LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- L’ANEPF vient de publier un bilan de la réforme des études de pharmacie. Quels sont les principaux enseignements de cette enquête ?
VICTORIEN BRION.- Le bilan est malheureusement celui que nous attendions. Il met en évidence un choix par défaut de la filière pharmacie depuis la mise en place de la première année commune des études de santé (PACES). De nombreux étudiants ne sont pas au courant des débouchés qu’offre la pharmacie, en dehors de l’officine et ne la choisissent pas en priorité. Par ailleurs, nous avons constaté un « trop-plein » de cours après le concours, dû au volume d’heures retiré du programme de la PACES. Il faut bien le rattraper, et cela conduit à des programmes surchargés et déséquilibrés en deuxième et troisième années. Ces problèmes sont en train d’être réglés au cas par cas et l’ANEPF y apportera quelques grandes lignes directrices. Notre enquête a également mis en évidence des points positifs. La majorité des étudiants apprécie les stages, même si certains pointent un manque d’encadrement. Il reste encore des efforts à faire de ce point de vue, mais ces résultats sont encourageants.
Où en sont les expérimentations de nouvelles formes de PACES prévues par les pouvoirs publics ?
Le décret est en cours d’écriture et devrait paraître d’ici au mois de janvier prochain. Une dizaine d’universités ont proposé des expérimentations. Certaines envisagent de recruter des étudiants par dossier en fin de deuxième année de licence de chimie ou de biologie et de les intégrer en 2e année de pharmacie. D’autres, comme l’université d’Angers, proposent une licence santé avec plusieurs types de recrutements possibles à divers stades de la licence. Nous resterons très vigilants sur toutes les expérimentations, afin de ne pas pénaliser les étudiants en pharmacie, et notamment de ne pas trop retarder la professionnalisation, très importante dans notre filière.
Lors de la Journée de l’Ordre, la présidente de l’Ordre des pharmaciens, Isabelle Adenot, s’est inquiétée de la désaffection croissante de la profession par les jeunes. Quelles seraient, selon vous, les solutions possibles pour y remédier ?
Il y a clairement une nécessité d’informer les jeunes dès le lycée. La campagne « Pharma c’est pour moi », lancée par l’Ordre des pharmaciens, est une très bonne base qu’il faut aujourd’hui relancer et dynamiser. Il faut développer à nouveau des supports d’information et utiliser le numérique pour mieux faire connaître la pharmacie. Nous souhaitons développer des projets avec l’Ordre pour informer les lycéens de première et terminale sur les filières de la pharmacie. Il faut également motiver les étudiants eux-mêmes. Notre enquête a montré que 1/10e des sondés veulent quitter la filière. C’est un chiffre préoccupant, qui démontre bien ce choix par défaut de la pharmacie. Nous ressentons aussi une inquiétude, du côté de la filière officine, face au manque de vision à long terme de la profession. L’instabilité économique est un facteur négatif pour les étudiants. En revanche, ils affirment leur volonté d’assumer les nouvelles missions. À la faculté, notre formation nous apporte les bases pour être des acteurs du parcours de soin. Il faut néanmoins un soutien politique et économique pour mettre en place ces missions.
Quelle est la position de l’ANEPF sur le décret sur les holdings paru cet été ?
L’ANEPF n’a pas encore de position officielle sur ce texte. Nous allons lancer une réflexion sur le sujet, afin de pouvoir proposer des conseils et des éclairages aux adjoints qui souhaiteraient se lancer dans une holding. Nous invitons ceux qui ont ce type de projet à nous contacter pour en discuter. Actuellement, sur les 300 holdings validées par l’Ordre des pharmaciens, il n’y a pas encore d’adjoint impliqué.
Que pensez-vous de l’autorisation de la vente en ligne de médicaments par les officinaux ?
L’ANEPF s’était prononcée contre cette autorisation, pour des raisons de sécurité, de risques de contrefaçon et de concurrence entre les officines. Maintenant que la loi autorise cette vente en ligne, il faut s’adapter. Il est très important de rester vigilants face aux sites pirates. De plus, il faut qu’il y ait obligatoirement un conseil du pharmacien, soit en direct si le patient réserve ses médicaments puis les récupère à la pharmacie, soit par l’intermédiaire du système informatique. Il faut aussi que les autorités mettent en place une communication afin d’informer les patients sur l’achat de médicaments en ligne de manière sécurisée.
Quels sont les autres projets de l’ANEPF pour cette année ?
Nous avons un nouveau vice-président, chargé des relations avec l’industrie. De plus en plus d’étudiants choisissent cette filière, il est donc important que notre association puisse se développer en ce sens. Notre second grand projet est d’enquêter sur les réalités sociales des étudiants en pharmacie. Ils sont souvent perçus comme des privilégiés, mais ce n’est plus le cas. Nous allons lancer un questionnaire sur le sujet afin de disposer de données solides pour défendre les étudiants en difficulté. Nous allons également mettre en place plusieurs groupes de travail, sur le numerus clausus, l’attractivité de la filière, ou encore l’avenir de l’officine.
A la Une
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine
Médication familiale
Baisses des prescriptions : le conseil du pharmacien prend le relais
Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens
Retraite des pharmaciens : des réformes douloureuses mais nécessaires