Le Quotidien du Pharmacien.- En marge de la loi de finances, il semble que l’administration fiscale a décidé de modifier de manière importante le mode d’imposition de la rémunération des associés de sociétés d’exercice libéral (SEL) et, cela, quelle que soit leur activité. Quels changements significatifs relevez-vous pour les pharmaciens ?
Bertrand Cadillon.- L'administration fiscale, dans une récente décision, a effectivement confirmé l'imposition des rémunérations techniques des associés de sociétés d'exercice libéral (SEL) dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) à partir du 1er janvier 2024. Historiquement, l'administration avait préconisé une imposition en traitement et salaires ou en vertu de l'article 62 du CGI pour les rémunérations techniques des dirigeants de SEL. Le Conseil d'État, lui, avait pris une position différente dans plusieurs décisions en faveur d’une imposition en BNC en l'absence de lien de subordination. Cela étant précisé, la rémunération des fonctions de direction (mandat social) restait imposable, soit dans la catégorie des traitements et salaires (dirigeant de SELAFA (1), de SELAS et gérant non majoritaire de SELARL), soit dans la catégorie des rémunérations de l’article 62 du CGI (gérant de SELCA (2) et gérant majoritaire de SELARL).
Les pharmaciens en SEL doivent-ils suivre le même régime fiscal ?
Yann Panhelleux.- Rien dans les publications récentes de l’administration fiscale ne permet d’exclure les associés de SEL de pharmacie de ce nouveau régime. Tous les commentaires visent les SEL dans leur ensemble. Cela étant, il faut avouer qu’il y a un certain paradoxe à envisager l’imposition des rémunérations dans la catégorie des BNC alors que l’activité d’une pharmacie est commerciale sur le plan fiscal. Ajoutons que cette mesure fait perdre au passage le bénéfice de l’abattement forfaitaire de 10 % pour frais professionnel sur la part de rémunération technique, ce qui ne sera pas sans incidence pour les officinaux dirigeants de SEL.
Doit-on donc comprendre que toutes les sommes perçues par un pharmacien gérant majoritaire de SELARL, que ce soit la rémunération pour son mandat social ou celle de l’exercice de sa profession de pharmacien doivent être déclarées de la même manière ?
Yann Panhelleux.-Dans sa première publication de décembre 2022, l’administration semblait admettre une tolérance pour les gérants majoritaires de SELARL. Pour ces derniers, en cas d’impossibilité de distinguer les deux types de rémunérations, il semblait possible de tout déclarer dans la catégorie des rémunérations de l’article 62 du CGI.
La nouvelle version, publiée le 27 décembre 2023, est considérablement plus restrictive. L’impossibilité de distinguer les deux types de rémunérations devra être justifiée et cela ne sera pas toujours aussi simple.
Comment procéder dans ce cas ?
Yann Panhelleux.- Il faudra donc généralement distinguer la rémunération dite technique qui correspond à l’activité professionnelle de celle du mandat social. Chacune devra être déclarée dans sa propre catégorie d’imposition.
Par ailleurs, l’administration donne une version particulièrement limitée des fonctions de gérance. Elle rattache en effet de nombreuses tâches administratives à l’exercice professionnel. Cette approche restrictive des fonctions de gérance se retrouve d’ailleurs dans sa dernière mesure de simplification. Elle indique qu’en cas de rémunération unique, il sera admis de retenir la rémunération du mandat social du gérant majoritaire de manière forfaitaire à 5 % de la rémunération totale. Cela semble assez faible. Cette règle pratique ne constitue néanmoins qu'une solution administrative. Les contribuables pourront retenir une proportion plus élevée mais ils devront alors être en mesure de la justifier.
Quelles sont les obligations déclaratives pour les pharmaciens en SEL ?
Bertrand Cadillon.- Il y aura des obligations déclaratives supplémentaires pour les pharmaciens en SEL. Ce sera tout d’abord le dépôt d’une déclaration n° 2035 qui impliquera donc une immatriculation auprès du guichet unique. Les associés de SEL devront déclarer la rémunération totale, puis spécifier les charges sociales obligatoires, la CSG, et les cotisations facultatives déductibles dans la déclaration 2035. Ces derniers restent bien entendu exclus du régime de la TVA et de la CFE, Le pharmacien pourra, le cas échéant, déduire les frais de déplacement domicile/travail dans la mesure où l’abattement forfaitaire de 10 % est supprimé.
Y a-t-il des dispositions urgentes à prendre ?
Bertrand Cadillon.- Nous recommandons la patience et incitons à attendre la mise en service du Guichet unique en 2024 avant toute immatriculation des associés de SEL. Dans ce contexte évolutif de la fiscalité des pharmaciens, nous conseillons de faire appel à des experts tels qu’un expert-comptable et un avocat spécialisé en droit des affaires pour être guidé compte tenu du nombre de points de vigilance qu’il convient d’analyser. On annonçait récemment de la simplification, voilà ici un magnifique contre-exemple !
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