Forsteo est un traitement de l’ostéoporose développé par le Laboratoire Lilly et dont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en Europe date de juin 2003. Sa molécule, le tériparatide, est un fragment de la chaîne peptidique constitué des 34 premiers acides aminés de l’hormone parathyroïdienne (PTH). Pour le fabriquer, il est possible d’utiliser un procédé biologique en le produisant sur Escherichia coli par la technologie de l’ADN recombinant, ou bien d’en faire la synthèse chimique. Forsteo est fabriqué selon un procédé biologique. En toute logique, les premières copies de ce médicament suivent le même processus de fabrication. C’est le cas de Movymia et Terrosa, premiers biosimilaires de Forsteo, dont l’AMM européenne date de 2017 et mis respectivement sur le marché par Stada/EG Labo et par Gedeon Richter/Arrow Generics, et plus récemment de Livogiva (Theramex – AMM en 2020).
Mais voilà qu’une copie de Forsteo est en train d’arriver dans les pharmacies françaises avec le statut générique : Tériparatide Biogaran. « Notre médicament est issu de la synthèse chimique, ce n’est donc pas un médicament biologique, c’est de fait un générique d’un médicament de référence qui lui est biologique. Cela peut paraître assez troublant étant donné le cadre réglementaire existant », explique Jérôme Wirotius, directeur général de Biogaran.
Le tériparatide de Biogaran étant de synthèse chimique, le laboratoire a présenté des études de bioéquivalence pour obtenir le statut générique, il n’a pas eu à prouver sa similarité (études précliniques et cliniques de phase 1 et 3) comme c’est le cas pour un biosimilaire. En France, un arrêté paru le 3 février dernier l’inscrit officiellement au remboursement (prise en charge à 65 %) et fixe son prix à 201,51 euros PPTTC. Et un groupe générique a été créé pour lui le 10 novembre 2020. Un autre médicament générique de Forsteo l’a rejoint depuis mais il n’est pas encore commercialisé : Tériparatide Welding.
Substitution légitime
Conséquence directe en officine : alors que le droit de substitution biosimilaire devrait de nouveau être autorisé en janvier prochain mais pour une liste limitée de molécules à laquelle ne figure pas, à ce stade, le tériparatide, le pharmacien peut donc dès aujourd’hui substituer Forsteo par Tériparatide Biogaran, mais il lui est interdit de le faire avec l’un des trois biosimilaires disponibles. « Cela montre bien la légitimité du pharmacien à substituer ces molécules qui sont finalement peu complexes, souligne Jérôme Wirotius. À titre d’exemple, les copies de Lovenox (énoxaparine) aux États-Unis sont considérées comme des génériques et non des biosimilaires. » Les équipes de Biogaran sur le terrain réalisent un travail de pédagogie pour expliquer le statut particulier du Tériparatide de Biogaran et les conséquences réglementaires.
Avant Biogaran, une autre copie du tériparatide fabriquée par synthèse chimique avait tenté une incursion en Europe, obtenant une AMM en 2017 par le biais d’une procédure décentralisée valable dans 17 pays dont l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni. Ce Tériparatide Teva, qui semble avoir ouvert la voie à la fabrication par un procédé chimique, avait cependant un statut un peu différent, celui de médicament hybride. En France, il n’a cependant jamais été inscrit au répertoire des génériques et n’a, semble-t-il, pas été commercialisé. Selon un article paru dans le « Journal of Bioequivalence & Bioavaibility » le 21 mai dernier, Tériparatide Teva a bien joué le rôle d’un générique en Espagne, avec substitution possible par le pharmacien. En Italie, où un système de répertoire générique existe comme en France sous le nom de « listes de transparence », le médicament de Teva y a bien été inclus tout comme le princeps, Forsteo, autorisant la substitution du second par le premier mais pas par les autres biosimilaires qui, du fait de leur exclusion de ces listes, ne pouvaient être pris en charge par le système de santé. Ce qui a poussé l’agence du médicament italienne à revenir sur sa décision en avril 2020 et à exclure Tériparatide Teva et Forsteo des listes de transparence.
Produits frontières
Selon le directeur général du Laboratoire Biogaran, ce type de cas va être amené à se présenter de nouveau car « beaucoup de princeps arrivant à échéance brevetaire dans les 2 ou 3 ans à venir sont des produits à la frontière entre des procédés de fabrication chimique et biologique, leurs copies seront donc à la frontière entre les statuts de générique et de biosimilaire ». C’est pourquoi un éclaircissement de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sur les médicaments hybrides est attendu impatiemment par Jérôme Wirotius.
Mais d'après Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du GEMME, l’association des fabricants de génériques et de biosimilaires, la définition retenue pour les médicaments hybrides ne recouvre a priori pas le cas du tériparatide. Elle figure à l'article L.5121-1 du Code de la santé publique qui édicte qu’une spécialité hybride d’une spécialité de référence « ne répond pas à la définition d'une spécialité générique parce qu'elle comporte par rapport à la spécialité de référence des différences relatives aux indications thérapeutiques, au dosage, à la forme pharmaceutique ou à la voie d'administration, ou lorsque la bioéquivalence par rapport à cette spécialité de référence n'a pu être démontrée par des études de biodisponibilité ». Il n’en reste pas moins que le GEMME appelle de ses vœux la reprise des travaux autour des médicaments hybrides, retardés par la crise, et surtout la parution de deux arrêtés nécessaires « pour qu’on puisse commencer à inscrire des spécialités au répertoire des médicaments hybrides ».
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