Le Quotidien du pharmacien.- En quoi l’ouverture de cette messagerie sécurisée permettant la transmission d’ordonnances et la communication entre patients et pharmaciens constitue-t-elle un acte pionnier dans le Ségur du numérique en Santé ?
Marguerite Cazeneuve.- Pour la première fois, les pharmaciens ont la preuve d’un usage concret du déploiement du numérique en santé. Ce dispositif a par ailleurs une valeur pédagogique de premier ordre vis-à-vis des patients puisqu’il permet d’insister sur le caractère essentiel de la sécurisation des données concernant des informations médicales. Cette MSS doit remplacer progressivement, mais impérativement, l’utilisation des adresses mail des pharmacies créées sur des comptes gmail ou yahoo qui, rappelons-le, ne sont pas du tout sécurisées.
Comptez-vous également sur le rôle pédagogique des pharmaciens auprès de leurs patients ?
Oui, tout à fait. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous attendons que les pharmaciens s’emparent de cet outil et créent leur boîte mails organisationnelles avant de communiquer auprès des assurés. Nous misons en effet sur la profession, qui a donné les preuves par le passé de sa capacité à s’adapter rapidement aux changements numériques, pour accompagner les patients. Leurs pharmaciens sont des vecteurs primordiaux pour leur expliquer le rôle de Mon espace santé, et leur montrer comment envoyer des messages sécurisés depuis leurs comptes. Les pharmaciens sont des partenaires précieux et centraux sur lesquels nous comptons pour entraîner les patients vers cette innovation. Nous pensons également que les pharmaciens utiliseront davantage cet outil pour communiquer avec les médecins.
Néanmoins, les pharmaciens sont les seuls professionnels de santé à avoir accepté d’être contactés par les patients…
La doctrine validée avec tous les professionnels de santé consiste à ne pas permettre aux patients de leur adresser un message si eux-mêmes n’ont pas d’abord initié la communication, car ils seraient débordés. Les pharmaciens font désormais exception. Cependant, nous avons cadré le dispositif. D’une part, il s’agit d’une adresse organisationnelle et non personnelle. D’autre part, le système est conçu pour que les patients ne s’adressent qu’à une officine dans laquelle ils se sont déjà rendus.
Pensez-vous que cette MSS puisse être utilisée à des fins de santé publique, dans le cadre de campagne de prévention ou de dépistage par exemple ?
Nous nous sommes en effet posé la question puisque les médecins ont pu disposer de la liste de leurs patients non dépistés. Les pharmaciens ont également la possibilité d’adresser des messages à leurs patients. Dans le respect des règles de communication de la profession bien entendu. On peut donc s’imaginer qu’ils initient ou relaient, de manière ciblée, des messages de santé publique auprès de leurs patients. Peu importe qu’il puisse y avoir des doublons avec les messages de santé publique que nous émettons également. À la fin, nous savons que les échanges de proximité entre un professionnel de santé et son patient ont plus d’impact. À terme il faudra peut-être mettre en place une hiérarchisation des émetteurs.
Cette MSS est-elle un premier pas vers l’ordonnance électronique ?
Oui. Mais son usage ne disparaîtra pas avec l’arrivée de l’ordonnance numérique, en tout cas pas au début. Le Ségur ouvre la possibilité pour les professionnels d’échanger des documents via leur MSS ou de passer par le DMP du patient (lequel reste par ailleurs toujours destinataire de l’ordonnance). La numérisation ne change pas ces circuits ; l’ordonnance est simplement enrichie d’un QR code qui permet de l’authentifier et de travailler sur des données structurées. Je pense que l’usage le plus commun consistera pour le patient à présenter son ordonnance (reçue par MSS ou déposée sur son DMP par le médecin) depuis son application Mon espace santé. Le pharmacien scannera le QR code de l’ordonnance directement sur le téléphone mobile du patient. Mais on verra bien, on s’adaptera aux usages !
L’envoi de l’ordonnance par MSS exclut de facto l’intervention de prestataires tiers. À titre d’exemple, dans la livraison à domicile ou la fourniture de matériel médical. Était-ce l’un des objectifs de ce dispositif ?
Ce dispositif s’inscrit dans une logique de numérisation et de sécurisation qui va, de fait, dans le sens du renforcement du monopole pharmaceutique. Le numérique en santé positionne le pharmacien comme un acteur incontournable dans la délivrance et l’expertise du médicament. Nous souhaitons lui garantir cette position centrale. Pour répondre à cet objectif, le pharmacien doit, en retour, être un utilisateur pro-actif du système.
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