En 2008, le Pr Jean-Louis Koeck, médecin des armées à Bordeaux, siège au comité technique des vaccinations. Très vite, il constate un décalage entre les recommandations vaccinales, leur application et une couverture vaccinale laissant à désirer. « On compte près de 500 paramètres* à intégrer pour établir une recommandation vaccinale personnalisée, explique-t-il. Un travail que le médecin a du mal à maîtriser. D’où parfois des différences de préconisations entre professionnels qui ne font que renforcer l’hésitation vaccinale des familles. »
Il décide de faire appel à l’informatique « pour rendre simple ce qui est compliqué ». Avec son confrère Jacky Brunetaud (médecin et informaticien), ils créent en 2009, le Carnet de Vaccination Electronique. Ce système intelligent, accessible sur la plateforme www.mesvaccins.net, s’appuie sur le travail d’experts reconnus. Son développement technique est confié à la start-up Syadem**.
Simplicité et transparence
En pratique, le CVE peut être ouvert par un professionnel de santé (médecin, pharmacien, infirmière, sage-femme) ou le patient lui-même sur mesvaccins.net. Celui-ci renseigne ses vaccins reçus, répond à un questionnaire et le système lui propose des recommandations vaccinales personnalisées. Le patient sait immédiatement s’il est à jour, s’il a des vaccins à faire et pourquoi : « Nous parions sur l’intelligence du patient, indique Jean-Louis Koeck. Nous l’aidons à comprendre les recommandations vaccinales, à prendre en main sa vaccination et encourageons le dialogue avec son médecin. » Le CVE doit ensuite être validé par un professionnel de santé. Le patient peut alors disposer de son historique vaccinal sur son smartphone, imprimer un certificat de vaccination à la demande des écoles, mairies, crèches. Les nouvelles recommandations sont intégrées sous 48 heures et le patient est prévenu par mail du prochain vaccin. Gratuit, sécurisé et indépendant des laboratoires, cet outil améliore le suivi vaccinal et lutte contre la désinformation.
Aide à la décision
Pour le médecin, c’est une aide précieuse à la décision : « La création d’un CVE modifie une fois sur deux la prescription vaccinale, explique Jean-Louis Koeck. On évite ainsi les survaccinations (20 % des patients) et les mal vaccinations (80 % des historiques vaccinaux comportent des erreurs). » La plateforme garantit sécurité et traçabilité des vaccins (n° de lot). Enfin, le CVE est un outil de santé publique qui mesure en temps réel la couverture vaccinale sans études coûteuses, s’intègre à la plupart des systèmes d’information (médecins, pharmaciens, hôpitaux, crèches…), renforce la pharmacovigilance (recueil rapide des événements indésirables) et permet une meilleure anticipation des besoins afin d’éviter les pénuries industrielles. Sans oublier les multiples développements possibles : passeport vaccinal européen, création automatique dès la naissance par les maternités…
Développement national
En avance sur ses concurrents, le CVE a dû vaincre de solides oppositions, mais a réussi à s’imposer grâce au soutien d’URPS médecins et pharmaciens (Auvergne Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine, Centre-Val de Loire), ARS et associations de patients. À ce jour, 500 000 carnets de vaccination électroniques sont ouverts ; la moitié a été validée par 13 000 professionnels de santé*** dont près de 50 % de pharmaciens. Cet automne, le CVE pourrait obtenir le feu vert de l’État pour son développement national. Un enjeu de taille pour apaiser le débat vaccinal et répondre efficacement aux nouvelles recommandations.
* âge, pathologies, profession, conditions de vie, entourage…
** 5 développeurs et 1 ingénieur ergonome.
*** abonnement professionnel de santé : 30 €/an.
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