Le cancer du sein tue les femmes âgées. Sur les 11 200 décès liés au cancer du sein chaque année en France, 4 500 surviennent chez des femmes de plus de 74 ans. Le Collège national des gynécologues et obstétricien français (CNGOF) entend changer les choses et lance, avec le soutien de la Ligue Nationale contre le cancer, une campagne intitulée « Trop vieille pour ça ? » pour tordre le cou aux idées reçues sur le dépistage du cancer du sein après 74 ans.
« Il faut changer la manière dont le corps médical et les patientes considèrent le cancer du sein », a expliqué le Pr Israël Nisand, président du CNGOF en conférence de presse. Trop souvent à l’arrêt du dépistage organisé (DO), les patientes pensent que le risque de cancer du sein n’existe plus et les médecins considèrent qu’ils n’ont plus besoin de les surveiller, rapporte le CNGOF. Pourtant le cancer du sein reste la première cause de mortalité jusqu’à 85 ans et le phénomène va prendre de l’ampleur en termes de santé publique avec le vieillissement de la population.
Àge physiologique
Alors qu’aujourd’hui l’arrêt du dépistage est souvent brutal, le CNGOF recommande la poursuite du dépistage individuel pour les femmes qui le souhaitent après discussion avec leur médecin. L’espérance de vie des femmes à 74 ans est aujourd’hui d’au moins 15 ans. « L’important c’est l’âge physiologique et non l’âge chronologique, a indiqué Israël Nisand. L’idée est de faire du sur-mesure ».
Un avis partagé par l’Institut national du Cancer (INCa), qui le relaie sur son site et dans un courrier mis à disposition des structures de coordination (anciennement structures de gestion) pour la dernière invitation dans le cadre du DO. « Pour déterminer la modalité de surveillance la plus adaptée à votre situation, nous vous recommandons de vous rapprocher de votre médecin traitant », est-il écrit. Selon le CNGOF, il est question que l’INCa adresse directement un courrier aux femmes concernées, une information non confirmée à ce jour par l’agence sanitaire.
La mammographie très performante
Après 74 ans, le CNGOF recommande un dépistage reposant sur le binôme examen clinique + mammographie : palpation des seins une fois par an par le médecin(+autopalpation) et mammographie tous les 2 ans. L’examen radiologique est plus performant que chez les plus jeunes. « La densité des seins diminue avec l’âge, a détaillé le Dr Jean-Yves Séror, radiologue à Paris. La mammographie est facile à interpréter - il y a peu de faux positifs et les lésions sont évidentes -, et efficace, - il y a peu de cancers de l’intervalle ».
Le cancer du sein chez la femme de plus de 74 ans peut être grave. « Quand il débute, les propriétés sont favorables, a rapporté le Pr Carole Mathelin, gynécologue sénologue au CHRU de Strasbourg. Ce sont des cancers à progression plus lente, de bas grade et hormonodépendants. Mais la baisse des défenses immunitaires et la sénescence des fibroblastes font que ce cancer au début favorable devient agressif ».
Éviter les chirurgies mutilantes
D’où l’intérêt de sensibiliser au diagnostic précoce alors que la découverte est souvent tardive, révèle la cohorte Senometry avec 2 fois moins de cancers in situ que chez les plus jeunes. « Beaucoup de tumeurs sont découvertes au stade T2-T3, c’est-à-dire pour une taille de 2 à 5 cm », a déploré Carole Mathelin.
À ce stade, les traitements sont plus lourds avec des chirurgies mutilantes (mastectomies avec curage axillaire). « À cet âge, on ne peut plus faire toutes les techniques, a rappelé la sénologue. Les capacités de réparation sont moins bonnes ».
Pour la prise en charge, la chirurgie reste le gold standard avec radiothérapie et si besoin avec traitements adjuvants, - hormonothérapie (tamoxifène, inhibiteurs de l’aromatase) en premier lieu, mais aussi chimiothérapie et thérapies ciblées (trastuzumab pour les tumeurs HER2 +). « Pour les patientes non opérables, il existe des techniques de substitution sous anesthésie locale avec ablation par le froid ou le chaud », a indiqué Jean-Yves Séror.
Quant aux traitements agressifs, ils sont adaptés en fonction de l’âge physiologique de la patiente, par exemple avec l’outil simple Oncodage de l’INCa, a expliqué le Dr Marc Espié, oncologue à l’hôpital Saint-Louis à Paris. « Les nouvelles thérapies ciblées ne sont pas plus toxiques que chez les plus jeunes, a relevé l’oncologue parisien. Et les chimiothérapies après 75 ans sont adaptées aux pathologies préexistantes ».
« Trop vieille pour ça ? ». Conférence de presse du CNGOF le 29 mars 2019, Paris.
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