LE TRIBUNAL de grande instance de Paris a tranché. Le 23 novembre dernier, il reconnaît le caractère publicitaire illicite et discriminatoire de la campagne du groupement Giphar, orchestrée en décembre 2008. Employant le comédien Richard Berry, cette communication était présente à la radio et dans les grands titres de la presse nationale. Relayée dans 1 100 officines de l’enseigne, elle vantait le conseil pharmaceutique personnalisé que les clients peuvent y trouver. En juillet 2009, pourtant, le jugement en référé avait débouté l’Ordre des pharmaciens, à l’origine de l’assignation. En statuant sur le fond, la justice lui a cette fois donnée raison. Le juge a estimé que si la loi HPST* « a enrichi le rôle des pharmaciens d’officine, notamment dans le dépistage des maladies chroniques, elle n’a pas élargi les modalités dans lesquelles il est possible pour une officine de pharmacie de faire de la publicité ». Giphar est donc condamné à verser 1 euro à l’Ordre des pharmaciens en réparation du préjudice moral et à 30 000 euros pour le préjudice matériel. Il est interdit au groupement de lancer une nouvelle campagne illicite, sous peine d’une astreinte de 10 000 euros par message. L’Ordre des pharmaciens se félicite bien sûr de ce jugement. « L’interdiction de publicité par et en faveur des groupements d’officines, telle qu’elle figure dans le code de la santé publique, a pour fondement la protection du patient et le maintien d’un haut niveau de santé publique confié aux pharmaciens », affirme la présidente de l’Ordre, Isabelle Adenot.
Procès en appel.
De son côté, Brigitte Bouzige, présidente de Giphar, rejette fermement le verdict du tribunal. « Nous n’avons pas été jugés sur ce qu’il fallait. En communiquant sur le conseil pharmaceutique, la prévention, le dépistage, nous sommes dans le périmètre de la loi HPST. À aucun moment, il n’y a de remise en cause de la santé publique », estime t-elle. De plus, pour Brigitte Bouzige, la qualification de « discriminatoire », pour cette campagne, n’est pas recevable. « Nous n’avons pas dit que nous étions les meilleurs. Nous disons simplement que nous avons à cœur de remplir nos missions le mieux possible. Et pour cela, nous nous sommes fixé des contraintes », plaide la patronne de Giphar. Le groupement fait appel de la décision, envisageant également un recours auprès des instances européennes. « On est loin d’avoir perdu », assure sa présidente. Le procès en appel devrait se tenir courant 2011. D’ores et déjà, le groupement envisage de mener une nouvelle campagne de communication l’année prochaine. « Nous avons d’autres cartes à jouer », confie Brigitte Bouzige.
Peut-être pourrait-elle s’inspirer de la démarche heureuse d’Evolupharm. Le groupement vient de lancer une importante vague de communication à la télévision, visible jusqu’à la fin du mois sur les grandes chaînes nationales**, à des heures de grande écoute. Inspiré du célèbre jeu Pictionnary, le spot de 18 secondes sera diffusé 70 fois. Il se fait l’écho d’Evolupharm en qualité de « marque des pharmaciens au prix le plus juste », et non de l’enseigne. Voilà ce qui évite bien des ennuis au groupement. « Tant que nous communiquons sur le laboratoire et ses produits, nous sommes inattaquables », assure Thierry Marcdargent, en charge de la communication d’Evolupharm. Évaluée dès janvier par une enquête de notoriété, l’opération doit être renouvelée chaque trimestre de l’année prochaine. Budget total pour 2011 : 2,8 millions d’euros (contre 1,8 million pour 2010). Les produits à la marque Evolupharm y seront encore plus mis en avant, avec des prix publics conseillés. Toujours sans référence directe ou indirecte à l’enseigne, même si cette évocation est implicite.
Voilà bien le paradoxe de la situation. Aujourd’hui, le seul axe de communication possible est celui du prix proposé par le laboratoire filiale du groupement. Et non les actions de l’officine en faveur de la santé publique.
** France 2, France 3, France 5.
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