Les tableaux d’intoxications par les champignons peuvent être scindés en deux groupes selon leur délai d’apparition.
Syndromes à délai court :
Ils apparaissent dans les six heures suivant l’ingestion des champignons et sont en général plutôt de bon pronostic.
- Syndrome résinoïdien :
Principaux champignons responsables : Tricholome tigré (Tricholoma pardinum), Entolome livide (Entoloma lividum), Bolet de Satan (Boletus satanas), Clitocybe de l’olivier (Omphalotus olearius), Agaric jaunissant (Agaricus xanthoderma).
Le syndrome résinoïdien se traduit par des troubles digestifs d’apparition rapide : entre 15 minutes et 2 heures après la consommation des champignons. Son début est brutal et il peut entraîner des vomissements, des douleurs abdominales et des diarrhées potentiellement importantes. Le risque de déshydratation est donc à prendre en compte, notamment chez les enfants, les femmes enceintes ou les personnes âgées, et peut nécessiter une hospitalisation. La prise en charge de ce syndrome est basée sur un traitement symptomatique et une réhydratation. Sa durée n’excède en général pas 48 heures.
À noter que des champignons comestibles peuvent également entraîner ce syndrome s’ils sont mangés en grande quantité ou altérés (conservés dans un sac en plastique par exemple).
- Syndrome muscarinien :
Principaux champignons responsables : un grand nombre d’Inocybes comme l’Inocybe de Patouillard (Inocybe patouillardii), les petits Clitocybes blancs proches du Clitocybe blanchi (Clitocybe dealbata) et les Mycènes proches de la Mycène pure (Mycena pura).
Le syndrome muscarinien est dû à une toxine parasympathomimétique : la muscarine. Les troubles apparaissent rapidement après l’ingestion des champignons : de 15 minutes à 2 heures. Ils miment un excès de fonctionnement du système parasympathique et se traduisent donc par une sudation très importante (d’où le fait que ce syndrome est parfois nommé sudorien), une hypersécrétion salivaire, une bradycardie, un myosis et des troubles digestifs. L’administration d’atropine, aux propriétés parasympatholytiques, peut s’avérer nécessaire. Enfin, une réhydratation est indispensable.
- Syndrome panthérinien :
Principaux champignons responsables : Amanite tue-mouche (Amanita muscaria), Amanite panthère (Amanita pantherina), Amanite jonquille (Amanita gemmata).
Le syndrome panthérinien apparaît 30 minutes à 3 heures après la consommation du champignon responsable. L’intoxication se déroule en deux phases. La première est une période d’excitation avec agitation, délire, hallucinations et confusion. La seconde est une période de torpeur pouvant durer 48 heures. Le traitement est symptomatique : des sédatifs peuvent être administrés pendant la phase d’excitation. Enfin, il est important de rappeler que l’Amanite panthère peut être mortelle !
- Syndrome coprinien :
Principaux champignons responsables : Coprins noir d’encre (Coprinus atramentarius)
Le syndrome coprinien est dû à une toxine produite par ces champignons : la coprine. Celle-ci bloque la transformation de l’alcool dans l’organisme, entraînant alors une accumulation d’acétaldéhyde, à l’origine d’un effet antabuse. Ce syndrome n’apparaît donc qu’en cas de consommation d’alcool dans les 72 heures suivant la consommation de Coprins noir d’encre. Il se traduit par une rougeur du visage et du cou, des maux de tête, des vertiges, des bouffées de chaleur, des nausées et des troubles du rythme cardiaque. Ces symptômes apparaissent 30 minutes à 2 heures après l’ingestion d’alcool et disparaissent en quelques heures.
- Syndrome psilocybien :
Principaux champignons responsables : principalement des Psilocybes (Psilocybe) mais aussi des Panéoles (Panaeolus) et des Strophaires (Stropharia).
Le syndrome psilocybien est dû à la psilocybine : une toxine psychotrope. Celle-ci est à l’origine d’hallucinations, d’euphorie et de confusion mentale. Des complications à type d’anxiété intense voire d’état de panique peuvent survenir et nécessiter une hospitalisation. Ces symptômes apparaissent 30 minutes après la consommation de champignons frais ou séchés et durent quelques heures. La prise en charge repose sur le sevrage. À noter que la récolte, le transport et la vente de ces champignons sont interdits en France puisqu’ils sont considérés comme des drogues.
- Syndrome paxillien :
Principaux champignons responsables : Paxille enroulé (Paxillus involutus)
Le mécanisme de cette intoxication rare reste mal compris. Le Paxille enroulé provoque chez certaines personnes une réaction allergique extrêmement grave, caractérisée par une hémolyse et une atteinte rénale. Les troubles apparaissent une à deux heures après le repas. Il s’agit de symptômes digestifs (vomissements, diarrhées, douleurs abdominales), d’une hémolyse avec ictère et d’une oligurie suivie d’une anurie. Une hospitalisation s’impose car il existe un risque de décès. La prise en charge repose sur un traitement symptomatique ainsi qu’une hémodialyse et des transfusions si nécessaire.
Syndromes à délai long :
Ils apparaissent plus de six heures après l’ingestion des champignons. Ce sont les plus sévères. Des organes comme le foie et les reins peuvent être lésés et ces syndromes peuvent engager le pronostic vital.
- Syndrome phalloïdien :
Principaux champignons responsables : Amanite phalloïde (Amanita phalloïdes), Amanite vireuse (Amanita virosa), Amanite printanière (Amanita verna), certaines Lépiotes (Lepiota) et Galères proches de la Galère marginée (Galerina marginata).
Le syndrome phalloïdien est dû à la présence de toxines, les amanitines, dans ces champignons. Celles-ci résistent à la cuisson mais aussi à la dessiccation et la congélation. L’incubation est comprise entre 6 et 36 heures avec une moyenne de 12 heures. L’intoxication évolue en trois phases. La première (phase d’agression) correspond à un tableau de gastro-entérite avec vomissements et diarrhées intenses pouvant entraîner une déshydratation. Elle dure 3 à 4 jours. La seconde (phase de rémission apparente) voit les symptômes digestifs s’atténuer mais une atteinte du foie s’installer. La troisième et dernière (phase d’atteinte hépato-rénale) est caractérisée par des signes sévères d’insuffisance hépatique aiguë tels que des troubles de la coagulation ou de la conscience. La mort des cellules hépatiques se traduit biologiquement par d’importantes anomalies : augmentation des enzymes d’origine hépatique, hyperammoniémie… Les reins peuvent également être touchés.
La prise en charge de ce syndrome est une urgence absolue et impose une hospitalisation en réanimation. En effet, la mortalité est d’environ 15 %, il s’agit du syndrome avec le pronostic le plus sévère ! Le risque de décès se situe principalement entre le 8e et le 14e jour par hépatite fulminante. Le traitement associe réhydratation, traitements spécifiques limitant la pénétration des toxines dans les cellules hépatiques et rénales comme la silibinine (extraite du Chardon Marie), diurétiques pour favoriser leur élimination, et éventuellement épuration extra-rénale. On peut alors espérer une guérison complète dans les 8 à 12 semaines. Une transplantation hépatique est envisagée dans les cas les plus graves.
- Syndrome orellanien :
Principaux champignons responsables : Cortinaire couleur de Rocou (Cortinarius orellanus), Cortinaire resplendissant (Cortinarius splendens), Cortinaire très joli (Cortinarius rubellus).
La toxine responsable du syndrome orellanien est l’orellanine. L’intoxication commence par des troubles digestifs qui apparaissent en moyenne 24 heures après l’ingestion des champignons. Puis ce sont des signes d’atteinte rénale qui apparaissent dans un délai d’une à trois semaines ; on parle d’insuffisance rénale aiguë d’apparition retardée. Au moment du diagnostic il peut donc être difficile de faire le lien entre le repas et le tableau clinique. Les signes de la souffrance rénale sont des sueurs, des maux de tête, une sécheresse de la bouche avec soif intense, une oligurie puis une anurie. L’évolution se fait vers la guérison complète en quelques semaines ou vers l’insuffisance rénale chronique irréversible. Dans ce dernier cas, le patient doit donc être dialysé ou subir une greffe de rein. L’issue peut être fatale.
- Syndrome gyromitrien :
Principaux champignons responsables : les Gyromitres et en particulier le Gyromitre délicieux (Gyromitra esculenta). Ce champignon a d’abord été considéré comme comestible. Il a fallu attendre les années 1960 pour en découvrir la toxicité.
La toxine responsable de ce syndrome est la gyromitrine. Elle est en partie détruite par la cuisson et la dessiccation. Des cas d’intoxication sévère voire mortelle ont été rapportés après l’ingestion de grandes quantités de champignons ou la répétition des repas à quelques jours d’intervalle. Il existe deux phases. Les premiers troubles surviennent dans les 8 à 12 heures. Il s’agit de signes digestifs : vomissements, diarrhées, douleurs abdominales. Ils peuvent entraîner une déshydratation et de la fièvre (fait rare dans les intoxications par les champignons). Ces symptômes peuvent s’arrêter là ou évoluer dans un deuxième temps vers une hépatite et des troubles neurologiques comme des convulsions dans les 36 à 48 heures après le repas. Une hémolyse et une atteinte rénale sont également possibles. Le traitement est principalement symptomatique. Une hémodialyse peut s’avérer nécessaire dans certains cas.
- Syndrome myopathique :
Principaux champignons responsables : Tricholome équestre (Tricholoma equestre)
Le Tricholome équestre était encore considéré il y a peu comme un bon comestible. Mais il a été récemment découvert qu’en cas de consommation répétée à intervalles proches il pouvait être responsable d’une rhabdomyolyse. Cela se traduit par des douleurs musculaires, une asthénie intense et des nausées. Le bilan biologique montre une augmentation très importante des CPK signant une destruction massive des cellules musculaires. Dans les cas les plus graves, les muscles respiratoires et cardiaque sont atteints, entraînant un risque de décès du patient. La prise en charge nécessite une hospitalisation. Elle repose sur un traitement symptomatique.
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