L’an dernier, 475 pharmaciens (dont 97 % d’officinaux) ont déclaré une agression à l’Ordre. Un chiffre en hausse de près de 30 % comparé à 2022 et de 40 % par rapport à il y a cinq ans. Si l’on excepte l’année 2020, au début de la crise du Covid-19, le nombre de signalements n’a jamais été aussi élevé depuis 5 ans. La majorité des faits dénoncés par les officinaux concerne des menaces, des injures ou encore des agressions physiques principalement motivées par des refus de dispensation, mais aussi par des difficultés de prise en charge ou des pénuries de produits de santé. L’année 2023 a aussi été marquée par les émeutes urbaines qui ont embrasé plusieurs villes du pays entre les mois de juin et de juillet. Durant cette période, de nombreux bâtiments et services ont fait l’objet de dégradations et les pharmacies et les laboratoires de biologie médicale n’ont pas été épargnés. Le rapport du CNOP met aussi en lumière la part des vols dans les atteintes recensées. Aujourd’hui, ces derniers représentent 40 % des déclarations.
Autre élément important qui ressort du rapport du CNOP, la recrudescence des agressions commises pendant les gardes, qui ont doublé en l’espace de 5 ans. En tout, 46 pharmaciens ont été concernés en 2023, contre 40 en 2022 et « seulement » 23 en 2018. Un point qui préoccupe tout particulièrement Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Ce que je redoute concernant les gardes, c’est un désengagement encore plus fréquent des forces de police et de gendarmerie. Le travail de filtrage qu’ils font en amont permet d’empêcher de nombreuses agressions mais de plus en plus souvent ils ne veulent plus s’en occuper », regrette-t-il. Pas étonné par les chiffres communiqués par l’Ordre, Pierre-Olivier Variot rappelle, de plus, que le nombre d’agressions est largement sous-estimé car de nombreux officinaux ne jugent pas utile de les déclarer. « Quand on voit qu’un individu qui a envoyé une pharmacienne à l’hôpital avec une vertèbre cassée ressort libre douze heures après son interpellation, on ne peut pas s’en étonner. Il faut que les pharmaciens se sentent soutenus par la police et la justice. Ce qu’il faut absolument éviter, c’est que des pharmaciens en viennent à se faire justice eux-mêmes », prévient-il.
Président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Philippe Besset a réagi ce mercredi matin sur « LCI » aux chiffres des agressions donnés par le CNOP. « Les pharmaciens sont pris pour cible. En 2023, cela a été particulièrement frappant. En juin des officines ont été complètement détruites durant les émeutes, comme à Montargis ou à Montataire. À Mayotte, la moitié des pharmacies ont été vandalisées. Là, ce sont les cas très graves mais ensuite il y a tout ce qui se passe au quotidien. Des incivilités, des menaces… Essentiellement parce qu’on refuse de délivrer des médicaments, parce qu’on est en première ligne pour lutter contre les trafics de médicaments. Et après nous avons les vols. Oui, ces faits augmentent et c’est inquiétant », résume Philippe Besset.
Interrogé sur les réponses à apporter pour lutter contre ces agressions de pharmaciens qui augmentent, Philippe Besset a premièrement rappelé qu’une loi visant à durcir les sanctions contre ceux qui s’en prennent à des professionnels de santé, avec notamment la création d’un délit d’outrage, était en cours d’adoption au Parlement. « Il faut renforcer la sanction pénale et il faut nous autoriser, nous organisations professionnelles, à porter plainte aux côtés des soignants agressés. Au niveau du syndicat, nous menons également un travail pour former les professionnels. Quand on est agressé, il faut savoir faire, il faut avoir des consignes à respecter. Nous devrions nous former à la santé mais malheureusement nous allons aussi devoir aller dans ce champ de la formation à la réponse à ces agressions. »
Au cours de cette interview, le président de la FSPF a également tenu à rendre hommage à Hélène Tarcy-Cétout, l’officinale guyanaise tuée près de sa pharmacie le lundi 8 avril à Saint-Laurent-du-Maroni.
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