Le Quotidien du pharmacien.- Biogaran s’est engagé très tôt en faveur de la substitution biosimilaire par le pharmacien. Pourquoi ce choix tranché ?
Jérôme Wirotius.- Biogaran a toujours eu à cœur de soutenir et de porter toutes les initiatives qui permettent de renforcer le rôle du pharmacien. C’est pourquoi il a été le premier à s’engager en faveur du rôle du pharmacien dans l’accompagnement des patients lors de la délivrance et la substitution de biosimilaires, une substitution prévue par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2014 mais qui n’a malheureusement jamais vu le jour, faute de décret d’application, avant d’être totalement retirée de la loi. Nous estimons que le pharmacien peut avoir une position centrale dans le renforcement de la qualité d’accompagnement, notamment dans le cadre du développement de l’ambulatoire qui peut créer un effet de solitude chez les patients. C’est une mission à valeur ajoutée qui entre parfaitement dans son périmètre. Le médecin décide avec son patient du protocole de traitement, et c’est ensuite au pharmacien, expert du médicament, de proposer un accompagnement de qualité dans les biosimilaires afin de répondre au besoin des patients.
La substitution biosimilaire fait son retour par le biais du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 qui vient d’être voté par l’Assemblée nationale et commence à être examiné par le Sénat. Cette substitution limitée à une liste qui ne contient actuellement que deux molécules vous paraît-elle légitime ?
L’obtention officielle du droit de substitution biosimilaire par le pharmacien dans la future LFSS est une avancée historique, même si c’est par la petite porte avec peu de molécules : à ce stade sont évoqués le pegfilgrastim et la somatropine. C’est un début. Dans sa rédaction actuelle le PLFSS ne prévoit pas de limiter systématiquement la substitution à l’initiation du traitement et, le ministre de la Santé Olivier Véran l’a confirmé, cette liste a vocation à être élargie, et plutôt rapidement. Ce sont trois éléments dont il y a lieu de se réjouir.
Pensez-vous que cette mesure est suffisante pour atteindre l’objectif de 80 % de taux de pénétration des biosimilaires, actuellement de 69 % à l’hôpital et de 23 % en ville, fixé par la stratégie nationale de santé pour 2022 ?
Il y a une prise de conscience, compte tenu des enjeux et des économies à réaliser, de la nécessité d’améliorer le taux de pénétration des biosimilaires. Biogaran soutient l’idée d’additionner les forces, aussi bien à l’hôpital qu’en ville, avec les différents professionnels de santé, et surtout d’éviter des « couloirs de nage » avec une liste pour les médecins sur laquelle le pharmacien ne pourrait agir et inversement. Ce que l’on veut c’est que, pour chacun des traitements, l’ensemble des professionnels de santé pouvant contribuer à renforcer le taux de pénétration des biosimilaires puisse jouer un rôle et qu’il n’y ait pas d’exclusion.
Pour atteindre l’objectif de 80 % le plus vite possible, il faut lever certaines limites. Par exemple à l’hôpital, les incitations à prescrire des biosimilaires ont très bien fonctionné dans les établissements qui ont choisi de participer. Mais rien qu’en Île-de-France, seulement 16 % des hôpitaux ont été intéressés sur le dispositif de droit commun. Maintenant les médecins libéraux vont être impliqués par le biais d’intéressements à porter plus haut les biosimilaires avec six molécules prévues dans leur convention, et donc les pharmaciens par la future LFSS avec deux molécules. Nous pensons que les débats au Sénat pourraient permettre de renforcer le dispositif afin d’accélérer l’atteinte de l’objectif de 80 %.
Selon vous, les pharmaciens sont-ils prêts pour cette nouvelle mission ?
Les pharmaciens sont prêts à s’engager. On l’a vu avec l’initiative du groupement Totum et son expérimentation positive menée fin 2019, qui a démontré d’une part la capacité des pharmaciens à améliorer sensiblement la pénétration de l’énoxaparine (Lovenox) et d’autre part la très grande satisfaction des patients. On le voit avec la charte d’engagement de bonnes pratiques de dispensation des médicaments biosimilaires de l’Observatoire national des biosimilaires, soutenue par la Société francophone des sciences pharmaceutiques officinales (SFSPO) et signée par de nombreux groupements qui représentent près de 18 000 pharmacies. Les pharmaciens sont prêts à s’engager sur une charte exigeante concernant l’accompagnement des patients.
Enfin, les syndicats de pharmaciens cherchent à obtenir et obtiennent, en toute légitimité, de nouvelles missions, que ce soit pour la vaccination au sens large, l’accompagnement dans les biosimilaires ou dans la chimiothérapie orale. Cela veut dire des entretiens de qualité dédiés au patient et donc un haut niveau de formation car ils concernent des pathologiques délicates et parfois complexes. Pour ce qui est des biosimilaires, on parle actuellement de deux molécules substituables mais même sans limitation, on compte aujourd’hui moins de 15 molécules biosimilarisées. Or il est assez simple pour le pharmacien et son équipe de se former sur une dizaine d’aires thérapeutiques différentes. Le marché est beaucoup moins éclaté que celui du générique.
Biogaran va-t-il accompagner les pharmaciens dans cette formation aux médicaments biologiques ?
Nous serons des facilitateurs. Il faut un travail commun collectif avec toutes les parties prenantes pour s’assurer d’un contenu très qualitatif. Nous pourrons le mettre à disposition, par exemple à travers notre plateforme Vision Patient, et sensibiliser les pharmaciens par le biais de nos équipes.
Vous avez succédé à Pascal Brière à la tête de Biogaran en début d’année, avec pour objectif de développer le marché des biosimilaires en ville. Comment comptez-vous vous y prendre ?
Notre première action a été d’identifier les partenaires potentiels pour nous accompagner dans le déploiement des biosimilaires sur le marché français. Cela nous a permis de travailler avec les meilleurs partenaires pour avoir à notre disposition, grâce à des alliances stratégiques, quasiment l’ensemble des traitements disponibles. Biogaran était présent jusqu’alors sur le marché de ville avec Crusia (énoxaparine) et Cegfila (pegfilgrastim). Ce dernier devrait donc faire partie de la liste des biosimilaires substituables par le pharmacien. Pour les autres molécules, nous attendons de voir comment évoluent les conditions de déploiement des biosimilaires en France.
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