PLFSS 2024

Le texte définitif adopté par le Parlement

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Publié le 15/12/2023
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Sans présager du sort réservé au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 par le Conseil constitutionnel, le texte a été définitivement adopté le 4 décembre par le Parlement au terme de son parcours entre les deux chambres et l’usage répété de l’article 49.3 de la Constitution par la Première ministre, Élisabeth Borne. Si les syndicats de pharmaciens reconnaissent « des avancées majeures » pour la profession, ils restent dubitatifs sur le volet économique.
Plusieurs mesures se penchent sur le fléau des pénuries de médicaments

Plusieurs mesures se penchent sur le fléau des pénuries de médicaments
Crédit photo : BURGER / PHANIE

La déception prédomine à l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine. Son président, Pierre-Olivier Variot, déplore que des mesures du PLFSS 2024 soient « particulièrement éloignées des problématiques pratiques et financières de notre système de santé et ne répondent pas aux attentes des patients ». Et que ce texte n’apporte finalement « aucune solution » mais « de nouvelles complexités ». À la Fédération des syndicats de pharmacies de France (FSPF), une pointe de déception est aussi perceptible, en particulier sur le volet économique. Bien que le gouvernement parle d’une augmentation de l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM), celui-ci « va être très compliqué à tenir au vu de l’inflation ». Pour Philippe Besset, président de la FSPF, il y a « une insuffisance de ressources pour la santé » désormais chronique depuis « les 15 ou 20 dernières années ». Revue de détails.

• Délivrance directe de certains médicaments après réalisation d’un test

C’est la mesure emblématique de ce PLFSS pour les pharmaciens. Elle vise à permettre la dispensation d’antibiotiques après la réalisation d’un test angine ou cystite dont le résultat est positif, mais sa rédaction ouvre le champ des possibles. L’article laisse en effet au ministre de la Santé, après avis de la Haute Autorité de santé (HAS), le soin de fixer « la liste des médicaments concernés, des indications associées, des tests d’orientation diagnostique à réaliser et les résultats à obtenir pour délivrer sans ordonnance ces médicaments », et au conseil d’État celui d’en fixer les conditions. La tarification de ces « prestations » doit être déterminée par la convention, et dans l’attente de « nouvelles stipulations conventionnelles », le ministre de la Santé la fixera par arrêté, sur proposition du directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (UNCAM). L’USPO se réjouit de « la possibilité de prescrire certains médicaments ». Pour la FSPF, il est important de souligner qu’une « liste de médicaments accessibles au remboursement sur prescription pharmaceutique » est en train de voir le jour.

• Substitution biosimilaire

Supprimé du projet de loi avant sa présentation en conseil des ministres fin septembre, au prétexte que l’article relevait d’un cadre réglementaire, il a finalement été réintégré au PLFSS par le biais d’un amendement d’Alain Milon en première lecture au Sénat. Bien que l’amendement gouvernemental ait été retoqué, c’est bien celui-là qui a été retenu après usage du 49.3 en 2e lecture à l’Assemblée nationale, et non celui du sénateur Milon. Philippe Besset estime qu’il s’agit d’un apport essentiel et même « game-changing » pour les négociations conventionnelles avec l’assurance-maladie. Cependant, Pierre-Olivier Variot regrette le manque d’ambition de cette mesure qui autorise la substitution deux ans après la commercialisation d’un biosimilaire, sauf avis contraire de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) : « La substitution des biosimilaires représente un potentiel d’économie important pour les comptes de la Sécurité sociale et le Gouvernement refuse de s’en saisir ! »

• Dispositif de lutte contre les pénuries

Plusieurs mesures se penchent sur les pénuries de médicaments. Ainsi, en cas de rupture d’approvisionnement, un arrêté du ministre de la Santé peut imposer l’usage de l’ordonnance de dispensation conditionnelle ou la délivrance de médicaments à l’unité, limiter ou interdire la prescription de certains médicaments par un acte de télémédecine. De plus, en cas de rupture de stocks ou d’arrêt de commercialisation, il peut autoriser les pharmacies d’officine à délivrer des préparations hospitalières spéciales, de même qu’il peut autoriser les officines qui fabriquent habituellement des préparations magistrales à réaliser des préparations officinales spéciales. Celles-ci, qui ont vu le jour l’hiver dernier lors de précédentes pénuries, sont donc désormais encadrées par la loi. « Ce sont des dispositifs de bon aloi sauf un : la dispensation à l’unité (DAU). Nous n’avons pas réussi à convaincre les parlementaires du caractère débile de cette mesure, alors qu’il suffirait que les boîtages des médicaments respectent l’autorisation de mise sur le marché », explique Philippe Besset. Pierre-Olivier Variot exprime le même regret : « Cela ne résoudra pas le problème des pénuries de médicaments » et ne permettra « pas d’assurer la sécurité de la dispensation ».

• Une DAU possible hors pénurie

Un autre article du PLFSS prévoit que « la délivrance de certains médicaments en officine, lorsque leur forme pharmaceutique le permet, peut se faire à l’unité ». De même, pour les dispositifs médicaux et les produits de santé autres que des médicaments, la délivrance « peut être limitée aux besoins nécessaires à la durée du traitement ». Pour cela, le ministre de la Santé doit établir la liste des produits concernés. « Cet article est inapplicable en pharmacie et il introduit une rupture d’égalité en omettant complètement les prestataires de services à domicile (PSAD) », déplore l’USPO.

• Cotisations des indépendants

Retirée, réintégrée, modifiée… La réforme du calcul des cotisations des professions indépendantes vise à rééquilibrer l’assiette sociale entre indépendants et salariés. Mais d’après la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP), un quart des titulaires serait pénalisé par des cotisations supplémentaires de l’ordre de 3 000 à 4 000 euros. « Cet article pénalisera fortement les pharmaciens qui seront les principaux contributeurs de cette réforme malgré un contexte économique déjà dégradé », dénonce, pour sa part, Pierre-Olivier Variot.

• Et les franchises ?

Toujours absente du texte final, la hausse des franchises médicales et des participations forfaitaires des assurés, envisagée par le gouvernement, fera l’objet d’une décision ultérieure qui « n’est pas prise » à ce stade, a assuré le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau. Seule concession accordée par le gouvernement : l’amendement sénatorial imposant la consultation des deux chambres sur le sujet a été conservé après passage du 49.3.

Mélanie Mazière

Source : Le Quotidien du Pharmacien