• L’ONDAM et les économies
C’est le premier chiffre qui a fuité d’une réunion le 18 septembre dernier : l’ONDAM 2024 est fixé à 3,2 %, contre 4,8 % (hors Covid) en 2023 (alors que 3,8 % étaient initialement prévus). Soit 254,9 milliards d'euros. Face aux critiques qui n’ont pas manqué de fuser, le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, en sortie du Conseil des ministres le 27 septembre, a insisté sur cet ONDAM « supérieur à l’inflation et non pas inférieur comme certains le disent ». Le sous-ONDAM pour les soins de ville est légèrement plus haut, à 3,5 %, notamment pour « financer des revalorisations conventionnelles avec toute une série de professions » et pour provisionner « avant les discussions avec les médecins ».
Pour tenir cet ONDAM, il est nécessaire de « trouver des mesures d’économie ». Ainsi, sur les 3,5 milliards d’euros d’économies annoncées en 2024, 1,3 milliard d’euros touchent les produits de santé, dont 1 milliard d’euros de baisses de prix (850 millions d’euros sur le médicament et 150 millions d’euros sur le dispositif médical) et 300 millions de réductions des volumes. Le ministère des Comptes publics précise les autres leviers d’économies : 1,25 milliard d’euros grâce à « la responsabilisation des acteurs de santé en termes de prescription et de prise en charge », 600 millions d’euros par l’amélioration des politiques d’achat et de la pertinence des soins des établissements sanitaires et médico-sociaux, et 340 millions d’euros de régulation des dépenses de soins de ville (touchant principalement les laboratoires d’analyse médicale et les produits de contraste en radiologie).
• La délivrance d’antibiotique après TROD positif
C’est la mesure phare de ce PLFSS touchant directement les pharmaciens, proposée par le patron de l’assurance-maladie, Thomas Fatôme, dans son traditionnel rapport Charges et produits dévoilé en juillet dernier. Malgré la forte opposition des médecins, la disposition a été confirmée par la Première ministre, Élisabeth Borne, le 31 août. À l’aide des protocoles nationaux déjà validés par la Haute Autorité de santé (HAS) dans la cystite simple de la femme et dans l’angine, le pharmacien pourra directement délivrer certains antibiotiques à un patient dont le TROD est positif. Et cela hors délégation de tâche par un médecin appartenant à la même structure d’exercice coordonné, ce qui était jusqu’alors exigé. Le pharmacien aura néanmoins l’obligation de se former et d’informer le médecin traitant de son acte. Reste une inconnue : la rémunération sera discutée lors des négociations conventionnelles entre la profession et l’assurance-maladie à compter de novembre prochain.
• En cas de pénurie
Face aux tensions d’approvisionnement en médicaments, le gouvernement multiplie les mesures et le PLFSS 2024 n’y échappe pas. Il prévoit ainsi, en cas de rupture, de « systématiser pour les antibiotiques le recours à des ordonnances conditionnant la délivrance de médicaments à la réalisation d’un TROD » et « d’interdire la prescription en téléconsultation de certains médicaments, en priorité les antibiotiques ». Une téléconsultation qui pourrait vite devenir superflue dans un contexte où les pharmaciens peuvent délivrer des antibiotiques après un TROD… Quant à la délivrance à l’unité par les pharmaciens d’officine obligatoire dès lors que les médicaments sont en situation de pénurie, « quand la forme galénique est appropriée », cette perspective n'inquiète pas outre mesure les syndicats. Elle sera applicable uniquement après déclaration d'une rupture et nécessite la publication d'un arrêté…
Le texte permet également de donner un statut aux « préparations officinales spéciales » telles qu’elles ont été mises en place de manière exceptionnelle l’hiver dernier pour faire face aux tensions en amoxicilline alors qu’une triple épidémie de grippe, Covid et bronchiolite sévissait. En sus, le gouvernement souhaite ouvrir la possibilité, « dans des cas définis par la ministre de la Santé et de la Prévention, de distribuer en officine des préparations hospitalières spéciales ».
Côté industriel, le PLFSS 2024 compte inciter les laboratoires qui souhaitent arrêter la commercialisation de médicaments matures à trouver un repreneur par tous moyens, « sous peine de pénalité financière ». Une mesure expliquée il y a quelques jours par Roland Lescure, ministre délégué à l’Industrie. Si aucun repreneur n’est trouvé, l’État pourra demander la cession gratuite d’exploitation du médicament pendant 2 ans à une structure publique comme l’Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS) qui joue le rôle de pharmacie centrale de l’AP-HP.
• Les mesures de santé publique
Le gouvernement entérine dans le droit des mesures déjà annoncées ou existantes. Ainsi, la campagne de vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) qui commence dans les collèges en octobre se voit-elle inscrite dans l’article 17. Celui-ci instaure la possibilité pour l’assurance-maladie de rémunérer directement les professionnels de santé, notamment les pharmaciens et les étudiants de 3e cycle d’études pharmaceutiques, par le biais de vacations « dont les tarifs seront fixés par arrêté et non par la voie conventionnelle (…) afin de permettre rapidement aux professionnels disposant de la compétence vaccinale de participer ».
L’article 18 entérine pour sa part la prise en charge à 100 % par l’assurance-maladie et en tiers payant des préservatifs pour les jeunes de moins de 26 ans, tandis que l’article suivant confirme le remboursement des protections hygiéniques réutilisables pour les femmes de moins de 26 ans et pour toutes les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire quel que soit leur âge. À noter que la prise en charge par l’assurance-maladie de ces protections menstruelles est subordonnée à leur inscription sur une liste effectuée par arrêté ministériel.
Enfin l’article 20 précise les conditions de réalisation des bilans de prévention aux trois âges clés de la vie afin de « proposer un dispositif transverse aux différentes professions (médecins, infirmiers, sages-femmes et pharmaciens notamment) ». Les modalités précises de mise en œuvre et de rémunération (fixée à 30 euros) feront l'objet d'un arrêté. Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), regrette toutefois que ce montant ait été fixé par voie réglementaire et non conventionnelle. Une première phase de déploiement débute cet automne dans les Hauts-de-France, pour les 45-50 ans, avant une généralisation en janvier prochain.
• Les parcours coordonnés renforcés
L’exposé des motifs de l’article 22 indique que, depuis 2018, « plus de 135 innovations organisationnelles ont été accompagnées, testées et financées dans le cadre du dispositif article 51 » dont les premières expérimentations arrivent à leur terme et doivent entrer dans le droit commun. Or deux tiers de ces expérimentations « ont permis la mise en place de parcours coordonnés renforcés de prise en charge mobilisant plusieurs acteurs issus de différents secteurs (professions médicales, auxiliaires médicaux ou pharmaciens) » et nécessitent, pour perdurer, une modification du cadre législatif. Le texte propose de créer un cadre générique avec un financement collectif d’une équipe « pour être adaptable aux besoins des patients et pouvant se déployer entre la ville, l’hôpital et le secteur médico-social ».
• Les franchises médicales
Début septembre, le gouvernement semblait se diriger vers un doublement de ces franchises : celle sur les boîtes de médicament passerait de 0,50 à 1 euro, avec un plafonnement annuel inchangé à 50 euros ; celle sur les consultations médicales de 1 à 2 euros. Un projet contre lequel s’élèvent les associations de patients. Sur la table depuis le mois de juin dernier, le sujet n’avait pas été tranché au jour de la présentation du PLFSS 2024.
• Le plafond des remises génériques
La mesure qui avait alerté les syndicats à la rentrée, celle d’abaisser le plafonnement des remises génériques de 40 à 20 %, ne figure pas au PLFSS 2024. Un soulagement qui pourrait n'être que temporaire. En effet, l’idée n’a pas été écartée par le gouvernement, elle pourrait donc réapparaître dans un autre texte ou lors du PLFSS 2025. Or le coup de rabot serait de 650 millions d’euros pour l’économie du réseau officinal.
• Les arrêts de travail
En raison de la forte dynamique actuelle des indemnités journalières, deux nouvelles dispositions voient le jour. La première interdit la prescription en téléconsultation d’un arrêt de travail supérieur à trois jours ou le renouvellement d’un arrêt de travail déjà en cours qui porterait sa durée à plus de trois jours, sauf si la téléconsultation est réalisée par le médecin traitant. La seconde disposition vise à renforcer les capacités de contrôle non seulement des caisses primaires d’assurance maladie mais aussi des employeurs. Ainsi, le versement des indemnités journalières pourrait être suspendu à compter du rapport du médecin contrôleur délégué par l’employeur et concluant au caractère injustifié de l’arrêt. La mesure prévoit également d’intensifier et de simplifier l’accompagnement des médecins présentant un taux important de prescription d’arrêts.
• Réforme de l’assiette sociale des libéraux
Fausse joie pour les représentants de la profession. Alors que l'article 11 portant sur la réforme de l'assiette sociale des libéraux avait été supprimé de la version communiquée au Conseil des ministres, Bruno Le Maire, ministre de l'Économie et des Finances, a annoncé le lendemain que cette disposition résultant de la réforme des retraites serait réintroduite par amendement gouvernemental. Si plus de huit titulaires sur dix ne verront pas leur taux de cotisations sociales évoluer, près de 20 % de la profession sera pénalisée. Cette mesure, à l'impact contraire à son objectif initial qui consistait à rétablir l’égalité de traitement entre salariés et indépendants, est vivement critiquée par les syndicats de la profession. Par ailleurs, Philippe Berthelot, président de la Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP), dénonce l'intervention de l'État dans les régimes autonomes. Du jamais vu depuis le pacte social conclu en 1948 !
• La lutte contre la fraude
Marotte assumée du gouvernement, cet axe se décline aussi dans le PLFSS 2024 et vise prestations sociales et dépenses de santé. Contre les pratiques frauduleuses de certains professionnels de santé, le texte permet à l’assurance-maladie de leur réclamer « en plus des sommes qui leur ont été versées par la caisse, des cotisations sociales qu’elle a payées directement à l’URSSAF » pour leur compte. Un remboursement qui sera dû dès qu’une caisse aura prononcé une sanction administrative (pénalité pour fraude) ou en cas de condamnation au pénal.
• La clause de sauvegarde
Les appels du pied des industriels ont fini par payer. Le gouvernement « s’est engagé à stabiliser la contribution du secteur des produits de santé aux économies », peut-on lire dans le dossier de présentation du PLFSS. La clause de sauvegarde va ainsi être plafonnée à 1,6 milliard d’euros en 2023 et 2024, années où le montant attendu était respectivement de 1,7 et 2 milliards d’euros. De plus, la contribution des génériqueurs « sera aménagée pour tenir compte de la spécificité inhérente à ce secteur ». Un cadeau aux laboratoires « sans réelle contrepartie », note l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), qui s’inquiète des retombées sur le réseau et prévient le gouvernement : « La pharmacie d’officine ne sera pas la variable d’ajustement de la politique du médicament. »
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