Le Quotidien du pharmacien. - Pour quelles raisons les pharmaciens doivent-ils absolument voter aux élections URPS ?
Gilles Bonnefond. - Quand on a la chance de pouvoir donner son avis, de soutenir une vision de la profession, ce serait dommage de ne pas s’exprimer. Surtout que cette possibilité ne revient que tous les cinq ans !
Philippe Besset.- C’est un rendez-vous décisif pour l’avenir de la profession. Car avec son bulletin de vote, le pharmacien donne deux signaux. Le premier à destination des pouvoirs publics puisque ce vote détermine les organisations syndicales qui seront légitimes pour négocier avec le gouvernement mais également avec l’assurance-maladie. Leurs représentants seront d’autant plus écoutés que leurs organisations syndicales auront remporté un nombre élevé de voix aux élections, avec un taux de participation qui doit être le plus élevé possible. Il est donc question d’une représentativité nationale très scrutée par les politiques qui ont une connaissance parfaite des enjeux de la représentativité ! Parallèlement, le deuxième signal porte sur le choix des confrères en régions pour désigner leurs interlocuteurs auprès des ARS.
Que représentent les élections des URPS dans la vie d’un syndicat ?
Philippe Besset. - Elles ont, je viens de l’évoquer, un impact direct sur les négociations avec l’État et l’assurance-maladie. Les résultats permettent de déterminer l’audience, en d’autres termes le « poids » de chaque syndicat dans les négociations conventionnelles. Car nous devons définir avec l’assurance-maladie les actes et les tarifs dans le champ du remboursement. Cela est extrêmement important en termes de dispensation et d’émergence de nouveaux actes. C’est un travail de l’ombre à portée à la fois scientifique, clinique et économique. C’est dire si ces négociations impactent la vie de tous les jours du pharmacien. Les décisions prises auront une application directe, qu’il s’agisse de changement dans le mode de rémunération, de numérisation des prescriptions ou encore en matière de vaccination, par exemple.
Gilles Bonnefond. - – Ces élections sont l’occasion de faire un bilan sur les cinq dernières années et de proposer notre vision de la profession pour les cinq prochaines. Les engagements pris par l’USPO il y a cinq ans ont été tenus et notre action a été couronnée de succès. Le bilan économique de cette réforme est plébiscité par les pharmaciens, les organismes de statistiques et les experts-comptables, à l’exception de la FSPF, pour des raisons uniquement électoralistes. Nous avons consulté la profession et proposé de modifier en profondeur le métier de pharmacien et le modèle économique de l’officine, fragilisé par le forfait d’un euro à la boîte et une marge purement commerciale. Face à la baisse mortifère des volumes et des prix des médicaments, notre projet était de réformer le mode de rémunération tout en élargissant les missions du pharmacien. Nous avons réussi ce changement de modèle économique, amélioré la rémunération de toutes les officines sans exception, quelles que soient leur taille et leur situation géographique, et nous avons évité que la fermeture des pharmacies s’accélère. Grâce à cette réforme économique et à la nouvelle orientation du métier portée par l’USPO, les pouvoirs publics ont pris conscience des compétences des pharmaciens et leur ont confié des missions importantes depuis le début de la crise sanitaire. Les pharmaciens ont été excellents et exemplaires !
Quelle est votre définition du rôle d’un syndicat ?
Gilles Bonnefond. - L’USPO a une définition moderne du syndicalisme, comme en témoignent les actions que nous avons mises en place depuis le début de la crise sanitaire pour accompagner les pharmaciens, syndiqués ou non, que ce soit par le biais de visioconférences, de foires aux questions, de points d’informations… Notre rôle est de représenter, de défendre, de proposer et surtout d’anticiper afin de permettre à la profession de répondre aux enjeux de santé publique. Conscients des défis majeurs en termes d’organisation des soins - vieillissement de la population, augmentation des pathologies chroniques, sortie hospitalière, prévention, dépistage, intégration des nouvelles technologies dans la pratique du métier - nous devions donner aux pharmaciens les moyens économiques pour y répondre. Aussi, lorsque nous avons construit ce nouveau modèle de rémunération, nous nous sommes assurés qu’il serait bénéfique à l’ensemble de la profession. De plus, face à chacun de ces défis structurants, notre syndicat a apporté des solutions concrètes. Le pharmacien a pu se positionner en tant que professionnel de santé et accompagné les patients. Cette évolution rapide, engagée par l’USPO depuis 2018, nous a permis de sécuriser le monopole officinal, le maillage, faire reculer les plateformes d’e-commerce et éviter l’ouverture du capital. Les étudiants semblent apprécier ce renouveau puisque nous constatons que la filière « officine » devient plus attractive et que les étudiants s’engagent à nouveau dans cette profession.
Philippe Besset. - La définition a évolué à travers le temps pour prendre la forme d’un syndicalisme moderne dont les missions sont de négocier les actes et les tarifs avec l’assurance-maladie. Nous sommes aussi un syndicat patronal qui anime le dialogue social dans la branche professionnelle dont il est représentatif. Rappelons que les pharmacies emploient 120 000 salariés qui dépendent de l’économie officinale et par conséquent, pour 80 %, de la convention nationale conclue avec l’assurance maladie. Ces deux missions sont donc indissociables. Pour moi, un syndicat doit avant tout être à l’écoute des confrères de terrain et ne pas hésiter à s’opposer aux mesures contraires à l’intérêt de la profession. La FSPF a, par exemple, refusé de signer les avenants conventionnels et de souscrire aux dispositifs entraînant des pertes de rémunération ou une complexification de l’exercice officinal. En revanche, nous accompagnerons toujours les évolutions de métier, comme la vaccination à l’officine ou le paiement à l’acte des entretiens pharmaceutiques.
Que retenez-vous de cette campagne électorale pour les URPS ?
Philippe Besset. - Je retiendrai de cette campagne un cruel manque de disponibilité que je regrette. En effet, nous avons consacré la quasi-totalité de notre énergie à organiser la profession et à l’informer sur les sujets en lien avec la crise sanitaire. Pour preuve, lors des Afterwork des jeudis qui ont rythmé cette campagne, la moitié du temps était consacrée à la gestion de l’épidémie. Pour autant, cette crise a permis de démontrer l’implication du pharmacien sous de multiples facettes. Ce qui finalement rejoint une partie de la prospective de notre programme qui repose sur des missions de santé publique : portage des médicaments à domicile, vaccination, dépistage. Autant d’avancées obtenues pendant l’épidémie que nous comptons bien pérenniser. Notre monde, c’est la négociation avec l’assurance-maladie. Mais la visibilité dont nous jouissons depuis un an auprès des pouvoirs publics a été bénéfique. Car elle a amené les décideurs politiques, de manière naturelle, à faire appel à nous quand la crise sanitaire l’exigeait. Et enfin, ils ont reconnu le rôle majeur du réseau pharmaceutique et des pharmaciens.
Gilles Bonnefond. - Nous avons, dans les territoires, des équipes extrêmement motivées, jeunes, expérimentées, femmes et hommes qui s’investissent parce qu’ils trouvent cette évolution du métier stimulante ; un second souffle qui les motive pour représenter leurs confrères en région. Ces pharmaciens USPO exercent avec la pharmacie clinique chevillée au corps. S’ils sont élus, ils concrétiseront de nouvelles missions dans les territoires.
Quels seront les principaux axes qui vous guideront dans les négociations conventionnelles à l’issue des élections ?
Gilles Bonnefond. - Continuer la réforme économique en introduisant d’autres éléments de rémunération pour le pharmacien, qui donneront encore plus de visibilité à son métier. Nous innoverons dans le développement de nouvelles interventions pharmaceutiques, dans la politique de prévention et le dépistage, notamment en portant les expérimentations menées par les URPS USPO : cancer colorectal, risques cardiovasculaires, diabète, TROD Angine, sevrage tabagique, renouvellement du calendrier vaccinal, interprofessionnalité, sortie hospitalière et le développement du matériel médical à l’officine. Enfin, nous voulons conclure la dispensation à domicile et la préparation des doses à administrer (PDA) pour améliorer l’observance. La pharmacie est un espace de santé de premier recours, une porte d’entrée dans un parcours de soins et non de consommation. Ce travail doit être reconnu et rémunéré. De même, le conseil pharmaceutique doit être élargi à certaines pathologies (cystite, douleurs dentaires, premiers soins…) avec une prise en charge par l’assurance maladie obligatoire ou complémentaire.
Philippe Besset. - Il s’agira avant tout d’obtenir une revalorisation de l’acte de dispensation avec une mesure phare : le doublement du montant des honoraires à l’ordonnance pour les porter à un euro. Mais également d’augmenter à un euro les honoraires complexes comme cela était prévu initialement avant l’avenant 19 qui l’abaisse à 30 centimes. Par ailleurs, nous tenons à ce que des missions de santé publique, comme la vaccination de l’adulte, soient mises en place, et ce de manière pérenne. Autre point qui me tient à cœur, la situation des officines de proximité touchées par la désertification médicale. Un statut de pharmacie de premier recours doit leur être attribué afin que toutes les officines éligibles puissent obtenir un forfait mensuel de 1 000 euros, ce qui pourrait être le début d’un modèle économique rénové. En résumé, notre ambition est de revaloriser, protéger et simplifier l’exercice officinal.
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