La Corrèze compte 107 officines pour 240 780 habitants, soit un ratio de 1/2 250. Une situation qui doit être comparée à l’ensemble de l’ancienne région Limousin, plutôt bien placée en matière de densité pharmaceutique – 44 officines pour 100 000 résidents – et un total de 652 pharmacies installées sur un des territoires français économiquement les plus pauvres. Un paradoxe qu’il faut également rapprocher de certaines réalités : malgré une désertification touchant certaines zones très rurales, la région est en augmentation démographique légère depuis plusieurs années : 738 600 habitants en 2014, soit 1 600 de plus que deux ans auparavant, et des grands bassins d’emploi comme Limoges ou Brive connaissent depuis la fin des années 1990 une progression lente mais constante.
« Il faut donc analyser le phénomène, explique Olivier Marquet, président du syndicat des pharmaciens de la Corrèze. Quatre officines fermées en un an, cela paraît beaucoup, mais trois d’entre elles disparaissent pour cause de regroupement. Une seule, de taille modeste il est vrai, mais installée en pleine ville à Tulle, n’a pas trouvé preneur après le départ de son titulaire, et a donc baissé définitivement son rideau. » Sur les quatre officines concernées, deux à Brive se sont en effet rapprochées d’une troisième pour créer « La Grande Pharmacie », tandis qu’à Objat deux autres se fondaient en une seule. Pour autant, le responsable syndical rappelle les difficultés : baisses du chiffre d’affaires, concurrence déloyale des entreprises de matériel médical démarchant les hôpitaux, et surtout vieillissement de la population ajouté à la désertification médicale rurale.
« Notre syndicat réfléchit donc à des solutions qui permettraient de conserver un maillage territorial suffisant et à soutenir économiquement nos pharmaciens, ajoute le président. Parmi ces pistes, l’augmentation de la rémunération du médicament, principalement sur l’honoraire, afin de conserver, notamment en secteur rural, une certaine rentabilité. Nous encourageons également les initiatives concernant les nouvelles missions dévolues aux officinaux, axées sur le conseil et le service. »
S’adapter
Le président du conseil régional de l’Ordre du Limousin, Yves Tarnaud, complète la réflexion de son confrère corrézien : « Il y a d’abord l’aspect démographique, rappelle-t-il. S’il y avait plus d’habitants, il y aurait plus de pharmacies, c’est une évidence, mais nous sommes déjà, comme le prouvent les chiffres régionaux, pas trop mal pourvus. Quant à ces quatre fermetures, elles ne sont réellement que le produit de regroupements intelligents, des fusions rendues nécessaires par les réalités économiques de leurs secteurs respectifs. Deux belles pharmacies d’Objat se rapprochent pour en faire une plus belle encore, idem à Brive où s’est ouvert un très beau commerce, très bien achalandé, très agréablement tenu, avec du personnel. Si on exclut la fermeture, hélas définitive, de celle de Tulle, le résultat est plutôt positif. »
Car le responsable ordinal voit dans ces événements la préfiguration du monde pharmaceutique officinal de demain. Pour lui, les regroupements sont appelés à se multiplier, au détriment des petites unités de moins en moins rentables, aux surfaces commerciales et de stockage trop restreintes. Il est persuadé que les intéressés ne pourront que s’en féliciter. « Il y a les marges qui diminuent sans cesse, rappelle-t-il, et les frais qui augmentent. Se regrouper, c’est avoir un chiffre plus important et des bénéfices plus substantiels à se partager. Si la profession ne veut pas s’organiser en conséquence, elle régressera économiquement. Nous devrons nous adapter, ceux qui refuseront cette réalité sont appelés à disparaître. »
Yves Tarnaud évoque également les difficultés des jeunes diplômés à s’installer, et voit dans les associations à deux ou à trois des pistes encourageantes pour des créations communes. Dans ce domaine, comme dans celui du regroupement de pharmacies existantes, il pense que l’union fera la force. Quant à son Limousin, il en brosse un tableau lucide. « Limoges et ses environs résiste à l’érosion, forte d’une population en développement. Les bassins de Brive et de Tulle survivent également, malgré les difficultés réelles du monde rural et un certain dépeuplement. La Creuse connaît un problème de désertification réel, comme le nord de la Haute-Vienne. On assiste donc à l’émergence de projets de maisons médicales, l’une d’elles, en Haute-Vienne, a d’ailleurs été renforcée d’une pharmacie issue de deux officines regroupées, le tout constituant un pôle santé. C’est peut-être dans ce genre de réalisation qu’il faut voir le futur et la réponse à nos angoisses. »
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