On connaissait les IDE (infirmiers diplômés d’État) et les IDEL (infirmiers diplômés d’État libéraux). Voici désormais les IPA (infirmiers en pratique avancée). Derrière ce nouveau sigle se cache une profession appelée à s’inscrire dans le parcours de soins, conformément au cadre posé par la loi Santé de 2016.
Un projet de décret a été présenté le 8 mars après plus de seize mois de négociations entre la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) et les Ordres de médecins et d’infirmiers. L’objectif est de faire émerger un « super » infirmier capable de répondre sur le terrain au vieillissement de la population et aux besoins des patients chroniques dans des territoires en proie à la désertification médicale. À l’instar des infirmiers en pratique avancée qui exercent dans les pays anglo-saxons.
Consensus a minima
Créant quelque déception, la concertation n’a finalement débouché que sur un « consensus a minima », selon les différents acteurs qui ne cachent pas leur désappointement, voire carrément leur désaccord. De ce texte, qui n’est encore qu’à l’état de projet, émane en effet un exercice très encadré. Car si l’IPA se voit accorder de nouvelles compétences, il ne pourra les exercer que de manière contrainte : « au sein d’une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin traitant » (...) ou « en assistance d’un médecin spécialiste, hors soins primaires, en pratique ambulatoire ». Et si l’IPA participe « à la prise en charge globale du patient », il collabore au sein d’un parcours de soins « dont la conduite diagnostique et les choix thérapeutiques sont définis par le médecin ».
Une « subordination » que dénoncent les syndicats infirmiers. De même, les champs d’intervention restent réduits puisqu’il reviendra au médecin d'identifier les patients susceptibles d'une prise en charge par un IPA (1).
Le texte autorisera toutefois les IPA à intervenir davantage dans le traitement du patient. Ces infirmiers pourront ainsi procéder au suivi de l'observance, prescrire des examens complémentaires et renouveler ou adapter des prescriptions médicales en cours. Ces futures dispositions qui interrogent les pharmaciens (voir ci-dessous) n’ont pas manqué de provoquer une levée de boucliers côté médecins.
Davantage d'autonomie sur la PMF et le MAD
Alors qu’ils peuvent déjà prescrire un ensemble de dispositifs médicaux (voir encadré) et, depuis 2016, des substituts nicotiniques dans le cadre d’un sevrage tabagique (2), les IPA se verront désormais octroyer le droit de prescrire des médicaments non soumis à PMO (3). Le projet de décret élargit également la liste des dispositifs médicaux pouvant être prescrits par ces IPA.
Les conditions d’exercice de l’IPA demandent toutefois à être précisées. Ainsi, le mode de rémunération n’est pas encore fixé. Florence Ambrosino, infirmière titulaire d’un master en sciences cliniques ayant participé à l'élaboration du projet de décret, explique ainsi, sur le site infirmiers.com, que les IPA seront « sans aucun doute rémunérés sous forme de missions, mais certainement pas sur des actes ». Le flou entoure également le modèle pédagogique de la formation qui devrait débuter en septembre prochain, un master, alors que le premier du genre avait vu le jour à Marseille en 2010 dans la foulée de la loi HPST. Actuellement, le nombre de professionnels disposant d’une formation en sciences cliniques infirmières ou assimilée est estimé à 240. Selon Florence Ambrosino, les diplômés actuels des deux masters de Marseille et de Paris pourraient bénéficier d’un dispositif de VAE (4) allégé pour obtenir leur équivalence de titre IPA.
Si certains observateurs ne manquent pas de remarquer que ces IPA resteront marginaux, ce décret aura le mérite de reconnaître les IDE s’étant investis dans une formation complémentaire. Pour autant, en se contentant de formaliser des pratiques déjà en cours sur le terrain, par exemple dans l’ajustement des traitements, le projet de décret s’abstient de donner une nouvelle envergure à la profession. Une perte de chance que regrettent déjà les syndicats infirmiers.
(1) Cancéreux, patients psychiatriques, transplantés rénaux ou souffrant de certaines pathologies chroniques stabilisées.
(2) Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, publiée au « Journal officiel » du 27 janvier 2016.
(3) En application de l’article R. 5 121-202 du Code la santé publique.
(4) Validation des acquis de l’expérience.
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