L'infection débute par la liaison de la protéine spike du SARS-CoV-2 au sulfate d'héparane (HS) mais le virus infecte aussi les cellules dotées à leur surface du récepteur ACE2 (enzyme de conversion de l'angiotensine 2), très présent également sur les cellules intestinales. L'atteinte respiratoire semble liée à un emballement de la réponse immunitaire avec une signature cytokinique pro-inflammatoire excessive au niveau pulmonaire. L'inflammation qui découle de cet orage cytokinique conduit à un dysfonctionnement majeur du poumon car les systèmes immunitaires de régulation n'ont pas pu se mettre en place.
La physiopathologie du virus peut aussi être vue à la lueur de l'axe intestin-poumon, comme le suggère le Pr Geneviève Héry Arnaud, du CHRU de Brest. « La tempête cytokinique augmente la perméabilité pulmonaire permettant au SARS-CoV-2 de rejoindre les entérocytes par voie systémique et d'activer les récepteurs ACE2 intestinaux, ce qui induit une inflammation intestinale, puis la fuite des bactéries et de leurs métabolites dans la circulation. » En parallèle, la dysbiose qui s'installe impacte le système immunitaire intestinal, qui envoie des signaux inflammatoires à d'autres organes, y compris au cerveau, contribuant ainsi à créer une atteinte multiviscérale et une boucle d'amplification des symptômes pulmonaires.
Des manifestations digestives fréquentes
Lors de l'infection par le SARS-CoV-2 les manifestations digestives observées doivent faire l'objet de vigilance accrue en cas de comorbidités, même si elles sont peu spécifiques (anorexie, diarrhée, nausées). Il est important de déterminer quel est l'impact de la dysbiose intestinale. L'analyse du microbiote intestinal d'un sujet sain montre une abondance de bactéries protectrices qui produisent des métabolites bénéfiques comme les acides gras à chaîne courte AGCC, dont le butyrate. Ces AGCC ont des propriétés anti-inflammatoires ; en se liant aux récepteurs des cellules immunitaires ils réduisent la production de cytokines pro-inflammatoires et ils améliorent l'activité effectrice des lymphocytes T CD8 cytotoxiques.
Dans le microbiote intestinal du sujet atteint de Covid-19, on observe une diminution de la diversité et de la richesse bactériennes, tandis que les bactéries potentiellement pathogènes augmentent. On observe également des altérations des microbiotes fécaux caractérisées par un enrichissement en candida albicans et par la présence de champignons pathogènes habituellement associés à la sphère respiratoire. Il est important de noter que du SARS-CoV-2 a été détecté dans les selles d'individus atteints du Covid-19, y compris asymptomatiques. Des traces du virus persistent même dans les selles plus de 15 jours après l'apparition des symptômes avec une fréquence plus grande lorsque les manifestations digestives sont présentes, ce qui prolonge le risque de transmission orofécale. Pour autant une propagation du virus par cette voie n'a pas encore été établie.
Covid-19 et modulation du microbiote
Les mécanismes par lesquels le microbiote intestinal soutient les poumons dans leur lutte contre les infections respiratoires virales sont nombreux et incluent, entre autres, la production pulmonaire de certains interférons, y compris dans le cadre du Covid. Une étude clinique pilote suggère que l'administration orale de bactéries lactiques pourrait diminuer le risque d'insuffisance respiratoire et conduire à une résolution plus rapide de la diarrhée observée chez les patients atteints de Covid-19. Une dysbiose semble plus marquée chez les patients sévèrement atteints ou ceux qui décèdent du Covid-19. En rééquilibrant le microbiote, les probiotiques pourraient réduire le risque d'infections ou en diminuer la réponse inflammatoire et la gravité.
Un lien entre microbiote et prédisposition au Covid-19 a même été proposé : la présence de lactobacilles s'associant à un rôle protecteur, alors qu'une abondance de klebsiella et de ruminococcus gnavus serait liée à la sévérité de la pathologie. « Face à ces constatations, s'est posée la question de moduler positivement les microbiotes pulmonaire et intestinal par un traitement de type pro -, pré- ou postbiotique pour corriger ou prévenir les anomalies de la régulation des réponses immunitaires, reconnaît le Dr Cyrille Hoarau, du CHRU de Tours. Cependant il est encore difficile, à ce stade, de déterminer un lien de causalité entre la dysbiose observée et les formes sévères. »
D’après une conférence de Pileje. « Revue des microbiotes », janvier 2021.