La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté hier la proposition de loi portée par le député Horizons Frédéric Valletoux, avant que celle-ci ne soit examinée en séance publique du 12 au 15 juin. Parmi les plus de 700 amendements déposés, dont plus de 500 ont été déclarés recevables, deux concernent directement l’officine.
La proposition de loi (PPL) « visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professions », qui fait l’objet d’une procédure accélérée, prévoit l’adhésion automatique de tous les professionnels de santé aux communautés professionnelles de territoire en santé (CPTS). « Il y a aujourd’hui environ 800 CPTS avec des niveaux de développement hétérogènes, plaide Frédéric Valletoux. Cette mesure permettra d’accélérer leur déploiement (…) et ce dans le respect du libre choix de chaque professionnel de s’inscrire ou pas dans cette dynamique à travers la possibilité qui lui est reconnue de s’affranchir de cette intégration. »
Outre cet article qui concerne l’ensemble des professionnels de santé, les députés ont adopté deux amendements touchant directement les officines. Le premier cherche à limiter la fermeture de pharmacies dans des zones sous-dotées, notamment par le biais des rachats-fermetures. Dès lors, « toute opération de restructuration du réseau officinal réalisée au sein d’une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins à l’initiative d’un ou plusieurs pharmaciens ou sociétés de pharmaciens et donnant lieu à l’indemnisation de la cessation définitive d’activité d’une ou plusieurs officines » doit non seulement faire l’objet « d’un avis préalable du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) » mais aussi de la « consultation des syndicats représentatifs de la profession, du conseil de l’Ordre des pharmaciens territorialement compétent et du conseil territorial de santé ». Intégré dans un nouvel article de la PPL Valletoux, il ajoute que « la cessation définitive d’activité ne peut être constatée si les besoins en médicaments de la population ne sont plus satisfaits de manière optimale ou si elle entre en contradiction d’une autre manière avec les objectifs déterminés par le projet territorial de santé ».
Interrogés par « Le Quotidien », les deux syndicats de pharmaciens se sont montrés dubitatifs quant à cette mesure en citant le même exemple. « Peut-on empêcher un pharmacien de 75 ans, qui ne peut plus travailler, de vendre à la pharmacie de la commune la plus proche, qui lui offre une indemnité pour la fermeture de son officine en contrepartie de sa patientèle ? Le pharmacien de 75 ans n’a que deux options, accepter cette offre ou fermer sans contrepartie », relève Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Et Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), d’ajouter : « L’ARS qui estime qu’une pharmacie est vitale pour l’accès aux soins pourrait s’opposer à la vente, mais je ne vois pas comment cela pourrait être possible lorsque le pharmacien ne peut plus travailler ou que son officine n’est pas viable économiquement. Quelles sont les solutions envisagées ? Cet amendement pose beaucoup de questions. » Pour les deux présidents, « c’est une mauvaise réponse à un vrai problème », dont ils ont fait part au ministre de la Santé.
Un autre amendement (article 2 decies) ouvre la possibilité pour les antennes de pharmacies, et donc pour leurs pharmaciens adjoints, de facturer. La loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) de 2020 a en effet mis en place une expérimentation des antennes de pharmacie sur le principe des officines mères-filles, expérimentation en cours pour une seule officine, dans la vallée de la Roya. « Je n’avais pas perçu ce problème de facturation, cet amendement permet donc de lever ce frein », note Pierre-Olivier Variot. Philippe Besset reste pour sa part « réservé sur ces évolutions, car on s’aperçoit que cette expérimentation impose de modifier un nombre considérable de textes ». Pour autant, la FSPF ne s’est pas mobilisée contre ce texte car « l’enjeu est réel et pour le moment on n’a pas trouvé d’autres solutions permettant de garantir l’accès aux médicaments à une population isolée ». Elle reste néanmoins vigilante à tout risque de dérapage et rappelle les pistes de travail évoquées en amont des négociations du futur avenant économique à la convention pharmaceutique : « Il faut améliorer l’interprofessionnalité, attirer les jeunes en leur montrant l’intérêt de l’exercice dans ces zones, améliorer les conditions financières et renforcer le contact avec les élus pour garantir un cadre de vie agréable à ceux qui viennent s’installer dans les territoires. »
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