Pharmaciens de PUI et pharmaciens d’officine sont les deux pôles dans un parcours du patient trop souvent chahuté par un traitement lourd. Ils sont également les deux balises dans l’océan de solitude que peuvent ressentir les personnes atteintes d’un cancer. Mais comment articuler l’approche et le discours des pharmaciens entre conciliation médicamenteuse et entretien pharmaceutique ?
Isabelle Debrix, praticien hospitalier à l’hôpital Tenon à Paris, et Alexis Le Tohic, pharmacien adjoint à la pharmacie de Sèvres dans le sixième arrondissement, évoquent les conditions d’optimisation des entretiens menés avec des patients atteints de cancer. Leur complémentarité apparaît évidente car de la fluidité de leur coordination dépendra l’efficience du traitement. Et ce dans un contexte où les deux métiers ont évolué et continuent de bouleverser leur périmètre. La sortie hospitalière de 80 à 100 anticancéreux a modifié le parcours du patient. Et avec lui, la pratique des officinaux, désormais incités depuis septembre 2020 par l'avenant 21 de la convention pharmaceutique à mener des entretiens avec les patients sous anticancéreux oraux.
Sentinelle des interactions
Car ces médicaments, qui restent peu connus des médecins généralistes, présentent des inconvénients et une toxicité différents de ceux des injectables. De l’hôpital à la ville, la sécurisation du parcours patient va guider l’action des deux pharmaciens. « Dès le premier contact, le pharmacien hospitalier va apprendre à mieux connaître le patient et lui demander les coordonnées de son pharmacien qu’il contactera », décrit Isabelle Debrix. Une fiche patient élaborée il y a déjà une dizaine d’années permet de faire le lien. Elle comprend des éléments issus du compte rendu de la consultation avec l’oncologue, mais aussi avec le pharmacien d’officine et des compléments sur les effets secondaires éventuels.
De son côté, Alexis Le Tohic rappelle que l’objet premier de la relation avec l’hôpital consistera à s’assurer de la compatibilité entre le traitement chronique du patient (HTA, diabète, ménopause…) et les anticancéreux. Le pharmacien de ville a selon lui l’expertise, de par sa formation, pour veiller aux interactions. Elles ne sont pas rares avec d’autres médicaments, mais aussi avec d’autres produits alternatifs (compléments alimentaires, phytothérapie…). Dans ce domaine des effets indésirables, que ce soit le syndrome mains-pieds, les nausées, vomissement ou diarrhées, le pharmacien parisien recourt ainsi systématiquement aux fiches conseils Oncolien du site Omedit qu’il imprime pour le patient. En cas de douleurs thoraciques, pouvant notamment survenir avec l’utilisation du 5-FU, une consultation médicale d’urgence s’impose, car un risque de toxicité cardiaque n’est pas exclu. Il est donc primordial que l’officinal suivant le patient dispose du contact avec le pharmacien hospitalier rattaché au service, voire avec l’infirmière de coordination.
Harmonisation des discours auprès du patient
Le pharmacien d’officine a par ailleurs toute sa place dans la thérapie anticancéreuse orale où les adaptations de posologie sont fréquentes. Il s’impose aussi comme pédagogue pour expliquer au patient la nécessité de respecter les horaires de prise. Une dynamique s’instaure donc entre l’officine et l’hôpital, soutenue par la transmission des informations - sécurisées par MSS ou Fax - et de toutes les ordonnances. De l’avis des deux pharmaciens, de nombreuses similitudes existent entre les deux types d’entretien. Reste à harmoniser les discours auprès du patient.
Selon eux, cette coordination a un effet indéniable sur l’optimisation des thérapeutiques et l’observance tout comme sur les liens entre médecins et pharmaciens. Les seuls écueils de cette approche ville-hôpital restent le manque de temps, notamment à l'officine, et de disponibilité lié à l’organisation. « Aucune étude n’a établi à ce jour l’impact de cette coordination sur les dépenses de santé », regrette Alexis Le Tohic. Il n’existe en effet, pour l’heure, que des appréciations empiriques. Car outre la qualité des soins qui s’en trouve améliorée, les coûts liés à la réduction attendue des réhospitalisations, des consultations médicales non programmées ou encore de la consommation médicamenteuse, ne peuvent que refluer. « Les résultats d’une expérimentation article 51, un projet innovant mené en pluridisciplinaire par 45 centres et 10 000 pharmacies ne seront connus que dans deux ou trois ans », explique Isabelle Debrix.
D'après une conférence à la Journée des URPS 2023.
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