Dans les grandes lignes, les conclusions sont bien celles auxquelles la profession s’attendait de la part de l’Autorité de la concurrence. Mais, prévient sa présidente Isabelle de Silva, « on ne s’est pas contenté de répéter ce que nous avions dit en 2013 », citant à la fois l’ampleur du travail réalisé, la large palette de ses interlocuteurs sur ce dossier, les auditions de toutes les parties prenantes et une consultation publique qui a reçu la contribution de 1 600 pharmaciens. Ce qui change ? La présentation. La présidente insiste longuement sur la transformation du métier de pharmacien avant d’exposer les propositions émises par l’Autorité de la concurrence qui « visent à consolider son rôle ». Car le réseau officinal est dense et « d’une grande qualité », tout comme la « qualification du pharmacien et la dispensation du médicament en France ». Il s’agit donc de préserver ces « acquis du système français ».
Cependant, l’instance constate un « effritement » de la rentabilité financière des officines lié à la maîtrise des dépenses de santé, à une forte concurrence sur le hors monopole, à un marché en ligne embryonnaire et à une interdiction de communiquer. Or cette période de transformation de l’officine appelle des besoins de financements. En outre, les nouvelles missions des pharmaciens, que l’Autorité de la concurrence plébiscite, peinent parfois à se mettre en place faute d’un texte manquant ou de décision quant à la rémunération dédiée. « Nous invitons les pouvoirs publics à faire le nécessaire pour que ces décisions fortes ne restent pas lettre morte et à donner d’autres nouvelles missions aux pharmaciens », indique Isabelle de Silva qui souligne la réussite de l’expérimentation vaccinale en officine et se montre favorable à la dispensation protocolisée.
Monopole hors officine
Malgré ces points de convergence, les solutions proposées par l’Autorité de la concurrence restent diamétralement opposées à ce que la profession défend. C’est en particulier le cas de l’idée d’assouplir le monopole officinal en permettant la dispensation en parapharmacie et GMS des médicaments à prescription médicale facultative (PMF). Isabelle de Silva confirme « la justification pleine et entière du monopole pharmaceutique », mais il peut s’exercer hors officine dès lors qu’il répond à des règles précises : dispensation sous le contrôle d’un pharmacien qui devra être inscrit à l’Ordre et répondre aux mêmes règles déontologiques que tout autre pharmacien. L’Autorité de la concurrence ajoute que des mesures spécifiques permettront de garantir l’indépendance du pharmacien (interdiction des objectifs de vente sur le médicament, coresponsabilité du gérant d’entreprise et du pharmacien salarié) et que la vente devra être réalisée dans un espace dédié, identifié et avec sa facturation propre. « Nous avons étudié la situation dans des pays qui ont ouvert ce monopole et nous n’avons pas constaté d’augmentation de risques de santé publique dès lors que le cadre approprié a été mis en place. Seule la Suède a connu des problèmes parce qu’elle a choisi une libéralisation extrême menant à une banalisation du médicament. Ce n’est pas ce que nous proposons », précise Isabelle de Silva.
Quant au problème de maillage territorial également mis en avant par la profession, la présidente va plus loin que le rapport en évoquant non plus une déclaration obligatoire de « ces nouveaux lieux de dispensation » mais « un contrôle à l'installation comme pour les officines », par le biais d’un système d’autorisation : « en cas de risque de fragilisation d’une officine, le refus de l'autorisation sera légitime ». Les possibles conséquences pour l’économie des officines sont « difficiles à évaluer à l’avance » mais Isabelle de Silva n’est pas inquiète et prend l’exemple de la sortie du monopole des produits de parapharmacie et, plus récemment, des tests de grossesse. « Ces secteurs n’ont jamais été aussi dynamiques, avec l’apparition de prix bas et de nouveaux produits. Les effets sont positifs pour tous les acteurs, y compris l’officine. » En revanche, il n’est pas question d’exporter les services officinaux vers ces nouveaux lieux : vaccination, bilan de médication ou entretiens pharmaceutiques resteront à l’officine. Seul le dossier pharmaceutique pourrait y être accessible.
Quatre scénarios
Par ailleurs, l’ouverture du capital des officines fait toujours partie des sujets de prédilection de l’Autorité de la concurrence, qui envisage quatre scénarios : augmenter les possibilités de prises de participations minoritaires (1e scénario) ou majoritaires (2e scénario) des pharmaciens dans le cadre des sociétés d'exercice libéral (SEL), autoriser l'arrivée d'investisseurs extérieurs minoritaires (3e scénario) ou majoritaires (4e scénario), soumis à des règles visant à garantir l'indépendance du pharmacien. « Dans le 4e scénario, qui n'est pas le plus probable à ce stade, on peut imaginer la possibilité d'exclure d'office certains acteurs comme les laboratoires fabriquant des médicaments », note Isabelle de Silva. « La profession aura son mot à dire sur les différents scénarios », ajoute-t-elle.
Autre cheval de bataille de l’instance : l’assouplissement de la vente en ligne de médicaments en France. Les déclarations du Premier ministre, le 5 mars dernier, à l’occasion des dix ans de l’Autorité de la concurrence, laisse penser que cette recommandation a été entendue. « Les conditions de la vente en ligne de médicaments dans notre pays apparaissent trop restrictives », lançait alors Édouard Philippe. L’Autorité de la concurrence veut que les sites français puissent se développer sans être défavorablement concurrencés par des sites étrangers qui n’ont pas les mêmes obligations à respecter. « Nous ne proposons pas de modèle pure player, c’est un choix prenant en compte une orientation de modèle à la française, et il ne sera pas plus possible demain qu’aujourd’hui pour un pharmacien de vendre des médicaments sur Amazon ou pour une grande surface de mettre en vente des médicaments sur son site marchand », souligne Isabelle de Silva. Elle apprécierait néanmoins qu’il y ait « un Newpharma français » et compte sur des « pharmaciens très dynamiques prêts à faire des choses d’une certaine envergure ».
Enfin, le rapport se prononce en faveur d’un droit de communiquer des officines – et des groupements de pharmacies - que ce soit sur les activités ou sur les prix des produits hors monopole, ne serait-ce que pour pouvoir « concurrencer à armes égales » les autres circuits de distribution. L’Autorité insiste sur le fait que toutes ses recommandations « sans exception » visent à maintenir un haut niveau de protection de la santé publique.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion