Alors que la loi sur la fin de vie est en débat à l’Assemblée nationale, il est important tout d’abord de rappeler, d’une part, que « l’aide à mourir » est un subterfuge lexical qui désigne à la fois le suicide assisté et aussi l’euthanasie avec l’accord du malade et que, d’autre part, la très grande majorité des personnels soignants au contact direct des patients en soins palliatifs, en fin de vie ou en train de mourir sont fermement opposés à ce volet du projet de loi. Il est également important d’examiner l’historique de la profession de pharmacien.
Sa création remonte en effet à août 1353 par la « jurande des apothicaires craignant Dieu » de Jean II le Bon qui a mis en place la base de l’organisation pharmaceutique que nous connaissons encore aujourd’hui. La création des apothicaires a été mise en place suite à une série d’empoisonnements nécessitant un gardien des poisons avec une organisation particulière qui a été confirmée tout au long de l’Histoire, toujours suite à des vagues d’empoisonnements.
Quelques dates :
1777 : les apothicaires deviennent pharmaciens.
1793 : la loi « Le Châtelier » supprime les corporations mais, pour les pharmaciens, elle est rétablie au bout de trois semaines, compte tenu des empoisonnements.
1802 : le 1er consul met en place les organisations médicales et pharmaceutiques que nous connaissons aujourd’hui, notamment dans le domaine de l’enseignement.
Les activités habituelles du pharmacien sont quasiment incompatibles avec la préparation et la délivrance de substances à des fins létales
Pr Gilles Aulagner
Aujourd’hui, le pharmacien est l’expert des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux) pour soigner les patients (pharmacie clinique), les guérir (lorsque c’est possible), soulager leurs douleurs, éviter les effets indésirables iatrogènes, prévenir les maladies aussi bien infectieuses (vaccinations) que métaboliques et toujours « garder les poisons » ce qui figure dans le serment de Galien prononcé par tous les pharmaciens, sans parler, bien sûr, du volet fondamental de la recherche. Ces activités sont quasiment incompatibles avec la préparation et la délivrance de substances à des fins létales dont le pharmacien n’a aucune expérience, ce qui modifierait profondément la relation avec les patients.
La loi « fin de vie » prévoit la possibilité de nouvelles préparations magistrales hospitalières pour accélérer les fins de vie. Fallait-il pour autant organiser une telle problématique alors que la loi Leonetti n’est pas totalement appliquée qui nécessite des investissements importants dont ceux d’augmenter les suivis des soins palliatifs en France ? C’est une modification très profonde du rôle des pharmaciens dans le domaine de la fin de vie. Ceci est tout à fait regrettable car cela va à l’inverse des formations assurées au futur pharmacien le fait que l’on veuille supprimer la clause de conscience qui est pourtant impérative dans ce cas-là.
En effet, la loi dite fin de vie est une loi faite par des bien-portants ; or, toutes celles et tous ceux qui ont une expérience de la fin de vie à l’hôpital savent très bien que les patients ne veulent pas d’accélération vers la mort, hormis quelques cas exceptionnels (grande insuffisance respiratoire par exemple) d’ailleurs, Jean de la Fontaine, dans la fable La Mort et le Bûcheron, le rappelait : « Plutôt souffrir que mourir telle est la devise des hommes ».
Il faut développer prioritairement les soins palliatifs dont nous manquons dramatiquement (22 départements n’ont pas de structures adaptées). Des efforts importants doivent être conduits pour traiter plus efficacement les douleurs en ambulatoire comme en établissement, ce qui n’est malheureusement pas possible pour de nombreux patients socialement ou géographiquement très éloignés de structures spécialisées.
Enfin, cette loi n’évoque nulle part le rôle du pharmacien dans la conception, la préparation et la dispensation de produits de santé (médicaments et DM) pour soulager la douleur et participer aux soins palliatifs (incompétence des auteurs, non-concertation, … ?). Il nous paraît donc impératif (a minima) de rétablir la clause de conscience qui doit permettre, en tout état de cause, d’avoir un consensus véritable sur quelques besoins de fin de vie particuliers et de revenir à une rédaction plus conforme aux réalités du terrain.
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