De mémoire de dirigeant de groupements de pharmaciens, c'est la première fois que les négociations avec les laboratoires se déroulent dans un tel climat. C'est en tout cas le constat de David Abenhaim, fondateur et dirigeant du groupement Pharmabest. « Nombre de fournisseurs nous adressent depuis la rentrée des propositions de tarifs 2023 exorbitantes, que nous n’acceptons pas. Nous demandons des justifications à ces hausses, et nous n’avons pas toujours de réponses claires », déplore-t-il, espérant toutefois « au vu de nos volumes d’achats annuels, nous devrions trouver des accords d’ici à fin février ».
L'opacité des hausses tarifaires est également dénoncée par Pascal Fontaine, directeur commercial du réseau des pharmacies Lafayette. « Les fournisseurs font preuve d’un manque total de transparence pour justifier leurs pratiques tarifaires. La hausse des matières premières à elle seule ne peut expliquer ces augmentations : 10 % pour l'aromathérapie, 7 % pour la nutrition infantile et la cosmétique ou encore 6 % pour les compléments alimentaires. » Et de conclure « nous en sommes aujourd’hui à une hausse de 9,85 points sur les produits de TVA à 20 %, de 3,83 points sur le médicament non remboursé (TVA 2,1 %), de 10,95 points sur les produits de TVA à 10 % et de 8,31 points sur la TVA à 5,5 %. »
Pris en otage
Pour faire face à ces hausses aussi vertigineuses qu'inacceptables, le groupement envisage de déréférencer une dizaine de laboratoires pour sauvegarder le pouvoir d’achat des patients et éviter que la marge de ses pharmaciens adhérents (30 % en moyenne) se dégrade. Une solution ultime pour des groupements qui se sentaient d'autant plus pris en otage que le projet de loi Descrozaille prévoyait à son article 3 une application des tarifs des fournisseurs au 1er mars, en cas de désaccord.
L'étau s'est quelque peu desserré depuis le 18 janvier. Les députés ont en effet adopté en première lecture un texte amendé. Celui-ci revient sur l'application unilatérale. En cas d'échec des négociations au bout de trois mois, le médiateur interviendra, incluant le ministère. Si les deux parties n'arrivent toujours pas à se mettre d'accord, elles ne seront plus liées entre elles par aucune obligation. Cette issue signera alors la rupture des relations commerciales, sans obligation de livraison. Le texte sera examiné par le Sénat mi-février.
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