Aux États-Unis, il existe des procédures permettant d’obtenir des brevets complémentaires pour prolonger la durée de protection d’un médicament et ainsi repousser l’arrivée de génériques ou de biosimilaires sur le marché. Rien de tel en France et en Europe où la seule option est le lobbying. Une mauvaise stratégie selon Frédéric Bizard, professeur d'économie affilié à l'ESCP Europe. « Les pays où les marchés des génériques et des biosimilaires sont le plus développés sont ceux où le marché de l’innovation est le plus dynamique. » Cela n’empêche pas la France d’afficher un certain retard dans le développement du marché des biosimilaires, pourtant pourvoyeurs d’économies importantes pour la Sécurité sociale.
Les raisons ? Des actions limitées des pouvoirs publics pour inciter à leur utilisation. Ainsi, note Frédéric Bizard, l’avenant conventionnel pour inciter les médecins libéraux à prescrire six spécialités biosimilaires mis en place au 1er janvier 2022 est un échec. « Le principe d’incitation est de reverser 30 % des économies générées pour l’assurance-maladie aux prescripteurs. En 2022, 3,6 millions d’euros ont été reversés à 2 833 médecins. » Les mesures en direction des patients sont tout aussi inexistantes, ajoute l’économiste, avant de déplorer « le serpent de mer de la substitution biosimilaire par le pharmacien » depuis 2014. Résultat : seulement deux molécules biologiques sont substituables depuis avril 2022, alors même que leur taux de pénétration est déjà élevé.
Potentiel d’économies
La réapparition de la substitution biosimilaire dans l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 par voie d’amendements au Sénat (dont un amendement gouvernemental) permet néanmoins d’envisager une évolution. Le potentiel d’économies est d’autant plus considérable que des blockbusters biologiques vont perdre leur brevet dans les cinq ans qui viennent : Keytruda (pembrolizumab), dont le chiffre d’affaires mondial dépasse les 17 milliards de dollars, et Opdivo (nivolumab - 7,5 milliards de dollars) en 2028, ou encore Stelara (ustékinumab – 9,1 milliards de dollars), qui, lui, pourra être dispensé à l’officine dès l’année prochaine. Ce qui n’a pas échappé à Samsung Bioepis, dont le biosimilaire de Stelara est « proche d’obtenir son autorisation de mise sur le marché (AMM) », indique Antonio Rito, directeur Europe du laboratoire.
Mais le potentiel d’économies reste difficile à évaluer, précise Frédéric Bizard, car il est dépendant de la volonté politique et de la législation mise en place. Ses principales recommandations : élargir la substitution par les pharmaciens aux molécules les plus importantes, étendre l’incitation financière pour les médecins à tous les biosimilaires, mettre en place un tiers payant contre biosimilaire, et enfin exclure les génériques et les biosimilaires de la clause de sauvegarde qui s’applique chaque année aux entreprises pharmaceutiques.
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