C’est désormais établi. La gestion de la crise sanitaire a contribué de manière sensible à la croissance de la rémunération officinale. Pourtant, le léger retrait de l’activité Covid observé en 2022, 1,388 milliard d’euros en 2022 contre 1, 678 milliards d’euros un an plus tôt, ne nuit pas à la dynamique que connaît le réseau depuis deux ans. Le relais semble en effet pris par les activités traditionnelles. Ainsi, sur une rémunération globale de 6,902 milliards d’euros en 2022, près de 80 % sont imputables au médicament et aux honoraires. En 2021, ils ne représentaient que 76 % des 7 milliards d’euros engrangés par le réseau.
Comme l’a résumé IQVIA lors de la présentation de ces chiffres aux 13es rencontres de l’USPO, le médicament contribue pour 0,8 % à la croissance de la rémunération officinale entre 2020 et 2022. Toutefois, le montant atteint en 2022, soit 3,946 milliards d’euros, est loin d’avoir rattrapé le niveau d’avant la crise. En 2019, le médicament avait en effet permis au réseau de percevoir 4,484 milliards d’euros.
Une diversification réussie
Les honoraires constituent le principal levier de résilience. Entre 2020 et 2022, ils ont contribué pour 2,3 % à la croissance de la rémunération, comme le souligne IQVIA. Alors qu’ils atteignaient à peine 913 millions d’euros en 2019, les honoraires qui pèsent 1,568 milliard d’euros sont désormais une force sur laquelle compter trois ans plus tard. Leur multiplication y est pour beaucoup puisque honoraires de dispensation liés à l’âge et honoraires de dispensation de médicaments dits « spécifiques » ont connu une ascension fulgurante au cours des trois dernières années, compensant ainsi l’érosion des honoraires à la boîte.
Jean-Marc Aubert, vice-président Healthcare France d’IQVIA, voit dans cette diversification de la rémunération officinale, où la marge commerciale ne détient plus que 25 % (voir graphique), une réussite de l’avenant 11 signé en 2018 entre l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) et l’assurance-maladie. L’implication des pharmaciens dans les missions de santé publique et la montée en charge des nouvelles missions – vaccinations grippe et Covid, entretiens et TROD angine, mais aussi dépistage du cancer colorectal, rappels vaccinaux et entretien de la femme enceinte - constituent un facteur supplémentaire pour contrer autant que faire se peut la poussée des médicaments chers. Car, en hausse de 33 % l'année dernière, soit 2,425 milliards d’euros, leur volume contribue pour 29,4 % à la croissance du chiffre d’affaires en 2022, mais ils restent peu rémunérateurs en termes de marge.
Stabiliser le réseau
Ces différents indicateurs seront suivis de près au cours de cet exercice qui verra l’ouverture du volet économique de la convention pharmaceutique à l’automne. Certes, la marge du médicament remboursable prescrit (hors Covid) a augmenté de 3,7 % entre 2021 et 2022 sur un chiffre d’affaires en hausse de 7,9 %. « La nouvelle convention a permis de poursuivre la progression de la marge », constate Jean-Marc Aubert, objectant que « dans un contexte d’une inflation à 6 % , le montant de l’évolution financière doit prendre en compte cette incertitude ». L’évolution de la marge sera-t-elle décidée de manière fixe lors des prochaines négociations ?
Pour Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO, il y a une nécessité absolue à stabiliser l’économie de l’officine et au-delà à stabiliser le réseau officinal. « Aucune officine ne doit être perdante », met-il en garde. Il tient fermement à ce que les négociations permettent de valoriser des honoraires capables de contribuer significativement à l’économie officinale, y compris à soutenir de nouvelles hausses salariales. Le président de l’USPO fonde ses espoirs dans une reconnaissance des interventions pharmaceutiques et tout particulièrement dans une valorisation de l’évolution du métier. Le pharmacien correspondant, la PDA, la prise en charge du sevrage tabagique par le pharmacien, ou de nouveaux entretiens dédiés aux risques cardiovasculaires et aux opioïdes, ou encore à plus long terme l’entretien diabète, sont autant de missions qu’il souhaiterait inscrire prochainement à l’actif de l’officine. Un message sans équivoque lancé à l'assurance-maladie.
Son directeur général, interrogé par « Le Quotidien du pharmacien » sur son intention de tenir compte de l’inflation dans les prochaines négociations, a déclaré « nous allons étudier l’équation économique, c’est-à-dire les coûts liés à l’inflation comparés à l’apport exceptionnel qu’ont fourni les activités Covid ». Sur ce registre, il a tenu à rappeler que les missions Covid ont rapporté au réseau officinal 1,4 milliard d’euros en 2022, après 1,7 milliard d’euros en 2021.
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