C’EST UNE CURIEUSE HISTOIRE d’intoxication salicylique, mêlant responsabilités médicale et pharmaceutique, qui aurait pu se terminer très mal pour Adrian, un jeune patient de six semaines atteint d’une banale rhinopharyngite. Aujourd’hui, l’enfant va bien. Mais rappelons les faits : le bébé avait reçu de la Catalgine 0,50 g en lieu et place du dosage à 0,10 g prescrit par le généraliste, ce qui avait conduit à un surdosage heureusement sans conséquences graves. Le rejet rendu par la Cour de cassation de Montpellier au matin du 14 octobre vient confirmer les verdicts du premier jugement et de l’appel qui s’en était suivi. Médecin et pharmacien sont ainsi condamnés solidairement. Le premier pour avoir prescrit un salicylé alors que ces médicaments « ne constituent plus, depuis plusieurs années au moment des faits, le médicament antithermique de référence et de première intention chez le nourrisson », le second pour avoir délivré par erreur le dosage à 0,50 g.
Le médecin a eu beau se défendre en faisant valoir sa liberté de prescription, rien n’y a fait. La Cour de cassation a évoqué les risques disproportionnés liés à une prescription « démodée » et souligné en outre l’absence coupable des mentions « âge » et « poids » du patient sur l’ordonnance. Pour le Dr Marc Girard, expert en pharmacovigilance près des tribunaux, « ce type de jugement donne peut-être trop de religiosité aux recommandations ». Autrement dit, science et dogme ne doivent pas être confondus.
Quoi qu’il en soit, le plus troublant dans cette affaire reste le rapport de causalité qui a fondé le jugement rendu : si le médecin avait suivi les recommandations de première intention - à savoir prescrire du paracétamol plutôt que de l’aspirine -, dit en substance la Cour, il n’aurait pas mis le pharmacien en position de commettre la faute de délivrance à l’origine de l’intoxication… Et si Félix Hoffmann n’avait pas pensé à estérifier l’acide salicylique, les juges auraient pu, ce matin-là, faire la grasse matinée.
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