Dépistage et vaccination, à la chaîne
Depuis le début de la crise sanitaire, les pharmaciens ont été sollicités à l’extrême. Seul espace de santé accessible pendant le premier confinement, la pharmacie a démontré qu’elle pouvait répondre présent à toute une série de missions nouvelles. Les plus emblématiques en 2021 sont évidemment la vaccination contre le Covid-19 et la réalisation de tests antigéniques. Ce sont près de 6,9 millions de doses vaccinales qui ont été administrées par les confrères et leurs équipes à la date du 10 novembre ; des équipes qui ont su gérer de fortes montées en charge, notamment l’été dernier avec un pic à plus de 90 000 doses en une seule journée (données GERS Data), mais aussi ces dernières semaines avec le transfert progressif des vaccinations des centres vers la ville. De même, les officines ont été en capacité d’absorber une demande exponentielle en tests l’été dernier, au moment où le passe sanitaire se mettait en place. Les confrères restent aujourd’hui mobilisés sur ces missions alors que la campagne de vaccination antigrippale a commencé le 22 octobre. Selon Gilles Bonnefond, porte-parole de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), 4 à 5 millions de vaccins grippe ont déjà été administrés, dont 30 à 35 % en pharmacie.
Un cruel manque de personnel
Alors que les marchés de l’officine retrouvent leur dynamisme et que les nouvelles missions se cumulent, la pharmacie n’échappe pas à la tendance observée dans tous les secteurs : une pénurie de personnel associée à des difficultés de recrutement grandissantes. Selon une étude de la Banque de France publiée en juillet, 48 % des entreprises françaises y sont confrontées. « Il nous manque 8 000 à 10 000 personnes dans les pharmacies. On a 12 000 officines qui font des tests, on en a 15 000 qui vaccinent sur les 20 000 du réseau. Celles qui ne participent pas à ces actions, c’est essentiellement en raison d'un manque de personnel », expliquait Philippe Besset, président de la Fédération de syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), fin septembre à l’occasion de la Journée de l’économie de l’officine. Et d’autres se tuent à la tâche pour tout faire, sans réussir à recruter. En outre, note Joël Lecoeur, expert-comptable chez LLA, membre du réseau CGP, cette pénurie entraîne une surenchère sur les salaires : « Nombre de titulaires ont de grosses difficultés pour recruter et ils doivent revaloriser les salaires s'ils veulent embaucher (..). Les équipes officinales s'usent surtout lorsqu'il manque du personnel. »
Les DASRI s'entassent à l'officine
Effet secondaire de la gestion de crise, les déchets de soins s'accumulent depuis quelques mois dans les pharmacies. C'était à craindre. Avec la multiplication des tests et des vaccinations, leur volume s'est naturellement accru. Le problème, c'est que la collecte des DASRI semble ne pas suivre. De nombreux titulaires (notamment parisiens), déplorent ainsi que la fréquence des collectes soit bien inférieure aux besoins. « C'est très compliqué de les avoir (les collecteurs, N.D.L.R.) et de programmer une intervention, témoigne ainsi Laurent Filoche, titulaire à Blagnac (Haute-Garonne) et président de l'UDGPO. Nos volumes ont explosé avec les tests et les vaccinations Covid. Nos espaces de stockage sont souvent limités et la situation est ingérable pour beaucoup d'entre nous. » De son côté, l’éco-organisme DASTRI souligne que les règles de collecte et de tri des nouveaux déchets liés à la prévention du Covid ne sont pas toujours respectées par les pharmaciens. N'empêche, bien ou mal triés, les déchets s'entassent dans les officines…
De plus en plus de livraisons à domicile
Pendant les périodes de confinement, les pharmaciens ont répondu aux besoins de continuité des soins en offrant des services de dispensation et de livraison de médicaments à domicile, déjà très courants au sein des officines rurales. Au terme des confinements, beaucoup ont continué de proposer ces services à leurs patients. Des services qui posent de nombreux défis d'organisation. La nécessité d’assurer le portage par le pharmacien ou un professionnel de santé pose problème dans les petites officines, qui font déjà face à un cruel manque de moyens. De nombreux titulaires accomplissent donc cette mission pendant leurs heures de pause ou en dehors de leurs horaires habituels. Ce service, que beaucoup de pharmacies refusent de facturer n'est pourtant pas sans coût. Notamment dans un contexte de hausse des prix des carburants, alors que la grande majorité des portages en zone rurale se font en voiture. Difficile donc de concilier ce service, pourtant parfois indispensable, aux autres missions du pharmacien.
Retour des pathologies virales
En dehors du pic d’achats de stockage au moment du premier confinement, les pharmacies ont enregistré un recul global sur tous les marchés en 2020, en lien avec une forte baisse de la fréquentation et un moindre recours aux soins. Si 2021 a commencé sur le même rythme, le second trimestre a signé une légère reprise qui s’est confirmée mois après mois. Favorisées par un été plutôt froid et humide et le relâchement des gestes barrières, les pathologies hivernales sont même arrivées avec quelques semaines d’avance. Depuis la rentrée, bien que le nombre global de consultations des médecins généralistes reste stable, le GERS note un rebond assez marqué des consultations pour la gastroentérite (+33 %), la rhinopharyngite (+46 %) et la bronchiolite (+193 %). Une activité soutenue qui, en raison des nombreuses missions confiées aux pharmaciens depuis le début de la crise et une pénurie de personnel, ajoute à l’épuisement général des équipes.
De nouvelles « réjouissances » pour 2022
L'an prochain, de nouveaux dispositifs risquent de compliquer encore un peu plus la vie des pharmaciens. En premier lieu, la sérialisation, tant redoutée et critiquée par de nombreux acteurs de la profession. Au 1er janvier, l’absence de connexion au répertoire national pourrait être sanctionnée d’une pénalité de 300 à 10 000 euros. C'est en effet à cette date que les pharmaciens devront impérativement appliquer la directive européenne imposant le contrôle de la conformité de toute boîte de médicament remboursé dispensée à l'officine. Autre mesure dont la mise en place provoque quelques sueurs froides au comptoir : la dispensation à l'unité, qui figure à la loi AGEC (anti-gaspillage et économie circulaire) de 2019. Un projet auquel s'opposent certains car il ajoute notamment « des tâches logistiques » aux pharmacies mais aussi parce que sa mise en place est jugée difficilement compatible avec… la sérialisation.
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