine Weil-Olivier, pédiatre et membre du conseil scientifique du GEIG, relativise : certes, le trivalent est à 6 euros, le quadrivalent à 11 euros, « mais un hexavalent c’est entre 30 et 40 euros, Prevenar c’est entre 50 et 60 euros ; les vaccins contre la grippe sont de loin les moins chers des vaccins ».
D'après une conférence des 31es Rencontres sur la grippe et la prévention du GEIG.
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