Le prix auquel se sont cédées les officines en 2023 atteint en moyenne 1,745 million d’euros. Un montant qui reste très élevé par rapport aux années précédant le Covid mais qui montre un léger retour à la raison après l’envolée de 2022, à 1,910 million d’euros. « La phase d’inflation des prix de cessions semble se refermer. L’acquisition d’une officine doit être appréciée comme l’acquisition d’un outil de travail et non comme une opération exclusivement financière et spéculative », analysent les experts-comptables du réseau CGP lors de la présentation des statistiques 2023, le 8 mars (1). Les experts-comptables notent que cette baisse des prix de cessions est essentiellement intervenue au dernier trimestre 2023. Et va devoir se poursuivre pour assurer la transmission générationnelle. Les raisons de cette accalmie sont multiples. Davantage que la taille de l’officine, l’analyse du niveau de l’excédent brut d’exploitation (EBE) constitue l’axe d’approche des experts-comptables pour évaluer la valeur d’un fonds.
Décorréler le médicament cher
Sur un marché où les médicaments chers - proportionnellement peu générateurs de marge - poursuivent leur poussée et constituent 38,31 % de l’activité du médicament remboursable, la valorisation des fonds d’officine doit - a fortiori – faire abstraction du chiffre d’affaires. Cette précaution d’usage, que les experts-comptables réitèrent d’année en année, est plus que jamais d’actualité, comme a insisté Joël Lecoeur, président du réseau CGP. Une recommandation à suivre d’autant plus scrupuleusement que la marge a été affectée par une hausse de 13,23 points des frais généraux en deux ans. Sans compter que, pendant la même période, les charges de personnel ont augmenté de 22,40 %.
Plus de sept années de rentabilité
Dans ce contexte, l’excédent brut d’exploitation (EBE) s’impose, inéluctablement, comme l’indicateur le plus objectif. La démonstration des experts-comptables est d’autant plus pertinente, que sur un chiffre d’affaires qui ne croît que de 1,68 % en 2023, le taux d’EBE (hors activité Covid) n’atteint que 10,50 % du chiffre d’affaires. Il faut retourner quinze ans en arrière pour retrouver un niveau aussi faible. En valeur absolue, l’EBE atteint 247 000 euros, contre 265 600 euros, un an plus tôt. « Le candidat à l’installation devra être attentif aux effets induits sur la valorisation du fonds de commerce transmis », met en garde CGP. Il n’empêche, les officines se sont échangées à un niveau d’EBE (2) encore très élevé. Le multiple retenu atteint certes 7,28, contre 7,45 un an plus tôt, mais qu’il n’était que de 6,84 en 2019. Ce facteur – équivalant à plus de 7 années de rentabilité- renoue avec le niveau de 2014. « Cette valorisation prend en compte les rentabilités affaiblies », note CGP, qui relève « à tous les niveaux, des EBE en repli ».
Une baisse de la capacité d’endettement
Des disparités marquent cependant le marché. Les officines d’un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros se monnayent ainsi à 6,23 fois leur EBE, celles dont l’activité se situe entre 1 et 1,5 million d’euros voient leur prix atteindre 7,02 fois l’EBE tandis que les fonds dont le chiffre d’affaires excède deux millions d’euros, se cèdent à 7,48 fois leur EBE.
En 2023, les investisseurs ont dû mettre encore davantage la main à la poche. Alors que l’apport personnel représentait 16 % du prix d’achat moyen en 2022, ce taux est passé – hausse des taux d’intérêt oblige- à 18 % un an plus tard et ce, sur un prix en repli. Une tendance qui n’est pas à prendre à la légère dans un contexte de hausse des taux d’intérêt. Comme l’expose Joël Lecoeur, à mensualités et nombre d’annuités égales (sur douze ans), il ne sera possible d’emprunter que 854 000 euros à un taux d’intérêt de 4 %, contre 1 million d’euros à un taux d’intérêt de 1 %. Ce différentiel de taux engendre de facto une baisse de 158 000 euros du montant emprunté. Ou encore une baisse de la capacité d’endettement d’environ 16 points. « L’apport personnel n’étant pas extensible, nous assistons de la part des acquéreurs à une révision à la baisse de leur prétention en matière de taille d’officine », commente CGP.
La préférence aux officines de plus de 2 millions d’euros
« L’apport personnel n’étant pas extensible, nous assistons de la part des acquéreurs à une révision à la baisse de leur prétention en matière de taille d’officine »,
Cette sobriété obligera-t-elle à moyen terme les cédants à reconsidérer, eux aussi, leurs exigences ? Certains d’entre eux, relèvent leurs experts-comptables, « usés par les conséquences de la crise sanitaire et face aux difficultés d’exploitation anticipent leur cessation d’activité ». Les cédants de petites structures (en dessous d’un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros) peinent cependant à trouver un repreneur. Force est de constater, en revanche, que ce sont essentiellement les fonds d’une taille significative au-delà d’un d’affaires de 2 millions d’euros- qui intéressent aujourd’hui les candidats à l’installation. Elles se cèdent d’autant plus facilement « que les repreneurs sont accompagnés de groupements leur proposant des boosters d’apport ».
Des refus bancaires
De fait, le marché se complexifie aujourd’hui sous la poussée de l’inflation et des taux d’intérêt mais aussi en raison des inconnues qui pèsent sur la rentabilité des officines. Alors que la marge brute globale est passée sous la barre des 30 %, les experts-comptables recommandent aux acquéreurs la plus grande vigilance en termes de valorisation du fonds. Du reste, « les plans de financement sont plus difficiles à faire passer et nous assistons à certains refus bancaires, rares ces dernières années », relève Joël Lecoeur.
(1) Sur un échantillon de 144 cessions réalisées au sein du réseau CGP
(2) EBE retraité de l’activité Covid et déduction faite de la rémunération du titulaire, soit 3 500 euros net mensuels, ou 66 000 euros brut annuels.
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