Avec leurs officines ouvertes envers et contre tout lors du premier confinement, l’adaptation au pied levé et au jour le jour aux contraintes de l’épidémie, l’engagement sans faille dans le dépistage et la vaccination contre le Covid, les pharmaciens ont gagné la reconnaissance des usagers de la santé.
« La crise a été un révélateur de ce que nous prévoyions depuis des années, à savoir que le système de santé s’essouffle et ne répond plus à l’ensemble des attentes des citoyens », souligne le président de France Assos Santé, Gérard Raymond. Mais alors que l’offre de soins de premier recours peut parfois se montrer défaillante, elle compte une exception : la pharmacie d’officine, toujours accessible, sans rendez-vous, capable de conseiller, orienter, dépister et désormais vacciner. « La convention qui vient d’être signée montre que le pharmacien est prêt. Il faut maintenant lui donner les moyens de ses ambitions », ajoute Gérard Raymond.
La clé, pour Félicia Ferrera-Bibas, vice-présidente officine de la Société française de pharmacie clinique (SFPC), c’est justement la pharmacie clinique, qui fait du patient « un partenaire du projet de soins et non un objet ou un sujet de soins ». C’est tout l’enjeu de la nouvelle convention pharmaceutique qui entérine, explique Pierre-Oliver Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) « un énorme élargissement métier (…) qui ne fait que répondre aux besoins et attentes du patient ». Un patient qui, d’après Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), veut « tout et tout de suite, et il a raison : il veut être servi rapidement, avoir une réponse immédiate à sa demande et bénéficier d’un travail bien fait avec une garantie de sécurité ». Ce que l’officine est en mesure de fournir même si, regrette le syndicaliste, « il y a des choses qu’on ne peut pas faire ».
Maître du jeu
Dans certains cas, des missions pourraient faire l’objet d’un transfert de tâches du médecin vers le pharmacien, en accord avec le patient. « Trouver une solution dans la limite de nos prérogatives et compétences, c’est ce que nous voulons faire à travers la convention. Le numérique va nous y aider, notamment pour la coordination des soins qui reste encore imparfaite, poursuit Philippe Besset. Nous ne sommes pas opposés à l’approche populationnelle des CPTS ou au partage de patientèle des MSP mais nous voulons aussi une coordination des soins autour du patient, ce qui passe par les ESCAP*. » Un modèle que l’assurance-maladie accepte avec peine. Pourtant, rebondit Pierre-Olivier Variot, « deux professionnels de santé autour d’un patient c’est déjà de la coordination ». Dans tous les cas, remarque Benoît Laury, vice-président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF), il est essentiel de « travailler en coordination pour savoir orienter le patient ».
Outre ces protocoles de délégation de tâches, Luc Besançon, délégué général de l’association Nouvelle ère en santé (NèreS) imagine un élargissement des produits conseil disponibles sans ordonnance par le biais de délistages, avec une meilleure information des différents professionnels de santé, grâce à l’inscription systématique des délivrances dans l’espace numérique en santé. « Ce n’est pas négligeable car on a chaque année 310 millions de visites en pharmacie pour acheter un produit sans ordonnance. » Gérard Raymond ne cache pas qu’il attend beaucoup de cet outil numérique. « La loi du 4 mars 2002 a consacré le droit des patients face à des médecins qui refusaient de leur donner leurs informations de santé. Vingt ans plus tard avec Mon Espace Santé, c’est le patient qui a toutes ses données et qui décide de les partager avec les professionnels de santé. Avant il fallait que j’écoute le professionnel de santé et me voilà tout d’un coup maître du jeu, celui qu’on écoute. C’est une véritable révolution ! »
* CPTS : communautés professionnelles territoriales de santé ; MSP : maisons de santé pluridisciplinaires ; ESCAP : équipes de soins coordonnées autour du patient.
D'après une table ronde du « Quotidien du Pharmacien » au salon PharmagoraPlus.
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