Le Quotidien du pharmacien. – Vous avez évoqué un kit du lendemain en pharmacie pour améliorer la prise en charge des victimes de soumission chimique. De quoi s'agit-il ?
Sandrine Josso. - Quand j'ai commencé ma mission, la problématique était d'accéder aux preuves. On est souvent témoin aveugle car on ne sait pas qu'il y a eu utilisation de substances chimiques. Il y a aussi une vraie méconnaissance de la société car il y a un biais : on croit que la soumission chimique, c'est en milieu festif. Mais dans 90 % des cas, on connaît nos agresseurs. La victime peut aussi être complètement sédatée et ne se souvenir de rien. Il y a ensuite des disparités territoriales : lorsqu’on habite près d'un centre hospitalier, l’accès à une prise en charge et à des examens toxicologiques est plus facile. Or les pharmacies sont présentes sur tout le territoire et sont ouvertes toute la semaine. L'idée, avec ce kit, est d'organiser un parcours fléché de la pharmacie vers une infirmière qui effectuera un prélèvement d'urine et de sang qu'elle adressera à un laboratoire agréé, selon les territoires. Un kit du lendemain serait le pire ennemi d'un prédateur.
En pratique, comment ce kit fonctionnerait-il ?
Le pharmacien écoute la personne qui pense avoir été victime de soumission chimique, ou même qui s'ignore, et met la personne en relation avec le centre de références sur les agressions facilitées par les substances (CRAFS). Au regard de ce que va dire la téléopératrice du CRAFS, on peut décider d'une téléconsultation avec un médecin qui rédige une ordonnance pour des prélèvements par une infirmière. Le pharmacien oriente vers la bonne infirmière, rappelle les bons gestes, comme la contraception d’urgence et la prévention des IST. Il est le premier interlocuteur et il est vraiment le premier secours.
Selon vous, les professionnels de santé sont-ils suffisamment formés au problème de la soumission chimique ?
Les professionnels de santé l'avouent : ils ne sont pas formés et ne sont pas sensibilisés. L' Assemblée nationale organise le 14 novembre, avec La Maison des femmes et le Centre d’addictovigilance de Paris, une grande formation sur les violences sexuelles et la soumission chimique. Depuis le procès de Mazan, la demande de formation des professionnels est énorme. Notre mission va continuer de faire des auditions mais a déjà fait un premier état des lieux : les professionnels de santé ne sont pas formés, mais les professionnels du monde judiciaire non plus. C'est un gros manquement. Nous avons aussi identifié le fait qu'il n'y a pas de coordination territoriale, ni de collaboration entre toutes les parties prenantes, y compris avec le monde judiciaire. On ne peut plus fonctionner en vase clos. Notre système est archaïque et c'est à cause de cet archaïsme que le mécanisme de la soumission est facilité.
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