C'est une commission paritaire nationale (CPN) particulièrement tendue qui s'est tenue ce 16 décembre. Ruptures, lourdeur administrative, indus… les syndicats ont tenté d'alerter l'assurance-maladie sur l'exaspération qui gagne la profession, en espérant avoir été entendus.
C'est une fin d'année 2022 particulièrement compliquée que vivent actuellement les pharmaciens. Ce 16 décembre, la tenue de la commission paritaire nationale, en présence de la CNAM et de l'UNOCAM, a été l'occasion pour les syndicats d'égrainer l'ensemble des problèmes qui pourrissent actuellement la vie des officinaux. « Les pharmaciens en ont ras le bol, résume Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Confrontés aux ruptures sur des médicaments pédiatriques, nous sommes obligés de refuser des traitements à des patients, c'est insupportable. Nous devons faire face à des patients désemparés, en particulier les pharmacies de garde les nuits et le week-end. Quand le ministre de la Santé parle, il doit dire que les ruptures sont avérées et ne sont pas de la faute des pharmaciens, demande le président de la FSPF. À cela s'ajoute la fatigue des équipes, les problèmes d'indus, les difficultés à cause de l'informatique, de procédure, ajoute-t-il… On a l'impression de porter le système à bout de bras. Nous avons dit à l'assurance-maladie que ce n'était plus possible », détaille le président de la FSPF, particulièrement remonté. Son confrère de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), Pierre-Olivier Variot est dans le même état d'esprit. « Exaspération et fatigue, ce sont les deux mots qui résument ce que vivent les pharmaciens en ce moment », confirme-t-il.
Lors de cette CPN, le président de l'USPO n'a pas manqué l'occasion de rappeler son vif agacement concernant l'amendement au PLFSS pour 2023 sur les produits de contraste. « On apprend que cela fait plus d'un an que des discussions ont lieu avec les radiologues dans notre dos, c'est un manque total de respect de la vie conventionnelle. Sur les biosimilaires, on veut continuer à faire de qui ne marche pas, regrette-t-il par ailleurs. Sur ce sujet, on a l'impression qu'on essaie de monter les professionnels de santé les uns contre les autres alors que l'on devrait tout faire pour favoriser la substitution. »
Autres sujets qui génèrent de l'agacement de Pierre-Olivier Variot : l'attitude de certains médecins, absents ou malades, qui demandent aux pharmaciens de renouveler des traitements en dehors de tout cadre légal (ce qui empêche des patients d'avoir accès à leur traitement), ou encore les innombrables incidents avec les indus liés au tiers payant. « On en a marre de perdre du temps pour des choses qui devraient bien fonctionner, je dois remonter des incidents à la CNAM tous les deux jours », déplore Pierre-Olivier Variot, ulcéré également par la surcharge administrative que subissent les officinaux. « Nous avions demandé un choc de simplification administrative, rappelle le président de l'USPO. On ne cesse de rajouter des couches, la mise en place du dépistage du cancer colorectal a été ralentie parce qu'on a voulu rajouter une formation obligatoire. Maintenant, on veut nous demander la même chose pour les TROD… Quand le Paxlovid est sorti, a-t-on demandé aux médecins de suivre une formation ? La réponse est non. Peut-être que si nous l'avions fait, ce médicament aurait été davantage utilisé », fait-il remarquer, non sans ironie.
Le dossier des formations chronophages qui ralentissent la mise en place des nouvelles missions est loin d'être refermé cependant. « On va prendre du retard sur le déploiement des nouvelles missions, annonce déjà Philippe Besset. Les vaccinations Covid et grippe en pharmacie fonctionnent très bien, les chiffres le prouvent. Là, on se rend compte, pour les rappels aux adultes, qu'il va falloir un arrêté, un décret, que les agences soient consultées… Une formation obligatoire va être demandée pour que le pharmacien puisse prescrire les rappels vaccinaux aux adultes et le problème c'est que l'on n’est pas en mesure de nous donner un calendrier… », s'agace le président de la FSPF, particulièrement insatisfait par cette situation.
Mesure saluée par les deux syndicats, la possibilité pour les mineurs et les 18-25 ans de bénéficier de préservatifs gratuits en officine, pourrait elle aussi être source de contrariétés. Si les règles de délivrance doivent encore être officialisées, elles devraient être relativement simples, c'est sur un autre point que cela pourrait coincer. « On sait que les deux marques de préservatifs qui ont été choisies connaissent souvent des problèmes de rupture… », alerte déjà Philippe Besset.
Pour Pierre-Olivier Variot, les pouvoirs publics doivent impérativement prendre la mesure du niveau d'exaspération et de fatigue des officinaux. « Maintenant, il faut nous écouter, ce serait dommage d'envoyer la profession dans la rue en janvier. Pour l'instant la colère des pharmaciens a pu être contenue mais là on est à bout », prévient-il déjà. Seule bonne nouvelle qui semble apparaître à l'horizon, le risque de délestage cet hiver semble s'éloigner. Hors de question de crier victoire trop vite sur ce dernier point néanmoins, rien n'est encore officiel…
A la Une
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine
Médication familiale
Baisses des prescriptions : le conseil du pharmacien prend le relais
Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens
Retraite des pharmaciens : des réformes douloureuses mais nécessaires