Selon une enquête menée par le think tank biosimilaires à travers les réseaux sociaux d’associations de patients, les 120 patients répondants sont contre tout changement de leur biomédicament de référence par un biosimilaire (71 %). Seulement 26 % envisagent l’interchangeabilité par un autre médecin prescripteur et 4 % la substitution par le pharmacien.
Y aurait-il des biais à cette enquête ? C’est la question posée par Matthieu Gauthier, pharmacien et directeur médical du groupement Totum, qui suivait la présentation des résultats. Car chez Totum, l’engagement du pharmacien dans le développement des biosimilaires est une évidence. Le groupement a mené l’expérience en 2019 : en deux mois et demi, 78 pharmaciens ont multiplié par 8 le taux de pénétration de l’énoxaparine (Lovenox) en proposant la substitution au comptoir et les 409 patients concernés se sont déclarés satisfaits (98,8 %) des informations et explications délivrées par le pharmacien. Des résultats diamétralement opposés à ceux présentés par le think tank.
Retrait de Giphar
Pour Rémy Petitot, responsable des affaires publiques chez Biogaran, premier génériqueur à avoir défendu la substitution biosimilaire, le biais de l’enquête est évident : « Étant donné que l’écrasante majorité des répondants a reçu une prescription initiale hospitalière, comment s’étonner qu’ils n’aient pas reçu d’information adéquate de la part de leurs professionnels de ville, dont le pharmacien, puisqu’on refuse par ailleurs à ces derniers toute implication dans le développement des biosimilaires ? » Alain Olympie, directeur de l’Association François-Aupetit (AFA Crohn RCH France) reconnaît ce possible biais, mais « le savoir » sur les biosimilaires n’est de toute façon « pas chez le pharmacien », prévient-il. Un constat partagé auquel la profession est en train de remédier par le biais d’outils d’accompagnement et formation.
Le président de Giphar devait initialement commenter les résultats de l’enquête du think tank. Mais deux jours avant le colloque, le groupement a annoncé son retrait du cercle de réflexion parce que « les intérêts industriels (y) sont privilégiés au détriment de propositions concrètes visant à améliorer l’accompagnement, la bonne observance et la compréhension des traitements par les patients ». Regrettant que « le rôle du pharmacien dans l’interchangeabilité et la substitution des biosimilaires ne soit pas suffisamment au cœur des réflexions du think tank », il ne souhaite pas y apporter sa caution. C’est finalement Franck Devulder, gastro-entérologue et président de la branche spécialistes de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF), qui a endossé le rôle de grand témoin du colloque. Ce qui lui a permis de rappeler son opposition à la substitution biosimilaire et son attachement à la décision médicale partagée entre le médecin et le patient.
Effet nocebo
Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 arrive devant l’Assemblée nationale le 12 octobre et qu’il prévoit le retour du droit de substitution biosimilaire par le pharmacien dans un cadre restreint, Sonia Tropé, directrice de l’Association nationale de défense contre l'arthrite rhumatoïde (ANDAR), souligne que la position du think tank biosimilaires a évolué au fil du temps. Si la décision médicale partagée reste « le fil rouge », il est désormais ouvert « à une possible substitution » sur certaines molécules qui ne sont pas à prescription hospitalière, « à déterminer avec les sociétés savantes et toutes les parties prenantes ».
Si les pharmaciens regrettent cette limitation envisagée dans le PLFSS à une liste de molécules fixée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui n’en compte pour le moment que deux, Jean-Philippe Alosi, directeur des affaires publiques et gouvernementales chez Amgen France trouve que « le dispositif tel qu’il est proposé va dans le bon sens » et salue le « garde-fou » constitué par la liste de l’ANSM. Mais dans tous les cas, insiste Franck Devulder, les biothérapies complexes doivent rester « non substituables » au risque de voir apparaître un effet nocebo chez les patients. Il appelle les médecins à s’engager dans la prescription biosimilaire « pour écarter la substitution automatique » par le pharmacien.
* Il réunit les laboratoires Accord, Amgen, Biogen et Sandoz, ainsi que les associations de patients suivantes : AFA Crohn RCH France, Association France Spondyloarthrites (AFS), Association française du lupus et autres maladies auto-immunes (AFL+), Association nationale de défense contre l’arthrite rhumatoïde (ANDAR), Fédération française des diabétiques (FFD), France psoriasis et Ligue française contre la sclérose en plaques (LFSEP).
A la Une
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine
Médication familiale
Baisses des prescriptions : le conseil du pharmacien prend le relais
Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens
Retraite des pharmaciens : des réformes douloureuses mais nécessaires