Depuis janvier 2021, tous les hôpitaux font face à une forte augmentation de plus de 40 % des entrées aux urgences pédiatriques par rapport à avril 2020 pour des motifs psychologiques, avec des idées ou des tentatives de suicide, des scarifications ou encore des troubles des conduites alimentaires (anorexie mentale) chez les jeunes de moins de 15 ans.
Les enfants ont été très affectés par la peur de l’infection véhiculée par les reportages et la sémantique alarmiste utilisée quotidiennement par les médias. Leurs comportements sont aussi liés aux attitudes et aux émotions dégagées par les parents. « Les adolescents (17/18 ans) sont effectivement ceux qui vont le plus mal et leur mal-être est d'autant plus profond que leur enfance a déjà reçu des coups (sida, attentats, tsunami, guerres, réchauffement climatique). La pandémie déjoue leurs attentes autour de la liberté, la convivialité, le besoin de s’opposer, les perspectives de construction de soi (pas de projection, navigation à vue). Leur seul objectif est de survivre à la crise », constate le Dr Revol, psychiatre développement de l’enfant et de l’adolescent aux Hospices civils de Lyon. La pandémie a été aussi un révélateur des différences et des inégalités sociales, des vulnérabilités cognitives et affectives et surtout des conflits entre générations avec leurs parents, les babyboomers, qu’ils estiment en grande partie responsables de la situation sanitaire. « Il faut faire de cette crise violente une opportunité pour renouer un dialogue constructif et prendre le temps de repérer les adolescents en souffrance, les écouter et les protéger pour, à moyen terme, revoir notre mode de vie », conseille le psychiatre.
Des changements alimentaires au sein de la famille
Cette crise sanitaire a aussi impacté le mode de vie et le moral des parents et, par ricochet, ceux des enfants, autour de trois axes : l’alimentation, l’activité physique et la sédentarité. « Pendant le confinement, l’alimentation a pris une place importante dans la vie des Français car les salariés travaillaient à domicile, les enfants ne mangeaient plus à la cantine le midi, et donc de nouvelles habitudes de prises alimentaires ont vu le jour (snacking, prise d’encas) », explique Aurée Salmon-Legagneur, directrice d’études et de recherche au CRÉDOC.
Pendant cette période, les parents ont été plus permissifs avec les règles alimentaires habituelles, ils ont davantage cuisiné « maison » et passé plus de temps à cuisiner avec leurs enfants. Les choix alimentaires ont été modifiés, avec plus d’achats d’aliments-réconforts, les enfants ont manifesté plus d’appétit et davantage de plaisir alimentaire. La réactivité alimentaire (plus de prises de repas suite à des signaux externes comme les odeurs de cuisine) et la suralimentation émotionnelle ont également progressé, d’autant plus si l’enfant s’ennuyait. « Pour autant, il ne faut pas croire que le confinement a rendu les enfants obèses, insiste le professeur de pédiatrie Patrick Tounian, de l'hôpital Trousseau à Paris. Le risque des modifications du comportement alimentaire liées au confinement est de provoquer des déséquilibres nutritionnels (fer, calcium, acides gras essentiels, dont DHA, phytonutriments). C’est plus que nécessaire aujourd’hui d’associer le plaisir culinaire à l’équilibre nutritionnel. »
Des records de sédentarité
Déjà avant le confinement, les trois-quarts des 3-17 ans n’atteignaient pas la recommandation officielle qui est de 60 minutes d’activité physique intense à modérée tous les jours pour les enfants et les adolescents. Pendant le premier confinement l’activité physique a été diminuée de 42 % chez les enfants de 6 à 10 ans et de 59 % chez les 10-18 ans ; elle a baissé dans une moindre mesure chez les moins de 6 ans. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution : la localisation du domicile (urbain, périurbain ou rural), l’accès à un espace extérieur (collectif ou individuel), le niveau socio-économique du foyer, le niveau d’éducation des parents et la présence de conflits familiaux.
Le confinement a vu aussi battre tous les records de sédentarité et de comportements statiques derrière l'écran. En 2020, le temps d’écran de loisirs est estimé à 4 heures d’écran par jour en moyenne par enfant/adolescent, soit au total 93 % qui dépassent la recommandation en vigueur qui est de 2 heures maximum par jour. Le confinement a encore aggravé la situation et, au global, les enfants (48 %), les adolescents (65 %) et même les moins de 6 ans (60 %), ont eu tendance à augmenter le temps passé devant les écrans. Les parents sont 51 % seulement à reconnaître qu’il y a un lien entre télétravail et l’augmentation du temps d’écran des enfants.
D'après une visioconférence de la Société française de pédiatrie.