UNE SOLUTION de chlorure de magnésium à 10 % en lieu et place du soluté polyionique B46. La cause ultime du décès du petit Yliès, survenue dans un hôpital parisien à la veille de Noël, ne fait elle aucun doute. Dès les premières minutes qui ont suivi l’administration fatale - d’ailleurs très vite révélée par l’infirmière mise en cause - la responsabilité de la confusion était établie. Ce qui semble aujourd’hui moins évident, c’est de comprendre pourquoi et comment ce flacon d’une solution de chlorure de magnésium, plus généralement destiné à l’usage interne des pharmacies hospitalières, a pu se retrouver dans un service de pédiatrie de l’hôpital Saint-Vincent de Paul. Dans un entretien accordé au « Figaro » (5 janvier 2009) le directeur de l’AGEPS (Agence générale des équipements et produits de santé), Vincent-Nicolas Delpech, estime qu’une « série de dysfonctionnements au cours de l’acheminement du chlorure de magnésium » aurait conduit à la présence du flacon dans le service de pédiatrie.
Le scénario normal.
Sans entrer dans l’intimité de l’enquête en cours, mais pour mieux en connaître le contexte, nous avons demandé au Pr Philippe Arnaud, chef du service pharmacie de l’hôpital Bichat Claude Bernard (Paris XVIIIe), de nous détailler le circuit normal d’une commande de solutés pour perfusion à partir d’une pharmacie hospitalière. « Les services de pharmacies passent commande auprès de l’AGEPS (N.D.L.R., plate-forme de Nanterre) qui prépare l’ensemble des produits commandés. Ces commandes sont ensuite acheminées vers les hôpitaux, réceptionnées par les pharmacies, puis stockées par celles-ci jusqu’à la distribution finale auprès des unités de soins. C’est à partir des stocks des PUI que sont honorées les commandes des services médicaux », explique le praticien hospitalier. Tout au long de ce circuit du médicament, précise Philippe Arnaud, et à chaque transfert, une opération de contrôle permet de vérifier la conformité des marchandises au bon de livraison. « Ce processus normal comporte une somme de verrous. Dans la dramatique affaire en cours d’instruction, seule l’enquête appréciera la défaillance de tel ou tel verrou, si elle a eu lieu. Pour l’heure, la seule chose que l’on puisse dire est que dans ce circuit du médicament, il y a un certain nombre de transferts de responsabilités entre l’AGEPS, la pharmacie hospitalière et le service de soins ».
Une solution pour préparations de nutrition parentérale.
C’est bien cette chaîne de responsabilités qu’examinent aujourd’hui les enquêteurs. Quant à la nature du produit administré et sa responsabilité dans la mort du petit Yliès, il y a là encore quelques certitudes, et des points qui restent à élucider. Ce que l’on sait déjà, c’est que le chlorure de magnésium à 10 % est généralement utilisé dans les services de pharmacie pour la préparation de solutions de nutrition parentérale après avoir été dilué, et jamais tel quel. Quel désordre physiologique a précisément causé le décès de l’enfant ? Cette question reste encore suspendue aux conclusions de l’autopsie. L’expertise toxicologique a en revanche déjà montré que le taux de chlorure de magnésium retrouvé dans le sang du petit Yliès était supérieur à des concentrations qui s’étaient révélées mortelles dans d’autres affaires.
Reste aujourd’hui à connaître les circonstances précises de la confusion qui a mené au drame. Erreur de livraison au service, geste automatique, mauvaise lecture, fatigue professionnelle… Plusieurs causes sont sans doute imbriquées et rendront l’enquête difficile.
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