Thérapeutique hospitalière
Sunlenca dans le VIH-1 multirésistant
Sunlenca (lénacapavir), un antirétroviral inhibiteur de la capside du VIH-1, inaugure une nouvelle classe thérapeutique. En association avec un ou plusieurs antirétroviraux, le lénacapavir, disponible en comprimé ou en solution injectable est indiqué pour le traitement du VIH-1 multirésistant.
Sunlenca (laboratoire Gilead Sciences) a obtenu son autorisation de mise sur le marché (AMM) en 2022 en Europe. La Haute Autorité de santé lui a attribué un service médical rendu (SMR) important et une amélioration du service médical rendu (ASMR) modérée.
En France, environ 4 % des patients infectés par le VIH-1 présentent une charge virale non contrôlée (> 50 copies/ml). Les conséquences sont à la fois individuelles, avec un risque accru d'évolution de la maladie et de décès, et collectives avec un risque de transmission de virus résistants.
Après le retrait de l'ibalizumab, seul le fostemsavir peut être une alternative pour les patients porteurs d'un virus résistant à plusieurs classes d'antirétroviraux, mais avec un risque de résistance s'il est utilisé seul.
Le lénacapavir possède une activité antivirale puissante sans résistance croisée avec les autres classes thérapeutiques, ainsi qu'une longue durée d'action permettant un schéma d'administration simple (une injection sous-cutanée deux fois par an en phase d'entretien).
L'AMM s'appuie sur les résultats de l'essai de phase 3 Capella qui a inclus, dans deux cohortes, 72 patients infectés par un VIH-1 multirésistant avec une réplication virale non contrôlée. Dans la première cohorte, à 52 semaines, 83,3 % des patients traités par lénacapavir ont obtenu une charge virale < 50 copies/ml. Au total dans les deux cohortes, 93,1 % des patients ont rapporté au moins un effet indésirable, la majorité (77,8 %) étant d'intensité légère à modérée.
Thérapeutique ambulatoire
Paxlovid : premier antiviral anti-Covid disponible en ville
Traitement clé dans la lutte contre le Covid, l’antiviral oral de Pfizer, le Paxlovid (nirmatrelvir/ritonavir) a fait son entrée en janvier 2022, alors que de nouveaux variants réduisaient l’efficacité des vaccins disponibles. Indiqué chez les patients symptomatiques à risque de forme grave, l’antiviral a d’abord obtenu une autorisation d’accès précoce (AAP) en France, avant une AMM conditionnelle européenne et une AMM française en mai 2022.
Le Paxlovid est une association fixe de nirmatrelvir (un inhibiteur peptidomimétique spécifique de la protéase 3C-like nécessaire à la réplication virale) et de ritonavir (un puissant inhibiteur enzymatique du cytochrome P450) utilisé ici pour « booster » l’exposition au nirmatrelvir. L’antiviral de Pfizer a conservé son efficacité face aux variants en circulation jusque-là.
L’étude pivot Epic-HR (phase 2-3 multicentrique, randomisée, en double aveugle contre placebo), menée auprès de 2 246 adultes symptomatiques non hospitalisés, mais à risque, a montré l’effet du Paxlovid sur le risque d’hospitalisation ou de décès à 28 jours (0,77 % dans le groupe traité, contre 6,31 % dans le groupe placebo). Le risque de progression vers une forme grave apparaît réduit de 87,8 %. Ces résultats ont été confirmés en vie réelle.
L’antiviral est indiqué chez les adultes sans supplémentation en oxygène mais à risque de forme sévère : les immunodéprimés ; les porteurs de comorbidités, quels que soient l’âge et le statut vaccinal ; les personnes de plus de 65 ans avec des facteurs de risque, en particulier si elles ne sont pas complètement voire pas du tout vaccinées. Il est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale ou hépatique sévère. Le risque d'interactions médicamenteuses est à prendre en compte : la coprescription peut être contre-indiquée, possible en l'état ou nécessiter des ajustements (interruption temporaire du traitement de fond ou diminution des posologies).
La prise du Paxlovid doit débuter dès que possible après le diagnostic et dans les cinq jours suivant l’apparition des symptômes. Accessible en ville, le traitement reste pourtant sous-utilisé.
Maladies rares
Aspaveli dans l'hémoglobinurie paroxystique nocturne
Aspaveli (pegcétacoplan) des laboratoires Sobi et Apellis Pharmaceuticals, premier inhibiteur direct de la fraction C3 du complément, est indiqué dans l'hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) chez les patients anémiques après traitement par inhibiteur de complément C5 pendant au moins trois mois, uniquement en cas de taux d'hémoglobine < 10,5 g/dl.
Aspaveli a obtenu son AMM en 2021 et la Haute Autorité de santé lui a attribué un SMR important et une ASMR modérée (ASMR III).
L'HPN est une maladie clonale acquise des cellules souches hématopoïétiques. Les manifestations cliniques incluent une anémie hémolytique, une asthénie, des thromboses et un déficit modéré à sévère de l'hématopoïèse pouvant entraîner une pancytopénie.
Le seul traitement curatif est la greffe de moelle osseuse allogénique, qui n'est indiquée qu'en cas d'aplasie médullaire. En dehors des transfusions, le traitement repose sur les inhibiteurs du fragment C5 du complément, l'éculizumab et le ravulizumab, qui ont révolutionné la prise en charge ces dernières années. Il n'existait pas de traitement jusqu'à présent en cas d'échec de ces inhibiteurs de C5. Cette maladie rare (un cas sur 80 000 personnes) peut toucher tous les âges mais en particulier les jeunes adultes.
L'évaluation clinique d'Aspaveli repose sur l'étude Pegasus, un essai randomisé de phase 3 ayant inclus 80 patients atteints d'HPN avec un taux d'hémoglobine < 10,5 g/dl malgré un traitement par éculizumab. À 16 semaines, les patients du groupe pegcétacoplan avaient en moyenne une augmentation du taux d'hémoglobine de 2,37 g/dl quand le groupe éculizumab accusait une réduction de 1,47 g/dl. Les effets indésirables ont été essentiellement des réactions au point d'injection (33,6 %) et des diarrhées (22 %).
Thérapies innovantes
Ebvallo, première thérapie CAR-T « prête à l'emploi »
En dépit de leur efficacité dans les cancers hématologiques, les CAR-T cells présentent un défaut : le délai de plusieurs semaines nécessaire au prélèvement des leucocytes autologues et à leur transformation. Le tabelecleucel, commercialisé sous le nom d'Ebvallo par le laboratoire Pierre Fabre, est la première thérapie CAR-T allogénique prête à l'emploi.
Le tabelecleucel est indiqué en monothérapie dans le traitement de patients adultes et d’enfants âgés de deux ans et plus atteints d’une maladie lymphoproliférative post-greffe de cellules souches hématopoïétiques ou post-transplantation d’organes solides, positive au virus d’Epstein-Barr récidivante ou réfractaire (LPT EBV+), qui ont reçu au moins un traitement antérieur.
Il s'agit d'une indication très rare (27 à 65 patients par an en France) avec un très mauvais pronostic, dont le besoin médical n'était jusqu'à présent pas couvert. Ebvallo est composé de lymphocytes T cytotoxiques qui ciblent et éliminent les lymphocytes B infectés par l’EBV. Ils sont fabriqués aux États-Unis à partir de lymphocytes T prélevés sur des donneurs sains EBV+ et entièrement caractérisés selon le typage et la restriction HLA.
Les lots sont stockés en Allemagne, puis livrés aux établissements de santé européens dans un délai de cinq jours. L'administration se fait par injection intraveineuse.
L'efficacité de l'immunothérapie tabelecleucel a été démontrée dans l'étude de phase 3 Allele. Cette étude était non comparative, mais une comparaison indirecte a été fournie avec un groupe contrôle provenant de données en vie réelle.
Visualisation 3D des nerfs du pelvis pour la chirurgie
La Pr Sabine Sarnacki, cheffe du service de chirurgie pédiatrique de l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP) et impliquée en oncologie pédiatrique depuis plus de 25 ans, et la Pr Isabelle Bloch, titulaire de la chaire en intelligence artificielle de Sorbonne Université, ont mis au point un outil de modélisation 3D du système nerveux périphérique et des organes de la région abdomino-pelvienne pour un usage pré et peropératoire par les chirurgiens.
En chirurgie robotique, les modèles de visualisation 3D n’intègrent pas encore d’imagerie des nerfs ou de tractographie nerveuse. Les deux chercheuses ont décidé de se concentrer sur la région pelvienne, car elle est à la croisée des voies génitales, digestives et urologiques, avec un réseau vasculonerveux très riche et complexe.
À partir d'images d'IRM traitées par un système d’intelligence artificielle (IA), elles ont élaboré un prototype produisant, en quelques minutes, un modèle 3D du pelvis du patient et, en moins de deux heures, le modèle complet intégrant les structures nerveuses.
En préopératoire, cette modélisation 3D pourrait aider à établir la stratégie chirurgicale afin d’éviter ou de limiter les lésions nerveuses. Dans les situations oncologiques complexes, l'outil pourrait participer à l’évaluation de la balance bénéfice/risque entre qualité de la résection et minimisation des séquelles. En cas de chirurgie mini-invasive robot-assistée, ce peut être un guide peropératoire en 3D. Ce modèle pourrait aussi se révéler utile devant une maladie malformative et tumorale pédiatrique pour laquelle il n’existe pas d’outil disponible de modélisation. Cette technique pourra être déclinée à d’autres zones anatomiques, où les structures nerveuses sont importantes, chez l’adulte comme chez l’enfant.
DM
HEMO2 life : une hémoglobine naturelle de ver marin en greffe rénale
Développé à partir d'une hémoglobine extracellulaire extraite du ver marin Arenicola marina, le dispositif médical HEMO2 life de l'entreprise Hemarina est un transporteur d'oxygène indiqué en transplantation rénale. Cet additif aux solutions de préservation permet d'oxygéner le greffon de façon physiologique et donc d'augmenter son temps de conservation. La molécule issue de ce ver marin, qui délivre 40 fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine, est compatible avec tous les groupes sanguins. De plus, elle est fonctionnelle pour des températures allant de 4 °C à 37 °C.
Les résultats de deux études cliniques en transplantation rénale, incluant plus de 630 patients, ont montré une meilleure reprise de fonction de l'organe greffé, grâce en particulier à une diminution des dommages d’ischémie-reperfusion, et une meilleure survie des patients ayant reçu un organe conservé avec ce dispositif (98,2 % contre 85 % à 4 ans).
Sonio Diagnostics, un logiciel d'IA pour le diagnostic prénatal
Dans 50 % des cas, les anomalies congénitales détectables ne sont pas repérées lors de l’échographie. Le logiciel d’intelligence artificielle (IA) Sonio Diagnostics, développé par l'entreprise Sonio, aide le praticien dans le diagnostic prénatal des anomalies fœtales et syndromes associés.
Une fois renseignée la première anomalie identifiée, Sonio Diagnostics guide le praticien dans son examen vers la recherche des signes associés les plus probables. Il intègre les facteurs de risque personnels et familiaux et, lorsque c'est pertinent, invite à vérifier la présence de certains d'entre eux. Sonio suggère un diagnostic du plus probable au moins probable.
Pour les sept diagnostics les plus courants, il offre un taux de précision supérieur à 95 %. Ce dispositif peut être installé avec n’importe quel échographe et ne demande qu'une connexion internet. La base de données utilisée par l’algorithme est mise à jour en continu et l’application intègre les dernières recommandations internationales sur le dépistage échographique fœtal.
DM implantable ou interventionnel
Farapulse pour l'ablation de la fibrillation atriale par électroporation
Le système d'ablation Farapulse du laboratoire Boston Scientific SAS représente une avancée en cardiologie interventionnelle par l'introduction de l'électroporation dans la prise en charge de la fibrillation atriale (FA). Il permet de traiter des lésions cardiaques durablement, tout en préservant les tissus sains tels que l'œsophage ou les nerfs et veines pulmonaires, améliorant la qualité de vie des patients.
Le système Farapulse repose sur l'utilisation d'une énergie thermique et sélective pour le traitement de la FA. L'efficacité a été évaluée par l'essai de non-infériorité Advent qui a comparé l'électroporation à des méthodes thermiques conventionnelles (cryoablation, radiofréquence).
Les équipes médicales françaises ont joué un rôle déterminant dans les développements technologiques et dans la validation clinique du système. L'équipe du Pr Pierre Jaïs au CHU de Bordeaux a réalisé la première intervention au monde utilisant Farapulse sur un patient avec une FA en mars 2021.
DM de compensation de handicap
Peristeen Plus, une sonde rectale dans le syndrome post-résection
Le syndrome de résection antérieure du rectum (Lars) est une pathologie rare, grave, invalidante et taboue, entraînant un isolement social et une altération importante de la qualité de vie. Cette complication survient après résection totale ou partielle de l’ampoule rectale, notamment dans le cancer du rectum (50 % des patients opérés atteints). Les symptômes sont à type d'incontinence anale, de troubles de l'évacuation des selles diurnes et nocturnes, d'urgences fécales ou de difficultés à l'exonération.
La sonde rectale conique Peristeen Plus (laboratoire Coloplast) est un système d'irrigation colique rétrograde. La forme conique de la sonde aide à maintenir l'eau dans le côlon, où elle déclenche des mouvements péristaltiques réflexes. La sonde est à utiliser tous les deux à trois jours pour équilibrer le transit intestinal.
Selon les résultats de l'étude clinique CP 327 menée en France, la sonde Peristeen Plus diminue voire supprime les urgences et les fuites fécales, les difficultés d’exonération et de poly-exonérations diurnes et nocturnes. À plus long terme, cette sonde permettrait d’éviter le traitement chirurgical, dont la stomie définitive.
Accompagner des endeuillés après don d'organes
Le CHU de Bordeaux propose un programme d'accompagnement pour tous les endeuillés dont le proche a fait don de ses organes et/ou tissus, après une mort encéphalique. Si le deuil est normal, il importe de repérer au plus vite le deuil pathologique : des ruminations envahissantes, une détresse intense, des perturbations dans les relations sociales et dans l’existence pendant plus d'un an.
Au terme d’un premier entretien d’annonce du décès suivi de la proposition de don d'organes, l'équipe de la coordination hospitalière des prélèvements d'organes et de tissus (CHPOT) propose aux familles de les recontacter ultérieurement.
À trois mois, six mois, un an et deux ans post-décès, le CHU envoie trois échelles psychométriques validées d’auto-évaluation : le score ICG spécifique du deuil, un questionnaire ciblant le syndrome de stress post-traumatique (PLC-S) et un outil recherchant des symptômes dépressifs (IDS-SR).
En cas de score élevé au-delà de six mois, la personne est invitée à contacter son généraliste qui est informé de la souffrance de son patient afin de pouvoir l'orienter vers des thérapeutes spécialisés. Au terme des deux ans de suivi, une synthèse est adressée au médecin traitant.
Grandes entreprises
L'Arbre Conseils Mal de tête, une appli pour les pharmaciens
Baptisé « l’Arbre Conseils Mal de Tête », cette application vise à aider les pharmaciens à prendre en charge les patients céphalalgiques au comptoir. Cet outil web est basé sur les recommandations de la Société francophone des sciences pharmaceutiques officinales (SFSPO), partenaire de l’initiative, et a été développé par la société Observia, avec un financement de Sanofi.
Gratuite pour les pharmaciens, l’appli guide l’interrogatoire du patient, en quatre minutes maximum. Elle aide à caractériser la douleur (type, début, intensité) et propose une conduite à tenir : orientation vers un médecin ou choix d'un antalgique adapté. Les bénéfices de l'outil ont été mesurés dans une étude pilote menée par les URPS Hauts-de-France et Nouvelle-Aquitaine.
Start-up
Resilience pour le suivi à distance en oncologie
Resilience est une solution digitale dédiée au suivi à distance des patients en oncologie, qui se décline à la fois sous forme d'application mobile (accompagner les patients dans la gestion des traitements) et de plateforme de télésurveillance (dispositif médical de classe IIa).
L’étude Capri, randomisée, de phase 3, portée par Gustave-Roussy, ainsi que les études Star et Pro-Tect, randomisées et contrôlées, ont montré : une augmentation de 4 % de la dose effectivement reçue par le patient, une diminution de 9,3 % des toxicités sévères liées au traitement, une réduction de 1,62 jour d’hospitalisation, une baisse de 6,9 % de recours aux urgences, une augmentation de 5,2 mois de vie gagnés. De plus, 31 % des patients sous télésuivi expriment une meilleure qualité de vie par rapport aux témoins.
En pratique, Resilience est prescrit par l’oncologue et le patient répond à des questionnaires hebdomadaires adaptés. Grâce à un système d’alerte, l’équipe soignante peut détecter et prédire les rechutes, les toxicités ou les complications rencontrées. L’application comporte des programmes d'éducation thérapeutique, de soins de support et de thérapies brèves.
Accompagnement du patient
Fluid-Crack-Psy, à l'hôpital Fernand-Widal
Fluid-Crack-Psy, à l'hôpital Fernand-Widal de Paris, est une filière de dépistage, de diagnostic, d’orientation et d’accompagnement dans les soins psychiatriques des consommateurs de crack. Son but : favoriser l'accès aux soins d'une population qui cumule les vulnérabilités.
Ce programme a permis dès sa première année à 68 patients de débuter une prise en charge ; 38 en sont sortis. Il a été constaté une diminution de la souffrance des patients, et pour certains, de véritables changements de trajectoire avec une insertion durable dans les soins.
E-santé
DiamWatch pour la télésurveillance dans la maladie de Parkinson
DiamWatch est un dispositif médical de télésurveillance pour les patients atteints de la maladie de Parkinson, dont l'objectif principal est d'améliorer leur qualité de vie. L'application DigiPark permet le suivi des symptômes moteurs et non moteurs, la gestion du pilulier électronique et des médicaments. DiamWatch dispose d'un centre de gestion des appels pour réguler et orienter les patients. Un programme d'éducation thérapeutique (Motiv'Park Game) est également proposé.
Pour les neurologues, DiamWatch devrait faciliter l'évaluation de l'état de santé de leur patient et l'adaptation des traitements, tout en réduisant les consultations inutiles. La start-up DiamPark espère obtenir une prise en charge par l’Assurance-maladie.