Les principaux médicaments
Les principaux médicaments disponibles en ville sont les suivants : acide valproïque – Dépakine, Dépakine Chrono, Micropakine LP) ; certaines benzodiazépines (clonazépam – Rivotril, clobazam – Urbanyl, diazépam – Valium) ; brivaracétam – Briviact (Nouveau) ; cannabidiol – Epidyolex ; carbamazépine – Tégrétol et Tégrétol LP ; cénobamate – Ontozry (Nouveau), eslicarbazépine – Zébinix ; éthosuximide – Zarontin ; felbamate – Taloxa (Nouveau) ; gabapentine – Neurontin ; phénytoïne – Di Hydan et Dilantin ; lamotrigine – Lamictal et Lamicstart ; lévétiracétam – Keppra ; locasamide – Vimpat ; oxcarbazépine – Trileptal ; pérampanel – Fycompa ; phénobarbital – Alepsal, Aparoxal et Gardénal ; stiripentol – Diacomit ; rufinamide – Inovelon ; tiagabine – Gabitril ; prégabaline – Lyrica ; topiramate – Epitomax ; valproate de sodium – Dépakine, Dépakine Chrono et Micropakine ; vigabatrine – Sabril ; zonisamide – Zonegran.
Mécanismes d’action
La maladie épileptique trouve son origine dans une hyperexcitabilité neuronale paroxystique conduisant à des décharges anormales de potentiel d’action de tout ou partie des neurones, responsables de la survenue des crises. Cette hyperexcitabilité est essentiellement liée à une instabilité ionique de la membrane cellulaire et à un déséquilibre entre la neurotransmission inhibitrice (GABA) et la neurotransmission excitatrice (glutamate).
Les anti-épileptiques ont en commun la capacité de prévenir la survenue de crises. On distingue habituellement, sur des critères de dates de commercialisation, les produits de 1ère génération (phénobarbital : 1912 ; phénytoïne : 1938 ; éthosuximide : 1960 ; carbamazépine : 1964, valproate : 1967) et de 2e génération (vigabatrine : 1990 ; felbamate : 1994 ; gabapentine : 1995 ; lamotrigine : 1996 ; topiramate : 1998 ; oxcarbazépine : 2001 ; lévétiracétam : 2003 ; stiripentol : 2007 ; lacosamide : 2008 ; rufinamide : 2009 ; pérampanel : 2014 ; cénobamate : 2022).
Ces médicaments agissent selon trois principaux mécanismes pour diminuer l’hyperexcitabilité neuronale : inhibition de la transmission glutamatergique, potentialisation de l'action inhibitrice GABAergique ou blocage des canaux cationiques (Na+ voltage-dépendants ou Ca2+ de type T).
L’hétérogénéité des formes cliniques d’épilepsie explique que tous les anti-épileptiques ne soient pas efficaces dans toutes les formes d’épilepsie, avec même la possibilité d’aggraver certains types de crises. C’est ainsi, par exemple, que la phénytoïne, la carbamazépine, la lamotrigine et, pour partie en ce qui concerne l’acide valproïque, le phénobarbital et le topiramate semblent agir en prolongeant l’état inactif (faisant suite au passage d’un potentiel d’action) des canaux sodiques potentiel-dépendant.
L’éthosuximide agit, quant à lui, en inhibant des canaux calciques de type T, notamment des neurones du thalamus dont il réduit ainsi l’excitabilité.
Un certain nombre d’antiépileptiques modifient la transmission synaptique en agissant directement ou indirectement avec le système du GABA. C’est ainsi, par exemple, que les benzodiazépines, le phénobarbital et le topiramate exercent une action directe sur le complexe des canaux chlore-récepteur GABA, la tiagabine et la vigabatrine agissant, quant à eux, sur le recaptage ou le métabolisme du GABA. La vigabatrine est ainsi un inhibiteur irréversible de la GABA-transaminase, entraînant l’inactivation de ce médiateur.
Le lévétiracétam, quant à lui, s’oppose à l’hyperexcitabilité neuronale en inhibant de manière complexe certains canaux ioniques, tandis que le brivaracétam se fixe sélectivement à la protéine 2A des vésicules synaptiques au niveau présynaptique modulant l’exocytose (libération) de neurotransmetteurs.
Un autre type d’impact concerne la transmission glutamatergique excitatrice, qui expliquerait en partie les effets du phénobarbital et du topiramate.
Le pérampanel est d’ailleurs le premier représentant de la classe des antagonistes sélectifs et non compétitifs des récepteurs ionotropiques au glutamate de type AMPA.
Le cénobamate, qui représente une nouvelle option de 3e ligne dans les épilepsies non contrôlées, agirait sur des canaux impliqués dans la transmission d’impulsions électriques intercellulaires.
Le cannabidiol (CBD) est l’un des principaux phytocannabinoïdes présent dans Cannabis sativa, avec le THC. Ses cibles pharmacologiques sont multiples. Le CBD présente une très faible affinité pour le récepteur CB1 ce qui explique que ce ne soit pas un « cannabis mimétique » et qu’il ne présente pas les effets psychoactifs du THC. Le CBD a une action pleïotropique notamment sur les récepteurs à la sérotonine (5HT1A), sur les récepteurs à la dopamine D2, sur les récepteurs GABA, sur le canal TRP ou transient receptor potential, ainsi que sur les systèmes glutamatergiques ; ce qui pourrait expliquer ses effets anticonvulsivants.
L’hétérogénéité des formes cliniques d’épilepsie explique que tous les anti-épileptiques ne soient pas efficaces dans toutes les formes.
Dans quelles situations cliniques ?
Le traitement pharmacologique de fond (nous n’évoquerons pas ici le traitement des crises) vise idéalement à faire disparaître les crises, ou, à défaut, la réduction de leur fréquence, de leur durée et de leur intensité.
Les nouveaux antiépileptiques offrent non seulement un gain d’efficacité, mais aussi souvent un gain en termes de tolérance et d’interactions médicamenteuses.
Principales indications
- Acide valproïque : épilepsies généralisées, en privilégiant les formes avec myoclonies et aussi si un effet rapide est nécessaire, épilepsies partielles, épilepsies indéterminées.
- Brivaracétam : crises partielles avec ou sans généralisation secondaire.
- Carbamazépine : épilepsies partielles et lorsqu’une titration rapide est indispensable, épilepsies généralisées (crises tonico-cloniques).
- Gabapentine : épilepsies partielles, bon rapport efficacité/tolérance.
- Lamotrigine : épilepsie généralisée, épilepsies partielles, bon rapport efficacité/tolérance notamment chez la femme jeune en âge de procréer (recommandé aussi en tant que produit de substitution durant le temps d’une grossesse) et le sujet âgé, intéressant en cas de prise de poids importante.
- Oxcarbazépine : épilepsies partielles.
- Prégabaline : épilepsies partielles, en association.
- Clonazépam : épilepsies généralisées, épilepsies partielles.
- Topiramate : épilepsies généralisées, épilepsies partielles.
- Pérampanel : épilepsies partielles et généralisées.
- Lévétiracétam : épilepsies généralisées, épilepsies partielles, crises myocloniques.
- Lacosamide : épilepsies partielles ou généralisées.
- Rufinamide : syndrome de Lennox-Gastaut.
- Vigabatrine : épilepsies partielles résistantes, spasmes infantiles.
Posologies recommandées et plans de prise
Quelques posologies chez l’adulte (en monothérapie) par voie orale, en soulignant qu’une lente progression de la posologie est très vivement recommandée, mais dépend in fine de chaque cas :
- Acide valproïque : 1 000 mg/j, en 2 ou 3 prises, de préférence au cours des repas. Les formes Chrono (comprimés LP) ou Micropakine (granulés LP) permettent de réduire la posologie à 1 ou 2 prises par jour.
- Carbamazépine : 400 à 600 mg/j, en 2 prises pour les formes LP et en 2 ou 3 prises pour les autres, pendant ou après le repas.
- Gabapentine : 1 200 à 1 800 mg/j, en 2 ou 3 prises par jour.
- Lévétiracétam : dose initiale de 250 à 500 mg 2 fois par jour, au cours ou en dehors des repas ; posologie pouvant être augmentée à 1 500 mg 2 fois par jour. Dose à adapter à la fonction rénale.
- Lamotrigine : 100 à 200 mg/j ; en 2 prises.
- Pérampanel : 2 mg une fois par jour au coucher, jusqu’à 12 mg/j.
- Topiramate : 50 à 100 mg/j ; en 2 prises.
- Vigabatrine : 2 000 à 3 000 mg/j ; en 1 ou 2 prises, avant ou après les repas. En raison du mécanisme d’action du produit, il n’y a pas de corrélation entre la concentration plasmatique et l’efficacité. Sa durée d’action dépend du taux de resynthèse de la GABA-transminase et non de sa concentration plasmatique.
Cas particuliers
Grossesse et allaitement
La plus grande prudence s’impose et une contraception efficace est le plus souvent indispensable. À vérifier au cas par cas.
La prise de ces médicaments est généralement déconseillée au cours de l’allaitement. Elle est même contre-indiquée pour la lamotrigine.
Personnes âgées
Les posologies initiales et moyennes sont le plus souvent réduites, mais essentiellement en rapport avec l’existence d’un certain degré d’insuffisance rénale.
Insuffisance rénale et hépatique
Pour la plupart des produits, une adaptation posologique est nécessaire en cas d’insuffisance rénale (guidée par la clairance à la créatinine) ou hépatique (même modérée), sous surveillance particulière.
Vigilance requise !
Contre-indications absolues
Hépatites aiguës et chroniques ainsi qu’insuffisance hépatique pour de nombreux produits ; bloc auriculo-ventriculaire et antécédents d’hypoplasie médullaire (carbamazépine) ; une porphyrie ou une insuffisance respiratoire sévère (phénobarbital).
Le clonazépam est contre-indiqué dans la myasthénie ainsi qu’en cas de syndrome d’apnée du sommeil ou d’insuffisance respiratoire sévère.
Les effets indésirables qui doivent alerter
Ils diffèrent sensiblement d’un produit à l’autre, mais une somnolence, une asthénie, voire des étourdissements sont communément observées dans cette classe. Il en est de même d’une humeur dépressive et d’une certaine nervosité-irritabilité. La prudence s’impose donc chez les patients, du fait du traitement, lors de la conduite d’un véhicule ou l’utilisation de machines.
Il en est de même de certains troubles digestifs (dyspepsies, nausées, vomissements, diarrhées), cédant souvent avec la poursuite du traitement, et hépatiques (cytolyse, cholestase). Une prise de poids n’est pas rare.
Le phénobarbital et le topiramate, notamment, peuvent induire des troubles de la coordination et de l’équilibre.
Le clonazépam peut induire une amnésie antérograde, ainsi qu’une dépendance physique et psychique.
Des anomalies du champ visuel d’intensité légère à sévère (rétrécissement concentrique bilatéral), et aussi une vision trouble ou double, surviennent fréquemment sous vigabatrine, parfois après des mois ou années de traitement.
Des éruptions cutanées (ex : syndrome DRESS*) peuvent survenir et conduire à alerter sans délai le prescripteur : carbamazépine, lamotrigine, gabapentine, pérampanel...
Signalons enfin que des altérations de la formule sanguine sont possibles : acide valproïque, phénytoïne, tiagabine, lamotrigine, carbamazépine, éthosuximide.
Les interactions médicamenteuses
Elles sont assez nombreuses, sauf exception. Notamment parce qu’il existe de nombreux inducteurs enzymatiques des cytochromes P450 parmi les antiépileptiques « classiques » (phénytoïne, carbamazépine, phénobarbital, primidone) ; l’oxcarbazépine est un inducteur faible.
Les interactions entre antiépileptiques étant fréquentes, la mise en œuvre d’associations doit donc toujours être entourée de grandes précautions.
Certains antiépileptiques diminuent l’efficacité des œstroprogestifs ou seulement des progestatifs utilisés comme contraceptifs par augmentation de leur métabolisme hépatique : phénobarbital, carbamazépine, oxcarbazépine, topiramate, lamotrigine…
Le lévétiracétam se distingue par l’absence d’interaction avec les autres antiépileptiques (ni avec les contraceptifs oraux) et que ceux-ci n’ont pas d’influence non plus sur sa pharmacocinétique.
La phénytoïne et la carbamazépine risquent d’induire une hypothyroïdie en raison d’une augmentation du métabolisme des hormones T3 et T4.
Enfin, la plupart des antiépileptiques contre-indiquent ou déconseillent fortement l’absorption de boissons alcoolisées.
*Ce syndrome (drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms) – synonyme de syndrome d’hypersensibilité - est une toxidermie grave se traduisant par l’association d’une fièvre élevée, d’un rash cutané avec œdème du visage et d’une polyadénopathie. Il est marqué par une forte létalité, de l’ordre de 10 %.
Arrêter un traitement antiépileptique : quand, comment ?
S’il est parfois envisageable d’arrêter un (ou plusieurs) médicament antiépileptique en l’absence de crises depuis plusieurs années, lorsque l’épilepsie n’est plus spontanément active ou après chirurgie de l’épilepsie, la diversité des situations rend cette approche complexe et nécessite une analyse au cas par cas. Le point clé est l’évaluation du risque de récidive de crises épileptiques, qui varie en fonction du type d’épilepsie.
Le risque inhérent au patient doit également être pris en compte, notamment parce que pour un même syndrome épileptique, la sévérité varie d’un patient à l’autre.
Exemples de facteurs pris en compte : sexe, antécédents de convulsions fébriles, antécédent familial d’épilepsie, âge de survenu, durée de l’épilepsie avant rémission sous traitement…
Il existe un calculateur de risque individuel.
En pratique
Une rémission complète des crises sous traitement pendant au moins 2 ans est essentielle.
Deux examens doivent être réalisés : EEG et IRM cérébrale.
Une décroissance très progressive des doses est obligatoire sur 2 à 3 mois par paliers de 2 semaines.
Deux stratégies sont possibles :
- Arrêt définitif et complet en 2 à 3 mois ;
- Arrêt partiel « prudent » dans lequel 50 % de la dose initiale est maintenue pendant 6 mois à 1 an, suivi d’une reprise de la décroissance en l’absence de récidive.
Testez-vous !
1. Quelle est l’indication de la carmabazépine ?
a. Épilepsies généralisées ;
b. Épilepsies partielles ;
c. Épilepsies généralisées et épilepsies partielles.
2. Citez un antiépileptique contre-indiquant une contraception œstroprogestative :
a. Acide valproïque ;
b. Lamotrigine ;
c. Oxcarbazépine.
3. Quel est l’antiépileptique susceptible d’induire un rétrécissement du champ visuel ?
a. Vigabatrine ;
b. Topiramate ;
c. Pérampanel.
4. Quelle est l’affirmation vraie ?
a. La carbamazépine diminue l’efficacité de la contraception hormonale ;
b. L’arrêt d’un traitement antiépileptique doit s’étaler sur au moins 6 mois ;
c. Une éruption cutanée au cours d’un traitement antiépileptique doit conduire à une rapide consultation médicale.
5. Quel est l’antiépileptique souvent utilisé au cours de la grossesse ?
a. Lévétiracétam ;
b. Gabapentine ;
c. Tiagabine.
Réponses : 1. c) ; 2. b) et c) ; 3. a) ; 4. a) et c) ; 5. a).
À retenir
- Un traitement antiépileptique est toujours initié en monothérapie et à une dose faible, qui est progressivement augmentée.
- Une contraception est souvent nécessaire durant toute la durée du traitement.
- Une grossesse chez une patiente épileptique doit faire l’objet d’un suivi médical rigoureux et doit être programmée, dans toute la mesure du possible. Elle nécessite souvent un changement ou une adaptation du traitement.
- L’insuffisance rénale et l’insuffisance hépatique entraînent le plus souvent une adaptation posologique.
- Les antiépileptiques exposent à de nombreux effets indésirables, le plus souvent dose-dépendants, tout comme leur activité, ainsi qu’à diverses interactions médicamenteuses.
- Les produits récents bénéficient souvent d’une meilleure tolérance et exposent à moins d’interactions médicamenteuses.
- Leur utilisation implique une surveillance clinique et biologique régulière, variable selon les produits.
- Un traitement antiépileptique ne doit pas être arrêté brutalement, mais très progressivement.
Le patient type
L’épilepsie est une pathologie cérébrale se manifestant par la répétition de crises spontanées dues à l’activation subite, synchrone et anormalement intense d’un groupe de neurones du cortex cérébral.
On distingue deux grands types de crises : les crises partielles qui ne concernent qu’un groupe de neurones conduisant à des manifestations focales (crises partielles simples) ou avec une altération de l’état de conscience (crises partielles complexes) et les crises généralisées qui concernent l’ensemble des neurones du cerveau conduisant à une perte de l’état de conscience brève (absence) ou prolongée avec des activités motrices convulsives (crise généralisée tonico-clonique).
Le diagnostic implique la survenue d’au moins deux crises non provoquées espacées de plus de 24 heures.
Outre l’interrogatoire, le diagnostic s’appuie sur l’électroencéphalogramme (standard ou de sommeil) avec vidéo, l’IRM (identification de causes chirurgicalement curatrices), l’ECG (pour détecter un éventuel QT long congénital ou un trouble du rythme cardiaque).
Le pic maximal d’apparition de l’épilepsie se situe dans l’enfance (la moitié se manifeste avant l’âge de 10 ans), un autre pic étant identifié chez les sujets âgés.
Certaines formes apparues dans l’enfance disparaissent à l’âge adulte. Mais, en dehors de ces cas favorables, le traitement antiépileptique une fois initié est souvent un traitement de toute une vie. Une interruption peut néanmoins parfois être envisagée.
Le choix de la molécule dépend du diagnostic électro-clinique, des types de crises d’épilepsie, de l’âge et du sexe du patient.
Le traitement commence par une monothérapie. Il est recommandé de passer à une bithérapie après deux monothérapies insuffisamment efficaces.
Attention chez la femme en âge de procréer aux possibles interactions entre antiépileptiques et contraceptifs.
Les antiépileptiques inducteurs enzymatiques diminuent l’efficacité de la contraception d’urgence (un DIU au cuivre est alors la méthode recommandée).
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